Le décollage raté de l’Europe
Chacun le sait, la phase la plus dangereuse dans le vol d’un avion c’est le décollage … surtout en cas de panne moteur.
C’est exactement ce qui vient de se produire avec l’arrêt du projet de fusion entre EADS et BAE.
Ce dossier d’apparence technique, militaire et financière, était, bien sûr, une affaire éminemment politique et pouvait devenir un virage historique d’intégration européenne. Le virage fut sur l’aile et moteurs éteints … avec un crash inévitable au bout de la piste.
En clair l’Allemagne préfère compter davantage dans un ensemble plus petit qu’elle s’efforce de plus en plus de dominer, plutôt que n’être qu’un acteur moindre d’un géant véritablement européen. Quant au Royaume-Uni, sa difficulté à s’arrimer au continent européen plutôt qu’à lorgner en permanence vers l’Amérique, n’en a pas fait un ardent défenseur d’un projet qui aurait abouti à une industrie européenne de défense … supposant une politique européenne de défense … et donc une diplomatie unifiée.
Dans une chronique sur France-Inter cette semaine, Bernard GUETTA s’enthousiasmait, comme lui seul sait le faire, parce que la taxation des transactions financières allait voir le jour dans le cadre des « coopérations renforcées » et qu’un premier impôt européen était ainsi créé. Il y voyait l’embryon d’un fonctionnement fédéral, au moins entre un nombre raisonnable de pays européens dont la France et l’Allemagne qui, à ses yeux, retrouvaient leur rôle traditionnel de locomotive de l’Europe. Sans nier l’importance de cette taxation commune perçue directement par l’Union et non plus par chaque pays selon ses modalités propres, il me semble, hélas, que le petit succès de la locomotive n’est pas grand-chose en face de ce crash au décollage.
La seule chose que je trouve positive dans ce ratage, c’est que le directeur de BAE, Ian KING, ne touchera pas les dix huit millions de £ qu’il aurait touchées si la fusion s’était faite. Quelle immoralité financière ! Pendant que l’Europe détruit des emplois à tour de bras, un dirigeant toucherait un pactole … simplement pour avoir fait son boulot. Ça aussi c’est une marque forte d’une Europe qui n’arrive pas à encadrer les comportements des responsables des entreprises dans une déontologie minimum.
Jean-Paul Bourgès 11 octobre 2012