Comme prévu, ce jeudi, nous sommes allés, Maly et moi, avec trois de nos petits-enfants, un de douze et deux de neuf ans, visiter la Grotte Chauvet, ou, plus exactement sa reproduction. Alors, qu’en dire ?
Puisque la conservation de cette œuvre unique a nécessité de refermer l’accès à la vraie grotte, on ne peut que se réjouir de l’énorme investissement qui a été consenti pour construire une reproduction d’un ensemble aussi monumental. Il est plutôt positif qu’un très grand nombre de personnes, françaises et étrangères, puissent accéder à la connaissance de ce lieu où techniciens et artistes ont fait des prouesses pour rendre possible leur découverte.
La technologie la plus avancée permet des visites de groupes de l’ordre de vingt personnes toutes les quatre minutes … ça doit être environ le rythme de sortie d’une nouvelle voiture d’une usine automobile … et il y a des moments où l’on peut se demander si l’on n’est pas le produit fini d’une chaîne de fabrication de connaissance touristico-culturelle. Chaque visite dans la nouvelle grotte dure environ une heure … et on aimerait passer tellement plus de temps pour contempler lentement, voire méditer, devant certaines parties, comme cette étrange table de pierre triangulaire, avec un crâne d’ours posé sur la pointe du triangle, entourée quelques mètres en retrait par une banquette circulaire formée par la roche. Qu’a-t-on célébré là ?
Reconnaissons, cependant, que s’y rendre le 6 août, n’est pas une idée géniale … comme le confirment nos presque sept heures de route pour faire l’aller-retour entre le nord et le sud de l’Ardèche … mais l’occasion fait le larron.
Ces points étant traités et évacués, il s’agit d’un exploit technique qui nous restitue de la meilleure façon possible l’œuvre la plus ancienne de l’art pariétal, qui comporte diverses techniques picturales, aussi étonnantes les unes que les autres (Fusain, pochoir, trait en relief fait au doigt dans l’argile, peinture à l’ocre, usage du tampon … et utilisation avec une grande intelligence des reliefs de la roche) qui démontrent une capacité de stylisation et donc de maîtrise du trait exceptionnelle que l’on retrouve chez les meilleurs auteurs actuels de BD.
La reproduction de la grotte est complétée par divers espaces muséographiques intéressants, comme l’explication et les résultats des nombreuses datations qui confirment bien l’antériorité de Chauvet par rapport à toutes les autres grottes peintes, ou la « Galerie des Aurignaciens ».
Celle-ci comprend des maquettes d’animaux préhistoriques et de nombreuses planches tactiles permettant de mieux comprendre le cadre temporel, géographique, climatique etc … dans lequel s’intègre cette « cathédrale de la préhistoire ». A cet égard, le trésorier du Centre Haroun Tazieff que je suis, ne peut pas ne pas signaler une absence dans la présentation du cadre de cette grotte. Rien ne signale que l’on est à quelques dizaines de kilomètres des derniers volcans qui étaient actifs dans notre pays lorsqu’elle fut peinte et qu’il est impossible qu’un spectacle aussi majeur que la sortie du feu et de la roche des entrailles de la terre, qui illumine le ciel nocturne à des distances bien supérieures, n’ait pas été observée sur la période de l’ordre de dix mille ans au cours de laquelle les nombreux artistes de Chauvet peignirent ces œuvres. Certains pensent d’ailleurs avoir reconnu la silhouette du Mont Mézenc sur la grotte originale mais sans que cela figure sur la copie (Tout n’est pas intégralement reproduit).
Cette interrogation est renforcée par le fait que tout le monde s’accorde pour penser que ces peintures ont certainement un sens principalement symbolique. N’est-on pas, là, confronté à cette approche très compartimentée des scientifiques qui saucissonnent la connaissance au lieu de l’embrasser de façon transversale ? L’interprétation du paysage autour de la grotte m’apparaît donc très simplificatrice et même nettement insuffisante à la totale compréhension de ces peintures.
Mais, passons, pour le grand public, ces détails sont sûrement peu importants, mais dans la vision territoriale Vivaro-Vellave qui m’est chère j’ai regretté l’absence d’évocation de cette ligne de volcans qui dominent ce pays et que j’ai photographiée depuis le col de Mézilhac lors de notre route du matin.
Ne jouons pas aux puristes, Arthur, Meilik et Johane étaient très contents et je crois qu’ils se souviendront de cette journée … n’est-ce pas l’essentiel, pour leurs grands-parents ?
Jean-Paul BOURGÈS 6 août 2015