Dynamiser l’Europe … ou la dynamiter ?
Aujourd’hui l’Union Européenne vient de se voir attribuer le prix Nobel de la Paix. Pour un vieil européen comme moi, passionné par cette construction depuis presque soixante ans (J’étais élève de 3e au Lycée International de Saint Germain-en-Laye lorsque fut signé le Traité de Rome, le 25 mars 1957, et je me souviendrai toujours de ce jour), voir reconnaître le caractère intrinsèquement pacifique et démocratique de la construction européenne, c’est important et rassurant au moment où nous sommes, moi y compris, pris de tant de doutes sur ce que nous avons construit.
Je revenais vers Lyon depuis ma Haute-Ardèche où j’avais été pour la journée remplir mes paniers de champignons, lorsque j’ai entendu le choix du « Comité Nobel de la Paix ». Alors que j'ai de sérieuses attaches avec la Norvège, forgées à l’âge de dix ans lorsque je venais manger chaque jour dans une famille norvégienne d’une camarade de classe, j’ai eu quand-même une réaction d’étonnement puis un vrai éclat de rire en prenant conscience du côté cocasse du choix de ces notabilités norvégiennes.
Rappelons-nous, en effet, que lors de l’une des étapes d’élargissement de l’Europe, en 1972, la Norvège refusa d’intégrer la famille européenne, en même temps que les autres pays scandinaves, Danemark, Suède, Finlande, car on venait de découvrir du pétrole dans la Mer du Nord. A l’idée de devoir contribuer à la prospérité collective, ce petit pays de cinq millions d’habitants, décida de ne pas rejoindre le cercle familial pour manger tout seul ses friandises.
Toute l’ambiguïté de l’Union Européenne est mise en évidence par ces membres du Comité Nobel qui voient en elle l’une des plus extraordinaires constructions multinationales dont la raison d’être fut d’empêcher définitivement la guerre entre ses membres … mais qui n’ont pas participé à cette construction parce qu’elle est un cercle de solidarité et que la Norvège s’espérait trop riche pour envisager de partager.
Que devrons-nous retenir de ce choix du Comité norvégien ?
- qu’il s’agit d’un appel à la dynamisation de l’Europe, dont, de l’intérieur, nous ne voyons que les défauts … mais qui impressionne ceux qui l’observent de l’extérieur ?
- qu’Alfred NOBEL fit sa fortune grâce à la dynamite … et que notre « pauvre Europe », ainsi que je disais dans mon billet d’hier, semble plus tentée par le fait de « se faire sauter le caisson » que par le fait de concrétiser que nos destins sont indissolubles et que la solidarité est notre loi fondamentale ?
Etre rappelés à cette nécessité par ceux qui ont préféré s’en exclure ne manque pas d’humour.
Jean-Paul Bourgès 12 octobre 2012