Lyon est l’un des hauts-lieux d’une tradition textile issue des relations de cette ville avec l’Italie. Durant des siècles les relations financières, commerciales et industrielles entre l’Italie et Lyon furent tellement importantes qu’il suffit de se promener rue Saint Jean, dans le Vieux Lyon, pour avoir l’impression d’être à Florence avec des bâtiments où les cours, les escaliers, et les encorbellements ont des formes et même des couleurs qui nous emmènent sur les bords de l’Arno. Mais la relation entre Lyon, la Lugdunum antique, et l’Italie est encore bien plus ancienne, puisque l’Empereur Claude y naquit au bord de la Saône dix ans avant notre ère.
La soie, vint à Lyon dans le cadre de ces relations étroites. Pendant longtemps mon bureau se trouvait, à Lyon, rue du Bât d’Argent. Ce nom vient de ce que c’était par cette rue, entre Rhône et Saône, qu’arrivaient ou repartaient les mules portant l’argent traduisant l’important flux de marchandises importées ou exportées de et vers l’Italie.
A partir de François 1er Lyon se vit accorder le monopole de la production de soie dans le Royaume, avec l’intention d’éviter de payer trop d’importation de soieries en provenance d’Italie.
C’est dans ces conditions que Lyon acquit un très grand savoir-faire dans le travail de la soie, dont les cocons provenaient des magnaneries installées au sud de Lyon, en particulier dans l’Ardèche du sud.
Les soieries lyonnaises firent la richesse et même l’opulence de nombreuses familles lyonnaises, où l’on dit encore aujourd’hui de familles fort aisées « C’est une famille de soyeux ».
Toute cette histoire est à l’origine de la création, au milieu du XIXème siècle des plus beaux et intéressants musées de Lyon : « le musée des tissus » et son jumeau « le musée des arts décoratifs ». Dépassant très largement la période que je viens d’évoquer brièvement, le musée comporte des tissus du monde entier, dont certains datent des débuts du tissage à l’époque des Pharaons, il y a plus de quatre millénaires ( http://www.mtmad.fr/fr/Pages/default.aspx ).
Pourtant ces musées sont menacés de disparition car la Chambre de Commerce et d’Industrie, dont les moyens ont baissé du fait de la réduction des dotations de l’Etat, cherche à céder les musées afin de s’alléger de un million-sept-cent-mille euros correspondant à leurs budgets.
Avec un total annuel de charges de l’ordre de soixante millions d’euros, la baisse des dotations de l’Etat, de trois millions cinq-cent-mille euros, correspond à peu près au double du budget des musées mais à seulement cinq pourcent du budget de la Chambre de Commerce et d’Industrie.
Si, aujourd’hui, je fournis ces explications précises, c’est qu’on se rend compte que les premières dépenses dans lesquelles on tranche, ce sont celles de la culture … même quand cela correspond au patrimoine le plus emblématique de toute une région.
On associe le régime nazi à la célèbre phrase « Quand j’entends le mot culture, je sors mon révolver ».
Désormais quand un comptable public arrive quelque-part il marmonne : « Quand j’entends le mot culture, je sors mes ciseaux ». Notre civilisation n’est-elle pas autant menacée par cela, qui sévit tous les jours et partout, ... que par Daesh ?
Jean-Paul BOURGÈS 5 décembre 2015