Comment faire du « fin gras du Mézenc » ?
Aujourd’hui je suis allé vers le Mont Mézenc qui est le point le plus haut de l’Ardèche d’où, par beau temps, l’on voit en même temps le Mont Blanc et le Puy de Dôme.
Haut lieu du volcanisme en France avec de nombreux restes de volcans dont le Mont Gerbier de Jonc où la Loire prend sa source, cette terre est celle où s’est stabilisée à l’orée du XVIIIème siècle la frontière entre le catholicisme du Velay et le protestantisme des Cévennes.
Il s’agit d’une région vraiment rude qui couvre le seul plateau de notre pays situé à une altitude moyenne de l’ordre de mille mètres.
Cette dureté de la nature a formé ceux qui l’habitent à n’être guère bavards, mais aussi à ne pas s’incliner facilement devant ce qui leur paraît injuste. C’est ainsi que ceux qui ont voulu venir y « cueillir » les enfants Juifs réfugiés dans les fermes du Plateau à et autour du Chambon-sur-Lignon n’y ont pas trouvé ces enfants qui avaient été cachés dans les forêts environnantes et sur les flancs du Pic du Lizieux (Le Chambon-sur-Lignon, Tence et Le Mazet Saint Voy en furent les hauts lieux).
Dans le cadre de billets consacrés aux questions politiques, pourquoi évoquer ce passage dans ce secteur que j’aime tant, et en ayant annoncé que j’allais parler du « fin gras du Mézenc » ? Tout simplement parce que je suis frappé par la densité d’intelligence de cette terre où se combinent tant de qualités.
Le « fin gras du Mézenc » est un des produits phares de ce Plateau qui entoure le Mont Mézenc. Pour obtenir ce bœuf d’exception de trois, ou mieux, quatre ans, on sélectionne dans chaque élevage quelques individus pour leurs qualités, alors qu’ils sont encore des veaux et, désormais, on les nourrit exclusivement avec le meilleur foin où abondent diverses herbes comme la cystre, qui donneront à la chair une tendreté et un parfum rares.
Ces éleveurs soucieux de chaque bête, sont des « artistes de l’élevage » qui trouvent aussi le temps de penser à la sauvegarde de toute une culture, où sont présentes l’architecture, la connaissance du sol volcanique, le chant, la connaissance des plantes et de la faune, ainsi que tous les artisanats.
Ce qui est frappant c’est le constat que, plus cette terre est rude et plus elle s’éloigne de l’emprise du catholicisme du Velay, plus son vote élimine le Front National et la droite extrême (Marine LE PEN n’a eu que 10 % au Mazet Saint Voy le 22 avril et François HOLLANDE y a frôlé les 70 % le 6 mai).
Je vois une profonde cohérence culturelle, au sens le plus large de ce terme, entre l’exigence de qualité … sans obsession de la rentabilité … qui conduit des éleveurs à un travail quasi-parfait dans l’élevage et l’exigence de vérité qui conduit les mêmes à refuser l’outrance de ceux qui expriment si peu de respect de l’Homme.
Décidément j’aime cette terre et ceux qui y vivent.
Jean-Paul Bourgès 8 juin 2012