On parle, enfin, de l’Europe … j’arrête d’ironiser … c’est promis
Le meeting de la Place de la Concorde m’avait inspiré quelques propos caustiques en direction du Président sortant. Je ne regrette pas ce que j’en disais hier, mais il me semble juste d’enregistrer un nouveau changement de cap de notre lutin agile qui hésite encore moins à se contredire qu’à contester les positions de son principal challenger … avant même de les avoir comprises.
Devant la crise de la dette, les dirigeants européens avaient, à l’arraché et sous la pression, pour ne pas dire le chantage, d’Angela MERKEL et de son porte-parole, Nicolas SARKOZY, adopté en décembre 2011 un plan de redressement de leurs finances publiques.
Le Premier Ministre Britannique n’avait pas voulu le signer et s’était fâché mais on avait presque gobé que c’était dans l’enthousiasme que les autres l’avaient adopté. Etrangement on a peu disserté sur la tiédeur avec laquelle l’accord avait été accueilli par les marchés, à la satisfaction desquels il était pourtant supposé répondre principalement.
Que manquait-il donc pour que les marchés s’envolent au septième ciel de la finance ?
Oh, un rien, un tout petit rien, une peccadille … qui s’appelle le moyen de remettre l’Europe sur le chemin de la croissance, sans laquelle aucun Etat ne peut imaginer restaurer l’équilibre de ses finances.
C’est de ce petit rien que François HOLLANDE a aussitôt parlé en indiquant que, s’il était élu, il demanderait que l’on rouvre la négociation afin d’ajouter un volet croissance à l’accord du 9 décembre.
Alors que l’accord n’était encore ratifié par aucun pays (La ratification suppose un vote dans chacun des parlements nationaux … car, et c’est l’une des principales caractéristiques de l’Europe, nos vingt sept pays sont des démocraties), on a entendu des cris scandalisés des auteurs du pacte, comme si l’existence même de l’Europe était remise en cause et qu’il s’agissait « d’un reniement de la signature de la France ».
Le même parangon de vertu européenne n’a pas hésité, cependant, quelques semaines plus tard à menacer de quitter l’espace Schengen si des traités, datant eux de vingt sept ans, n’étaient pas modifiés dans le sens qui lui convenait pour pouvoir rivaliser avec le Front National.
On aura, cependant, bien peu parlé d’Europe au cours de cette campagne. A la Concorde, enfin, le Président sortant a exprimé « clairement » que François HOLLANDE avait eu raison de demander l’ajout d’un volet croissance à l’accord du 9 décembre. Mais, fidèle à son extrémisme bien connu, il est allé beaucoup plus loin puisqu’il a indiqué vouloir remettre en cause l’un des éléments importants de Maastricht qu’est l’indépendance de la Banque Centrale Européenne. Il est vrai que, depuis qu’elle n’est plus présidée par un Français, il faut craindre le pire si on ne la met pas sous l’autorité politique.
Que déduire positivement de ces virevoltes ?
Que l’Europe n’est pas un carcan coulé dans le bronze, placé sur un piédestal et dont la moindre contestation doit conduire son auteur aux flammes du bucher réservé aux hérétiques par une nouvelle inquisition.
L’Europe c’est d’abord un espoir, c’est un cadre vivant qui bouge et qui avance. Les dirigeants politiques Français vont-ils enfin comprendre que l’édifice commun nécessite une véritable participation à des institutions qui s’inventent chaque jour. J’avais souhaité l’adoption de la constitution européenne. A la réflexion une construction pragmatique, pas après pas, dialogue après dialogue, est peut-être préférable à un monument statufiant l’Europe pour toujours.
La campagne de 2012 aura au moins montré quelque chose, c’est que l’Europe revient par la fenêtre quand on l’a chassée par la porte.
Angela MERKEL devait participer à un meeting aux côtés de Nicolas SARKOZY, les excès de ce dernier semblent l’en avoir dissuadée. Pourquoi ne viendrait-elle pas plutôt échanger publiquement avec son prévisible futur partenaire, François HOLLANDE ?
Jean-Paul Bourgès 16 avril 2012