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Billet de blog 11 septembre 2012

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Patriotisme ?

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A chacun sa patrie

Internationaliste de longue date, mais Français jusqu’au bout des ongles et de la terre qui doit encore s’y trouver, je suis surpris des réflexions déclenchées par « l’affaire Bernard ARNAULT ».

Il date de presque cent ans le temps où mon grand-père, partant se faire tuer en Belgique en 1914 après avoir demandé une affectation comme capitaine à la tête d’une unité combattante, donnait diverses consignes à son épouse parmi lesquelles « Tu iras porter nos pièces d’or à la Banque de France. Le pays en aura plus besoin que nous ».

Il y a bien longtemps que le patriotisme n’a plus cours dans le monde économique et qu’y a-t-il donc de surprenant dans le fait de savoir que le propriétaire de la quatrième fortune mondiale, imprégné jusqu’à la moelle de la notion de liberté de circulation de l’argent … dont il a fini par n’être qu’un prolongement humain et non l’inverse, opte et optera toujours pour les lieux où « son cher argent » sera le mieux accueilli et protégé ? Ce qui serait surprenant, ce serait qu’il raisonne autrement et son armée de conseillers en tout genre se demanderait alors si, comme Liliane BETTENCOURT, ses facultés mentales ne seraient pas amoindries.

Les déshérités ne peuvent aller s’installer là où ils espèrent vivre plus dignement, qu’au péril de leur vie et, tout au moins, avec de bonnes « chances » de trouver une place dans quelque charter de retour, tandis que les plus fortunés, souvent détenteurs de plusieurs passeports, choisissent sous quels cieux abriter cette fortune qui leur colle à la peau au point d’être réputée acquérir, elle aussi, des nationalités de complaisance.

Face à cette réalité pourtant bien connue, qu’avons-nous fait depuis plus d’un demi-siècle que l’unification européenne est en route ? Pas grand-chose, pas grand-chose de décisif en tout cas. Ce qui est effarant, en effet, ça n’est pas que Bernard ARNAULT, comme plusieurs milliers d’autres Français avant lui, aillent se domicilier outre-Quiévrain (Sans, d’ailleurs, forcément devenir des sujets d’Albert II), non ce qui est choquant c’est que nos pays de l’Union Européenne n’aient pas avancé d’un pouce dans la voie d’une fiscalité commune … qui, seule, rendrait ces expatriations sans objet. Ils pourraient toujours aller plus loin me direz-vous. Certes, mais outre-Quiévrain et en conservant l’usage de la langue de Molière dans un Royaume desservi par le Thalys, c’est quand-même plus commode qu’à Singapour ou aux Bahamas.

Alors que le monde économique et financier bouge à toute allure et que nous avons accepté de desserrer tous les freins aux mouvements de capitaux, nous évoluons dans nos institutions communes avec la lenteur d’un paresseux se mouvant dans les branchages des forêts d’Amérique Centrale. On dit que la lenteur du paresseux est sa meilleure protection contre ses prédateurs car cela le rend difficile à repérer. En matière fiscale notre lenteur d’adaptation est, au contraire, l’atout principal des spécialistes de « l’optimisation fiscale » qui ne connaissent de frontières que pour s’en servir de bouclier.

Nicolas SARKOZY avait, fort naïvement, donné des avantages fiscaux à ceux qui s’étaient expatriés avant qu’il entre à l’Elysée afin de les faire revenir en France … cela n’a pas même fait rentrer ceux qui, comme Johnny, s’affichaient pourtant à ses côtés comme ses potes. François HOLLANDE et ses ministres ont plutôt employé des mots assez durs à l’encontre de « ceux qui manquaient de patriotisme », mais cela n’est, dans un cas comme dans l’autre, que de la poudre aux yeux. Tant que les hommes suivront l’argent et non l’inverse et tant qu’en Europe il y aura des « paradis fiscaux », nos possédants localiseront leur fortune là où ça sera le plus intéressant et, avec cet argent, ils continueront de venir faire leurs emplettes rue Montaigne (Vous voyez, je consomme en France où j’achète chez LVMH des produits qui supportent une TVA scandaleusement élevée … puis-je bénéficier d’une « free-tax » ?).

 Jean-Paul Bourgès 11 septembre 2012

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