La période des fêtes approche, et c'est chaque année propice à la redécouverte des vieilles recettes. Au décès de maman, mes sœurs me confièrent le carnet de note à spirale dans lequel elle avait écrit, au long de sa vie, les meilleures recettes glanées auprès de sa belle-mère, une excellente cuisinière ; écrites sous la dictée de Monsieur RASSINIER, leur propriétaire, en 1937 à Belfort qui était pâtissier-confiseur à la retraite et qui lui avait appris tous ses trucs ; ou provenant de divers étrangers auprès desquels elle aima toujours recueillir la façon de cuisiner ce qu’elle avait aimé lors de ses voyages ou à leur table.
Au fil de pages jaunies et parfois tachées par des éclaboussures des plats qu’elle avait confectionnés pour notre plaisir, on découvre sans aucun classement autre que la chronologie des transcriptions, comment faire une bonne blanquette de veau, une quiche lorraine, des cornes de gazelle, un diplomate, des cerises à l’eau de vie enrobées de fondant, un couscous à la tangéroise, des muffins, une paëlla, un vitello-tonnato … Chacun de ces noms me rappelle alors une fête familiale, une réception d’amis comme maman aimait en organiser, un grand moment comme la première arrivée dans la famille de celui ou celle que les enfants avaient choisis pour les accompagner dans la vie (Maman ratait d’ailleurs assez souvent en voulant innover par un plat compliqué qu’elle n’avait jamais fait … mais qui, plusieurs années plus tard, était devenu l’un de ses moments de bravoure … tel un fort célèbre « canard à l’orange »).
Mais ce n’est pas à des recettes de cuisine que me fait penser la date d’aujourd’hui. C’est à la disparition dans notre histoire des dix jours allant du 10 au 19 décembre 1582.
Le Pape Grégoire XIII couvrit de son autorité l’abandon du calendrier Julien qui aboutissait à un décalage croissant entre la date officielle et la réalité astronomique. La Terre a, en effet, la mauvaise idée de ne pas tourner autour du soleil (A l’époque cette réalité n’était d’ailleurs pas encore admise par l’Eglise comme Galilée l’apprit à ses dépens) en exactement trois-cent-soixante-cinq jours et un quart de jour … et le système d’une année bissextile tous les quatre ans était trop approximatif pour tenir pendant des millénaires. On compliqua donc arbitrairement la détermination des jours supplémentaires afin d’éviter ce décalage et on recala le calendrier en décrétant que l’on passait directement du 9 décembre au 20 décembre 1582 … et on donna alors le nom de « grégorien » à ce nouveau calendrier.
Quand je vois ce qui se passe autour de nous ces derniers temps, je me dis que l’on pourrait bien effacer de nos mémoires plusieurs dizaines de jours qu’il aurait mieux valu ne pas vivre.
La recette qui permet d’effacer des dates figure-t-elle dans quelque vieux grimoire ?
Jean-Paul BOURGÈS 12 décembre 2015