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Billet de blog 12 mars 2014

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Coupables parce que victimes plaignantes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mercredi 12 mars, 9 h 52. Je découvre à l'instant que Libé traite en une la question des abus sexuels dans l'armée. J'avais écrit le billet qui suit dans la soirée d'hier et en ne pensant pas qu'à l'armée mais à l'ensemble des corps constitués ... que j'aurais pu élargir aux entreprises.

Depuis un certain temps déjà se sont répété des faits extrêmement préoccupants.

Sans aucunement prétendre à l’exhaustivité, rappelons-nous l’affaire de ces sept policiers condamnés en décembre 2010, pour avoir fait une fausse déclaration visant à faire porter par un conducteur innocent la responsabilité d’un accident qu’ils avaient eux-mêmes causé. Leurs collègues avaient littéralement encerclé le tribunal de Bobigny et le ministre de l’intérieur de l’époque, un certain Brice HORTEFEUX, s’était solidarisé avec eux en considérant excessives les peines de prison ferme décidées par le tribunal de Bobigny.

Médiapart a récemment exposé comment à la SNCF de Montpellier, ce ne sont pas les contrôleurs ayant écrit des SMS racistes qui furent sanctionnés par leur hiérarchie, mais bien ceux qui en étaient victimes et avaient eu l’audace de s’en plaindre.

Le Parisien rapporte, ces jours-ci, le cas d’une jeune-femme engagée volontaire dans l’armée et qui, filmée à son insu par un sergent pendant qu’elle prenait sa douche, eut le tort de se plaindre. Le colonel, son « Chef de corps » (Et non, aux dernières nouvelles, le chef de son corps ...), lui demanda de démissionner au lieu de sanctionner le sergent voyeur. Soumise à une incoyable pression la jeune-femme a démissionné, puis, se rendant compte qu’elle avait eu tort de céder à ces menaces, elle a porté l’affaire devant le Tribunal Administratif où les procédures suivent leur cours.

Ces faits sont graves en eux-mêmes, bien évidemment, mais au-delà des fautes individuelles de hiérarchiques (Quand il s’agit d’un ministre on change de toute façon d’échelle), ce qui est le plus préoccupant c’est de voir que la défense d’un corps (La police, la SNCF, l’armée …) l’emporte aux yeux des responsables devant la santé interne de ces corps, qui devrait aboutir à en chasser les fauteurs de troubles et non les victimes.

Un premier niveau d’analyse suggère une simple altération du jugement de hiérarchiques de niveau subalterne, puis à un emballement des niveaux supérieurs successifs jusqu’au sommet où, de proche en proche, on a accordé plus de crédit à une hiérarchie qui se renforce à chaque étape, plutôt qu’à la victime bien isolée face à une meute. Cette explication correspond sûrement à une partie du phénomène.

Un deuxième niveau d’explication pourrait être que ces grands corps se sentent tellement de moins en moins aimés et respectés, qu’ils sont obsédés par le souci de leur image et d’une défense catégorielle les conduisant à pratiquer le déni de groupe à l’égard de tout ce qui pourrait les mettre en cause. Je crois aussi pour une part à cette explication, d’autant que le discours politique ambiant du « trop de charges publiques » les désigne comme des parasites et non comme des piliers indispensables de notre société. Le pire, d’ailleurs, c’est que c’est un discours de droite qui les affaiblit le plus tout en les caressant dans le mauvais sens du poil.

Mais la troisième explication c’est une dérive générale de notre vie publique vers un comportement mafieux où rien d’autre ne compte que la défense de sa « petite boutique » sans aucune prise en compte d’une notion désuète « d’intérêt général ». Nous nous atomisons, notre champ de vision se rétrécit.

Les nains qui nous gouvernent depuis des années ne sont pas près de rectifier une dérive qui vient de loin.

Jean-Paul Bourgès 12 mars 2014

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