… et sous le pavé, la plage
Combien étaient-ils ? Comme toujours les estimations varient beaucoup selon les sources, un peu moins que souvent, cependant, et retenons donc un demi-million.
J’exprime bien souvent, dans ces billets, mon souhait d’une démocratie vivante, ce qui suppose une expression libre des opinions de chacun … et je respecte profondément tous ceux qui se sont déplacés, de la France entière, pour exprimer leur refus du texte qui sera prochainement soumis à la discussion parlementaire.
Mais pourquoi donc évoquer la plage qui se trouve sous les pavés … qui, d’ailleurs, n’existent plus guère à Paris ? Tout simplement parce que l’ardeur de ce débat ne peut pas ne pas rappeler les débats homériques qui donnèrent de la vie aux années soixante.
D’ici peu la parole sera donnée au Parlement, qui doit rester le lieu de la délibération mais qui doit écouter la société civile, voire parfois ecclésiale, et laisser chacun s’exprimer. Cette affaire d’extension aux homosexuels de la possibilité d’inscrire dans un mariage civil leur projet de vie, aura été entourée d’une large possibilité d’expression de tous les points de vue. Ceux qui se plaignaient d’une insuffisance de débat doivent ce soir se sentir rassurés, à moins que leurs regrets n’aient eu un objectif autre que l’ouverture d’un vaste débat.
Parmi mes connaissances, les membres de ma famille, et mes amis les positions sont fort diverses et j’ai eu parfois du mal à ne pas répliquer vertement aux opinions de certains lorsque cela ne m’apparaissait pas résulter d’une réflexion personnelle et sincère.
Je suis, par contre, heureux d’avoir reçu le texte rédigé par un ami qui fait partie des « amis de La Vie », l’hebdomadaire chrétien d’actualité. Ayant à se préparer à un débat sur le sujet, il a consigné par écrit les réflexions qu’ils se font, sa femme et lui, et il m’a fait l’honneur de me l’envoyer. Il s’agit d’une belle preuve de respect des autres, d’interrogations légitimes lorsqu’elles touchent à des idées qui semblaient intangibles à un couple jusqu’à présent. Mariés depuis bientôt soixante ans, ils font preuve d’une grande ouverture au monde, dont je sais que, par ailleurs, ils la mettent en œuvre au profit des moins favorisés.
L’outrance de certains porte-drapeau à la frigidité fort heureusement douteuse, l’évidente récupération politique d’autres dont le comportement ne me semble pas faire d’eux des modèles de la famille emblématique, l’irruption de la hiérarchie catholique dans un débat qui, ne concernant pas le mariage religieux, ne les autorise pas à nous la rejouer « directeurs de conscience » du XIXème siècle, tout ceci est balayé par la sincérité de ceux qui ne font pas de ce sujet un piédestal commercial ou politique.
En tout cas, raconter, contre toute apparence, que le Parlement délibérera sans qu’il y ait eu de débat préalable, c’est pire que ridicule … c’est infect.
Que le calme revienne désormais, chez les pour et chez les contre. Je ne vois strictement aucune utilité à une contre-manifestation en réponse à celle d’aujourd’hui. J’ai réellement souffert en pensant ce jour à des ami(e)s qui sont homosexuel(elle)s et pour qui cette journée a dû être difficile. Leur vie a si souvent été marquée par le souci de vivre aussi discrètement que possible leurs sentiments. Etre l’objet (Et j’utilise intentionnellement ce terme, plutôt que celui de « sujet ») de si fortes passions, n’est pas facile pour ceux qui ont subi beaucoup d’ostracisme (Rappelons-nous juste qu’il y a à peine plus de soixante ans, cela conduisait en camp de concentration).
Vraiment ce soir, oublions le pavé et retrouvons la plage et sa douceur.
Jean-Paul Bourgès 13 janvier 2013