Parler à qui ? … ou parler de quoi ?
Nos sociétés sont devenues trop complexes pour imaginer un véritable projet politique fondé sur l’expression des aspirations d’une seule catégorie de citoyens. Fini le temps des « élus du monde rural », des « élus du monde ouvrier » ou des « élus des rentiers » etc …. Qu’y a-t-il de commun entre l’exploitant, ultra-mécanisé, diplômé bac + 3, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur, à la tête d’une exploitation céréalière dans la Beauce qui suit chaque jour l’évolution des cours du blé à Chicago, et un modeste chevrier en Haute-Ardèche qui se contente d’observer le sens du vent ?
A vouloir « parler à des catégories » le discours politique des partis traditionnels s’est vidé de sens, à un point tel que plus personne ne l’écoute ni le comprend. Je pense que la montée, qui semble inexorable, du FN et de ses honteux émules de la droite, résulte de ce que leur discours n’est justement pas catégoriel. Ce discours fait, d’ailleurs, mouche chez les jeunes aussi bien que chez les vieux, chez ceux qui côtoient des immigrés comme chez ceux qui n’en ont jamais vu un seul autrement qu’à la télé, chez des ruraux comme dans les cités des grandes villes.
Quel est donc ce discours miraculeux du FN au ruban collant duquel viennent se prendre tant de mouches désorientées ?
Il ne comprend qu’un seul message, répété sous toutes les formes possibles au gré des circonstances : la haine et au moins le rejet de l’autre … quel que soit l’autre. Sur un thème aussi simple il n’y a nul besoin d’expliquer pourquoi la disparition de l’autre me ferait du bien. Il suffit de l’affirmer et de le répéter sans cesse. HITLER pratiqua ainsi en disant aux Allemands qu’ils avaient besoin que les Juifs disparaissent. L’extermination n’est pas un détail de cette histoire, comme le pensait Jean-Marie LE PEN, elle en est la matière même.
Nous ne sortirons de cet enfermement intellectuel qu’en cessant de parler différemment aux uns et aux autres.
A tous, il faut tenir un seul discours de vie s’opposant radicalement à un discours mortifère.
Le discours du FN est un discours de désespoir. Il faut lui opposer un discours d’espoir fondé sur un accroissement de la solidarité. Ce n’est que dans l’espoir que l’on peut s’unir positivement.
Pour propager son discours mortifère de haine de l’autre, le FN n’a pas hésité à s’approprier des symboles forts (Le drapeau, Jeanne d’ARC, la chrétienté … alors que le propos est totalement contradictoire avec l’Evangile). Ceux qui veulent résister et donc gagner contre le FN ne doivent pas avoir peur de jouer, eux aussi, sur le registre émotif. Méditons l’extraordinaire impact du petit livre de Stéphane HESSEL, « Indignez-vous ! ».
Retrouvons les symboles du progrès, de l’unité nationale et de la solidarité internationale … et nous pourrons alors cesser de parler à des catégories, en disant à chacun des choses différentes, morcelées, contradictoires. Nous pourrons, de nouveau, dire la même chose à tous à savoir qu’il n’y a de l’espoir que dans des démarches de vie et qu’il n’y a que dans le respect de la vie de tous et de chacun qu’il y a de l’espoir.
Certains me rétorqueront, probablement, que c’est simpliste.
Je leur demande juste de quitter la pédanterie de leur Olympe abstrait, technologique et exclusivement compréhensible par des experts-comptables ... qui est déconnecté du réel, … mon propos n’est pas vraiment simpliste … il est simplement vrai.
Jean-Paul Bourgès 3 juin 2012