… mais en voyant de moins en moins loin
Dans beaucoup des débats économico-politiques actuels, je suis frappé de voir deux perspectives qui s’écartent … au point d’aboutir à une profonde incompréhension.
Depuis déjà longtemps on dit que, chaque année, la durée de la vie moyenne s’accroît de l’ordre d’un trimestre ! Vous rendez-vous compte : quatre ans de plus en seize ans ! Pour ne pas s’emballer, voire se rassurer, il semble aussi que Jeanne CALMENT, avec ses cent vingt deux ans, ait atteint un âge maximum inscrit dans notre patrimoine génétique.
Pendant ce temps, tous les raisonnements économiques lourds, qui étaient fondés sur la durée, ont basculé, sous la pression des maîtres de la finance, vers l’immédiateté du rendement financier à maximiser.
Partant de ces deux constats, mon propos n’est pas principalement économique, mais humain.
Comment des Hommes qui vivront nettement plus longtemps que leurs ancêtres, concilient-ils cela avec le fait de se préoccuper aussi peu … et même de moins en moins … de l’avenir lointain ?
En 1492, Christophe COLOMB n’avait que quarante et un ans lorsqu’il partit vers « les Indes » et c’est cent quarante trois jours plus tard lors d’une funeste nuit de réveillon de Noël où « la Santa Maria » s'échoua, qu’il arriva vraiment dans le « nouveau monde ». Il mit presque deux fois plus de temps pour traverser l’Atlantique que François GABART pour boucler un « Vendée-Globe ». Et Christophe COLOMB mourut moins de quinze ans plus tard, en grand vieillard ayant accompli l’exploit qui devait reconfigurer l’ensemble du monde géopolitique !
Il y a là, pour moi, un profond paradoxe. Plus nous avons de probabilité de vivre longtemps, moins nous semblons nous préoccuper de l’avenir lointain.
J’y pensais encore ce dimanche où nous fêtions les sept ans de l’un de nos petits-fils et alors que nous avions gardé le dernier de nos petits-enfants, âgé de quinze mois. Deux ou trois générations plus tôt, j’aurais eu l’âge d’être arrière-grand père … si j’avais encore été vivant. Là, ceux qui me sont si proches en étant mes petits-fils, n’en sont qu’au début de leur vie et toute ma pensée est tournée vers le monde qu’on leur prépare. Et, pourtant, jour après jour, je ne vois qu'indifférence à l’avenir au profit de l’immédiat.
Aurons-nous été une génération maudite, née à l’époque de la fin de la pire horreur de l’humanité, et n’ayant pas su élever la génération suivante pour que cela ne revienne jamais ? En tout cas je ne vois pas ce que nous pouvons être fiers de céder à nos petits-enfants en dehors d'une étrange myopie.
Jean-Paul Bourgès 4 février 2013