La France a la fièvre ces jours-ci et François HOLLANDE aimerait bien qu’elle revienne vite à un fort sage 37° 2 le matin.
Alors il s’est mis, dit-on, à re-écrire lui-même la loi EL KHOMRY en lui retirant tout ce qui a donné de la fièvre, en particulier à la jeunesse. Il risque de ne pas rester grand-chose dans ce texte, car tout y était de la même inspiration puisée au MEDEF, en ignorant même les toute petites entreprises et les artisans.
Nos géniaux gouvernants pensèrent même faire passer ce texte par un miraculeux 49-3 et cela m’a donné envie d’évoquer nos rapports aux chiffres.
Or cette semaine vient de connaître un événement qui illustre cette domination du chiffre sur notre mode de vie.
Il y a un peu plus de quarante ans, en mission en Bretagne pour six mois avec une petite équipe d’informaticiens, j’avais un adjoint japonais qui m’avait initié au jeu de go lors de nos soirées après le boulot. Sunji était d’un très haut niveau (En France il n’avait trouvé qu’un normalien qui était à son niveau), mais nous pouvions jouer ensemble puisque ce jeu permet, par un système de « handicap », des parties entre personnes de niveaux très différents.
J’ai donc été particulièrement intéressé par le match qui a eu lieu en trois manches cette semaine entre le meilleur joueur de go au monde, Lee SEDOL, et AlphaGo, ce programme développé par les spécialistes de « l’intelligence artificielle » de Google.
Le score est sans appel : trois manches à zéro.
AlphaGo a réussi des coups auxquels le champion ne s’attendait pas. Ce jeu est diaboliquement complexe et imprévisible puisque le nombre des positions possibles des pions sur le plateau de jeu se monte à 10170 . Nul, pas plus un ordinateur qu’un être humain, ne peut imaginer examiner un tel nombre de possibilités. Mais alors d’où est venue la supériorité d’AlphaGo puisque le programme ne peut pas passer en revue toutes les possibilités ? De l’apprentissage que l’ordinateur fait nettement plus vite que l’être humain. L’ordinateur examine des milliers de parties et les mémorise, comme un homme mais en beaucoup moins de temps et sans les oublier.
Si l’Homme ne veut pas être vaincu irrémédiablement par la machine, comme Lee SEDOL, il lui faut revenir bien vite à un terrain qui ne s’exprime pas qu’en chiffres et qui traduise le fait qu’il apprend et retient ce que ses tentatives antérieures peuvent lui apprendre.
Le nouveau projet de loi Travail, ne ramènera la température à 37° 2 qu’en ne se réduisant pas à 10170 possibilités à faire avaler à coup de 49-3 et en se rappelant que ça n’est qu’en exprimant le respect des travailleurs qu’il peut apparaître comme un facteur de progrès. On pourrait penser qu’apprendre cela est beaucoup plus facile que ce qu’AlphaGo a appris, mais est-ce compréhensible par un ancien auditeur à la Cour des Comptes ?
Jean-Paul BOURGЀS 13 mars 2016