En Angleterre, qu’y a-t-il de plus suspect qu’un enfant de quatre ans, au langage encore incertain, qui dessine un truc oblong et qui dit au personnel de la crèche que ça représente un concombre, autrement dit « a cucumber ». Il est vrai que mal prononcé, il est aisé d’entendre « a cooker-bomb », c’est-à-dire « un préparateur de bombe » … qui traduit certainement le fait que l’enfant vit au contact de personnes « radicalisées » en train de préparer du matériel pour commettre des attentats !
Eh !, hop, c’est parti, convocation de la mère du bambin avec menace de retrait de la garde du mouflet … avant de découvrir la grande ressemblance phonétique entre les cucurbitacées et les préparateurs de marmites explosives.
Mais la folie dénonciatrice n’est pas propre au Royaume Uni.
En France, dans le département des Landes, une affaire datant de 2013 est venue jusque devant un tribunal récemment.
Des parents d’élèves avaient lancé toute une procédure visant des enseignants de leurs enfants, en accusant cinq membres de l’équipe pédagogique (La Principale, trois professeurs et une Assistante d’Education) de mauvais traitements à l’encontre des élèves comprenant des brimades et des humiliations.
Il y eut un courrier adressé au Ministre de l’Education Nationale, des dépôts de plaintes en gendarmerie … et la mécanique lourde, avec enquête judiciaire et enquête administrative, se mit en route jusqu’à aboutir au constat que tout ceci était absolument sans fondement et qu’il s’agissait uniquement d’une vengeance imaginée et montée par un enseignant pour nuire à celui qui était le plus sévèrement dénoncé, un professeur d’EPS.
Inutile de préciser les dégâts qui en ont résulté pour l’enseignant qui était la cible principale (Il n'est pas près de se remettre), pour ceux qui furent mutés ailleurs, pour les enfants ainsi manipulés et utilisés en « chair à canon moral » contre leurs enseignants et pour les parents d’élèves de bonne foi (Il y en eut) qui s’étaient embarqués trop légèrement dans cette lourde affaire et doivent répondre du chef de « dénonciations calomnieuses ».
Dans des temps plus reculés de nombreuses femmes qui connaissaient les vertus des plantes et mettaient leur savoir au service de leurs prochains, furent traitées de sorcières sur la base, elles aussi, de dénonciations calomnieuses jusqu’à finir sur un bûcher.
Ces événements n’ont donc rien de très nouveau, mais nous devons être très prudents lorsqu’on manipule cette nitroglycérine qu’est l’opinion. Elle peut très facilement échapper à tout contrôle et exploser.
La paranoïa individuelle fait souvent des gros dégâts, mais la paranoïa collective peut tout faire sauter et il convient donc d’être particulièrement circonspect avant d’en organiser l’installation dans les esprits.
Loin de moi l’idée d’affaiblir les moyens nécessaires à l’Etat pour protéger les citoyens, mais sans que cela installe dans l’opinion une suspicion permanente. N’ayons pas l’illusion de croire que ceci arrêtera réellement les « cooker-bomb », par contre ça peut nous rendre tous aussi stupides que ces parents dénonciateurs.
Jean-Paul BOURGЀS 14 mars 2016