… dans le lotus bleu éternel
En bon tintinophile c’est, évidemment à Tintin dans « Le lotus bleu », exhibé avec la cangue autour du cou après avoir été condamné à mort, que j’ai pensé en prenant connaissance de la façon dont ont été traitées quatre personnes récemment condamnées à mort en Chine.
Ces quatre condamnés étrangers (Un Birman, un Thaïlandais, un Laotien et un apatride), trafiquants de drogue (Tiens donc, c’est déjà une lutte contre le trafic de drogue que raconte « Le lotus bleu »), avaient tué treize marins chinois sur le Mékong en 2011.
Les lois chinoises actuelles ont aboli l’exécution capitale en public précédée d'une humiliante promenade en ville, avec cette pratique ancestrale de la cangue qu’HERGÉ m'avait fait découvrir. Malgré ces lois, ces quatre condamnés - tout sauf des enfants de chœur - furent extraits d’une cellule à Kunming et, entravés par une corde les obligeant à tenir la tête baissée. C’est dans cette posture forcée d’hommes honteux de leurs crimes qu’ils furent conduits, devant de nombreux spectateurs, jusqu’au véhicule dédié à cette sinistre tâche, où ils subirent une injection létale. Tout ceci eut lieu sous le regard de la foule et devant l’objectif des caméras de télévision invitées à assister à leur exécution en direct afin d’en répercuter largement les images pour impressionner les téléspectateurs devant le caractère impitoyable de la punition des criminels.
Sur le plan économique, la Chine est largement éveillée … mais l’est-elle vraiment sur le plan social et sociétal ?
J’ai souvent entendu dire, dans les années 70, que la meilleure façon de faire évoluer les pays communistes, où le léninisme avait dérivé vers une bureaucratie totalitaire installée par STALINE, c’était d’amplifier les échanges économiques entre l’ouest et l’est. Et j’ai tout à fait partagé cette conviction, comme se le rappelle mon épouse avec qui j’en parlais en démarrant l’écriture de ce billet. La politique étrangère de Georges POMPIDOU, illustrée jusqu’aux derniers jours de sa vie par la rencontre avec Léonid BREJNEV à Pitsounda le 13 mars 1974, comme « l’ost politik » conduite depuis 1969 par Willy BRANDT, étaient inspirées de cette idée et l’on peut penser que la pérestroïka conduite par Mikhaïl GORBATCHEV … puis la chute du mur de Berlin en découlèrent très directement.
La spécificité chinoise résulte de l’immobilisme, voire du caractère rétrograde, de ce pays qui combine innovation économique, domination de plus en plus impressionnante sur le plan industriel à laquelle nous avons largement ouvert nos portes, et préservation d’un modèle politique où le seul changement a consisté à remplacer l’empereur par le chef du parti communiste et les mandarins par les cadres du Parti Communiste Chinois. Même la corruption, qui pourrissait la Chine impériale du XIXème siècle, fait partie des caractéristiques du régime actuel.
Sous des apparences très modernisées c’est donc, toujours, la « Chine éternelle » qui continue de régner depuis Pékin sur un pays où vit plus de vingt pour cent de l’humanité.
Jusque quand ?
Jean-Paul Bourgès 3 mars 2013