… d’un discours à Strasbourg
Hier, à Strasbourg, François HOLLANDE exprima sa vision de l’Europe devant les parlementaires européens et les membres de la Commission Européenne.
Aujourd’hui je ne veux pas revenir sur le détail des propos qu’il y tint, mais plutôt parler de deux visages que j’ai observés durant le discours, imaginer ceux de certains absents, évoquer quelques « grands anciens ».
Au premier rang, à droite dans l’hémicycle, se tenait Manuel BARROSO et, compte-tenu de la tête qu’il faisait, il n’y a que deux hypothèses possibles : ou cela relève de son médecin qui devrait bien vite se préoccuper de l’état de sa vésicule biliaire, ou cela confirme qu’il maîtrise aussi bien la langue française que la portugaise et il a parfaitement compris que l’ennemi de l’Europe qui est désigné s’appelle la Commission Européenne qu’il préside. Assis quelques rangs plus loin, bougeant sans cesse sur son siège, non pas d’indignation comme souvent mais d’approbation, je crus revoir ce jeune-homme qui narguait un CRS devant la Sorbonne en 1968 et qui amena toute une génération à dire : « nous sommes tous des Juifs-allemands ». Ce toujours vert « Dany le rouge » interpella le Président de la République Française, sitôt ses derniers mots prononcés, en lui disant : « François, je t'ai compris, le changement, c'est maintenant ! ». Quel contraste entre celui qui avait oublié de prendre ses antalgiques et celui qui était monté sur ressort.
Deux absents planaient sur la réunion : tout d’abord le pitre de Londres qui n’a qu’un mérite à mes yeux qui est d’avoir approuvé le « mariage pour tous » en Angleterre qui vient d’être voté sans l’ombre d’une passion par « Les Communes ». Ensuite, bien évidemment, Angela MERKEL dont on put voir encore ce soir au Stade de France le caractère débridé. C’est toute la politique d’Angela MERKEL qui fut dénoncée et quels que soient les sourires et les bises de « vieux copains » grelottant à la tribune d’honneur du stade, tout le problème est dans la divergence entre la vision allemande et la vision française.
Quant aux grands anciens, dont on vient juste de marquer le cinquantenaire des actes historiques qu’ils posèrent, c’est, bien évidemment à ces grands « couples » franco-allemands que je pense. Faisons-les juste défiler en imaginant leurs sentiments.
Konrad et Charles, le doyen et son benjamin de quatorze ans de moins qui, bousculant tout sur leur passage posèrent le principe de l’amitié franco-allemande et qui, l’un comme l’autre, persuadés que « l’intendance devait suivre » n’auraient même pas imaginé « que la politique puisse se faire à la corbeille ».
Helmut et Valéry, laissèrent l’économie, qu’ils croyaient comprendre, prendre place au milieu du jeu, ils ne peuvent être heureux de voir ce qui est advenu … mais ont-ils la modestie de le reconnaître ?
François et l’autre Helmut, qui firent de grandes avancées institutionnelles et techniques pour l’Europe, mais dont on retiendra surtout l’image de deux grands enfants se tenant par la main devant le monument de Douaumont qui symbolise le malheur de tant d’autres enfants.
Et puis comment oublier l’humilité de Willy BRANDT agenouillé à Auschwitz !
Oui, pour tous ces grands anciens, pour beaucoup d’autres qu’ils ont représentés, toute l’évolution de l’Europe est un déchirement car l’inspiration politique a déserté pour laisser la place aux experts-comptables et à leur dramatique triple A…
Ne nous étonnons donc pas que le discours présidentiel ait juste résonné comme « Le discours sur l’état de la désunion ».
Jean-Paul Bourgès 7 février 2013