Construire la vie … en détruisant des tombes ?
J’ai toujours du mal à m’exprimer sans auto-censure sur les excès théocratiques qui se déroulent dans des pays où s’est développée « notre vocation civilisatrice » à l’époque où nous prétendions coloniser des pays ayant derrière eux des passés si riches.
Certes nous ne nous sommes pas livrés à des destructions de monuments, mais nous avons été, sauf exception, tellement méprisants à l’égard de la culture de ces pays et de leurs peuples, qu’il me semble souvent préférable de me taire devant les événements qui se déroulent dans ces régions.
L’Homme est étrange par cette capacité qu’il a d’attribuer à des abstractions, à des images, à des restes historiques des valeurs symboliques telles qu’il est prêt à mourir pour les défendre ou à faire, à l’inverse, de leur destruction un acte fondateur de ce qu’il estime être une avancée décisive. Les destructions des statues qui ornaient nos cathédrales, à Lyon par les Protestants en 1562 et, plus largement, un peu partout lors de la Révolution Française ne nous autorisent pas forcément à donner des leçons aux autres.
Ce qui se passe au nord du Mali doit, malgré les réserves exprimées ci-dessus, nous interroger. Comment comprendre et tolérer qu’un régime … est-ce un régime ou simplement une bande d’excités dont la pensée ne s’exprime que de façon kalachnikofique … prétend passer à la toise d’une lecture simpliste des textes islamiques (Savent-ils simplement lire ?) les habitants de cette « perle du désert » qu’est Tombouctou où, naguère, de grands esprits de l’Islam façonnaient la pensée d’une communauté universitaire de l’ordre de vingt cinq mille étudiants.
Chaque fois que des hommes détruisent les œuvres de ceux qui les ont précédés, ils expriment de façon désespérée leur lutte pour ce qu'ils pensent être un progrès abolissant un passé qui leur fait horreur. Pourtant, rien ne nous permet jamais de croire que l’avenir se construira sans prise en compte du passé. Quant à l'Homme, souvent d'ailleurs sous sa forme féminine, il pèse encore moins lourd aux yeux des fanatiques.
Nous sommes trop économiquement intéressés à ce qui se passe dans cette région, principalement au Niger voisin en raison de ses réserves d’uranium, pour nous permettre d’intervenir, mais on ne peut qu’espérer que la communauté internationale africaine saura mettre un terme à la folie qui se déroule à Tombouctou.
Jean-Paul Bourgès 3 juillet 2012