Le Front National n’a finalement emporté aucune région ; la droite et la gauche font jeu égal, grâce aux électeurs de gauche qui ont barré la route au Front National en allant jusqu’à consentir à ne plus avoir d’élus dans deux régions majeures ; trois régions sur treize seront présidées par des femmes … on est encore loin de la parité, mais ça progresse lentement mais sûrement.
Il y a surtout des vaincus ce soir, mais le titre de ce billet m’a été fourni par l’un des deux Députés du Front National, Gilbert COLLARD, qui a utilisé cette expression pour définir le résultat de son parti à cette élection.
Comme d’habitude écouter, brièvement, ce que disent les différents leaders, c’est entendre chacun dire que, bien que battu, il est victorieux.
Alors laissons les « victorieux battus » à leurs simagrées et réfléchissons à ce qui s’est passé.
La gauche de gouvernement a pris une véritable claque au premier tour et a sauvé les meubles au second tour, mais son électorat l’a lâchée parce qu’il avait la conviction d’avoir été trahi. Cet électorat a aussi montré que, profondément patriote et républicain, il était capable de renoncer à son abstention pour barrer la route au fascisme … mais jusque quand ?
La droite a reçu une terrible leçon de modestie et d’éthique. Sans l’apport des voix de gauche, elle n’aurait emporté que trois régions et, nulle part, son opération de minable copie des thèmes du Front National ne lui a permis de récupérer à son profit les votes de ceux qui préfèrent la haine à la fraternité. Cela sonne-t-il la fin de l’ère sarkozyste ? Il faut l’espérer pour que la gauche ait, enfin, un véritable challenger et non un Guignol qui a déjà fait trop de mal au pays.
Le centre sort laminé et, surtout, moralement lessivé d’un scrutin où il ne sauve que quelques strapontins ayant le goût d’un plat de lentilles du Puy.
La seule leçon de ce scrutin c’est que l’ère des pirouettes dans le style « défaite victorieuse » est finie. Les électeurs ont bloqué la marche vers le fascisme, mais ils ont aussi sanctionné ceux qui ne parlent pas vrai … et qui les prennent pour des demeurés.
Dès demain et pendant des mois, c’est à une reconstruction de notre pacte national, et non nationaliste, que nous sommes tous appelés. Liberté, Egalité, Fraternité ont besoin de cesser de n’être plus qu’un slogan pour redevenir de véritables valeurs communes.
La laïcité, plus que jamais une condition indispensable de la paix intérieure, doit être non pas redéfinie mais remise en vigueur avec fermeté mais sans ce sectarisme biaisé qui a vu l’extrême-droite s’en emparer jusqu’à prétendre imposer des crèches dans les mairies au prétexte de « racines chrétiennes ».
La solidarité, correctif indispensable à un monde extérieur inféodé aux puissances économiques, doit rester notre caractéristique … au lieu d’imiter servilement des modèles économiques et sociaux dont les plus grands adeptes du capitalisme comprennent qu’ils ne mènent nulle part … sauf dans le mur.
Ce scrutin est le dernier avant l’élection présidentielle de 2017 … c’est beaucoup et peu pour un changement en profondeur. Ce ne sont pas les responsables politiques, engoncés dans leurs systèmes épuisés, qui pourront conduire cette révolution des esprits. C’est à la base dans la vie locale de chaque village, de chaque ville et de chaque quartier des grandes métropoles, que cette redécouverte de la démocratie pourra s’ancrer.
C’est une culture nouvelle, s’appuyant sur des siècles de tradition et sur les apports qui nous viennent de ceux qui sont Français récemment par choix, qu’il nous faut bâtir afin de redevenir fiers de ce que nous sommes et de ce que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants.
Jean-Paul BOURGÈS 13 décembre 2015