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Billet de blog 10 février 2013

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Quand deux ennemis se réconcilient

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… ça n’est pas forcément la joie pour tous

De 1980 à 1988, la guerre entre l’Irak de Saddam HUSSEIN et l’Iran de Rouhollah KHOMEINY fit un nombre de morts qui est mal connu, mais qui fut d’un minimum d’un million et demi pour l’ensemble des deux camps. Déjà à cette époque, une active résistance contre la théocratie iranienne avait pris corps et une répression impitoyable avait conduit un grand nombre d’Iraniens laïcs et républicains à quitter l’Iran. Un groupe important, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple Iranien (OMPI), qui avait déjà lutté contre le Shah puis contre le régime instauré par l’Ayatollah, s’installa en 1986 à proximité de la frontière entre l’Iran et l’Irak dans un camp où, avec une remarquable énergie, ils construisirent une véritable ville qui s’appelait Ashraf. Vers la fin de la guerre en avril 1988, se rendant compte qu’il n’arrivait pas à vaincre le régime des mollahs, Saddam HUSSEIN tenta d’ailleurs d’utiliser l’OMPI pour obtenir un renversement du régime mais ce fut un nouvel échec et un cessez-le-feu signé en août 1988 illustra le célèbre « et le combat cessa faute de combattants » car les deux pays s’étaient épuisés. Pour utiliser l’OMPI afin d’affaiblir le régime des mollahs, Saddam HUSSEIN avait équipé la résistance iranienne de matériel militaire pris à l’armée iranienne lors des combats.

Lors de l’invasion de l’Irak par la coalition réunie par Georges W BUSH, l’OMPI, considérée comme pro-Saddam, fut attaquée et dut rendre ses armes. Après bien des vicissitudes où la situation de l’OMPI n’a cessé de se détériorer, le camp d’Ashraf fut brutalement agressé par l’armée irakienne mise en selle par les Américains et les personnes qui résidaient dans ce camp furent contraintes d’en partir pour un camp nettement moins étendu qui ressemble plutôt à une prison. Ce nouvel endroit, proche de Bagdad, s’appelle, avec un humour plutôt grinçant : Liberty !

C’est ce camp, Liberty, qui a reçu dix huit roquettes Katioucha samedi matin à 5 h 40. Six personnes ont été tuées, et beaucoup d’autres blessées. Qui a tiré ces roquettes ? On ne le sait pas avec certitude, mais la détention de Katioucha n’étant pas chose banale, cela ne peut s’être produit qu’avec la bénédiction des dirigeants irakiens qui, ayant évincé les sunnites, ne sont pas en odeur de sainteté auprès des régimes sunnites des pays du Golfe. Ils continuent de donner des gages à l’Iran afin de bénéficier du soutien de la plus grande puissance régionale qu’est l’Iran chiite.

Quand on sait que l’OMPI est un mouvement de gauche parfaitement laïc et donc tout à fait indifférent à la lutte d’influence que se livrent chiites et sunnites, on comprend mieux le titre de ce billet.

Voir l’Irak et l’Iran cesser de s’affronter n’est pas en soi une mauvaise chose, sauf pour ceux qui leur servent de punching-ball depuis une trentaine d’années et qui sont désormais pris en tenaille entre deux ex-ennemis devenus désormais des complices aux mains tâchées de sang tous les deux.

Le Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI) qui est à la résistance contre les mollahs, ce qu’était « La France Libre » pendant l’occupation, est installé en France à Auvers-sur-Oise que Vincent VAN GOGH rendit célèbre. Nous n’avons jamais laissé tirer des Katioucha contre la propriété où ces militants sont installés. Mais soyons vigilants car la police française, en juin 2003 - Nicolas SARKOZY étant Ministre de l’Intérieur - avait fait une descente en force à Auvers-sur-Oise à la suite d’un scandaleux marchandage clandestin avec les mollahs et en s’appuyant sur le classement de l’OMPI sur la liste des « organisations terroristes ». Ce classement, comble de raffinement diabolique, fut un coup de génie du régime iranien. C’est, en effet, le sponsor numéro un du terrorisme qui eut la jouissance de faire classer l’OMPI sur cette liste noire dans les années 90 (J’avais traité ce sujet dans mon billet du 18 octobre, à l’occasion du retrait de l’OMPI de cette liste).

Au vu de ce qui se passe dans tous ces pays carrément théocratiques, ou contrôlés par des religieux; au vu du retour d’influence que s’est efforcée d’obtenir la hiérarchie catholique en France à l’occasion du vote du « mariage pour tous »; au vu de la politique suicidaire que les extrémistes religieux d’Israël continuent d’inspirer; au vu de la façon dont les révolutions du "printemps arabe" sont confisquées par des intégristes qui ramènent, par exemple, la Tunisie avant l'ère BOURGUIBA et n'hésitent pas à assassiner ceux qui s'opposent à eux, il faut que les démocrates laïcs sincères renforcent leurs liens pour être en mesure de résister à l’obscurantisme qui progresse partout de nouveau. MALRAUX n’a peut-être pas dit : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ». Nous avons, en tout cas, cette phrase en tête et cela doit réveiller nos consciences.

Si le Gouvernement français a encore quelque chose de laïque, il faut qu’il exprime fermement sa révolte devant le bombardement d’hier sur le camp Liberty. C'est bien, en effet, de "liberty de penser" dont il s'agit. L’Italie, elle, a déjà parlé en ce sens alors que le siège du CNRI n’est pas à Auvers-sur-Arno !

Jean-Paul Bourgès 10 février 2013

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