Pour les esprits distingués, dont tous les lecteurs de ce blog font partie, le traitement des déchets est une question dont il est à peine correct de parler … alors y consacrer un billet pourrait me valoir un certain nombre de radiations dans la liste de mes contacts.
Et, pourtant, les détritus, et donc leur histoire, sont si étroitement liés à la vie humaine en société que c’est par l’étude des dépotoirs que les paléontologues en apprennent le plus sur nos plus lointains ancêtres.
Concernant l’époque où l’homme vivait dans des cavernes, c’est en creusant le sol à côté de l’entrée de leurs abris naturels ou, parfois, au fond de ceux-ci, que l’on découvre les outils que nos ancêtres utilisaient, ou ce dont ils se nourrissaient … et que l’on peut pousser fort loin la description de leur environnement et même en déduire de nombreux détails sur les modes de vie.
Créer un mode d’évacuation des déchets fut, depuis très longtemps, un signe concret de l’évolution des sociétés comme l’invention des égoûts dont le « cloaca maxima », créé dès le sixième siècle avant JC à Rome, est un exemple marquant.
Les descriptions de la saleté des rues parisiennes, où chaque habitant jetait ses ordures et déversait ses eaux usagées, restèrent d’actualité jusqu’au 7 mars 1884 où Eugène POUBELLE, Préfet du département de la Seine, rendit obligatoire l’usage d’un réceptacle doté d’un couvercle pour poser ses ordures dans la rue, jusqu’à ce que des éboueurs viennent en évacuer le contenu. La gloire de ce Préfet fut immortalisée par la disparition de la majuscule à son nom qui, ayant agi pour la propreté de Paris, devint un nom commun.
Dans le monde, de grandes métropoles sont de plus en plus confrontées à un volume d’ordures à croissance exponentielle et il suffit de penser à Sœur Emmanuelle vivant aux côtés des « Chiffonniers du Caire » pour avoir une compréhension de la source de recyclage que ces immenses dépotoirs peuvent représenter.
Le triomphe posthume d’Eugène POUBELLE est encore plus souligné par le fait que l’oubli inéluctable de nombreux personnages et de diverses idéologies s’exprime par « la mise à la poubelle de l’Histoire ».
Mais, au fait, que trouve-t-on dans cette poubelle-là ?
Quelques personnages, sûrement secondaires même quand ils connurent une gloire énorme. Une orientation politique comme « coloniser » qui, s’acheminant vers la poubelle, devint « colonialisme », mais surtout les « grandes » idéologies du XXe siècle : capitalisme, nazisme, fascisme, communisme.
Les poubelles, malgré le couvercle imposé par Eugène POUBELLE, laissent souvent passer les odeurs pestilentielles de leur contenu.
Actuellement il me semble que, si le communisme a presque sombré, les autres « isme » ont, hélas, survécu et nous empuantissent l’atmosphère.
Jean-Paul BOURGÈS 7 mars 2015