Dépasser le mariage de la main gauche !
Cette affaire du « mariage pour tous » semblait, avant l’élection présidentielle, ne pas rencontrer beaucoup d’opposition et une majorité de Français se déclarait en faveur de cette évolution de notre droit. Manifestement la « France de droite », parmi laquelle se trouvait nombre de personnes favorables en début d’année, est en train de réussir une coalition d’opposants qui mord sur la gauche puisqu’on a même vu que des députés PS de conviction catholique faisaient part de leur réticence à voter cette réforme promise par le candidat HOLLANDE. Gilles BERNHEIM, Grand Rabbin de France, a publié un texte très fouillé et donc plus nuancé que les soupçons d'évolution ultérieure vers la polygamie et l'inceste brandis par Philippe BARBARIN après sa sortie du 15 août ( http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-bourges/160812/un-parlement-de-dieu ), mais l'opposition est la même.
Mais de quoi s’agit-il ?
Veut-on contester à deux hommes ou à deux femmes le droit de s’aimer si profondément qu’ils veuillent affirmer publiquement cet amour, qu’ils espèrent aussi durable que leur vie, comme peuvent le faire un homme et une femme ? Ce serait, bien évidemment, de l’homophobie et ceux qui s’opposent au « mariage pour tous » protestent en affirmant qu’ils ne sont nullement homophobes.
Veut-on imposer à la société toute entière les valeurs et convictions de ceux qui, croyants, se retrouvent dans les principes des Eglises ? Nul n’a ce courage car, même si la laïcité est une valeur fragile de nos jours, d’autant qu’elle est bien loin d’être un principe fondamental dans beaucoup d’autres pays … y compris en Europe, il est quand-même évident que ceux qui seraient prêts à revenir sur la laïcité « à la Française » sont extrêmement minoritaires.
Du coup, pourquoi ne pas oser aller beaucoup plus loin en supprimant le PACS, en instaurant le « mariage pour tous » et en ignorant purement et simplement le mariage religieux qui, du coup, pourrait être célébré par les prêtres, pasteurs, imams, rabbins etc ... sans qu’il y ait eu préalablement un mariage civil, mais qui continuerait à n'avoir, bien sûr, pas plus de conséquence en droit civil que n'en a l'union libre ?
Ayant dissocié totalement les deux sphères, celle du mariage civil et celle du mariage religieux, nous sortirions des positions ambigües que nous observons actuellement. Libre, ensuite, à certaines églises de refuser absolument ou d'accepter de constater l’union de deux personnes du même sexe selon des modalités leur convenant (Y compris par quelque chose qui reconnaîtrait l’amour de deux personnes sans appeler ça un mariage pour autant, pourquoi pas un « PARS Pacte Religieux de Solidarité » … puisque cette innovation de 1999 semble désormais parée de toutes les vertus aux yeux de ceux qui avaient si violemment combattu le PACS).
A côté de la question du mariage, on a amalgamé celle de l’adoption et du « droit à l’enfant » qui est une étrange évolution « des droits de l’enfant ». Comme toujours lorsqu’on procède comme cela, le débat perd en clarté parce qu’il mêle des considérations de natures tout à fait diverses. C’est bien dommage de ne pas avoir prévu des textes différents (Pas forcément des lois pour chaque aspect, d’ailleurs) sur lesquels les positions auraient pu être plus facilement nuancées.
En tout état de cause, voir des hommes et femmes politiques de droite, habitués du mariage à répétition ou vivant en union libre depuis des lustres ou encore en couples de même sexe de façon notoire ou cachée, enfourcher ce combat derrière les hiérarques de l’Eglise Catholique … ça ne donne pas beaucoup de force aux arguments des Eglises, ça les teinte plutôt de simple calcul politicien. Ne seraient-ils pas, tout simplement, les occupants du Cheval de Troie ?
Jean-Paul Bourgès 3 novembre 2012