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Billet de blog 18 décembre 2012

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Propos de comptoir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Où c’est-y qu’on est tombé ?

Je me jetais, vite fait, un petit noir dans le gosier, l’autre jour dans un bistrot du bord de Seine, à mi-chemin entre la rue du Faubourg Saint Honoré, rive droite, et la rue de Varennes, rive gauche, quand, m’apprêtant à recoiffer mon chapeau pour regagner les frimas de la rue, j’aperçus deux Messieurs accoudés au zinc en train de parler.

Mine de rien, la dureté de mon oreille, surtout la gauche, ne me permettant pas d’entendre ce qu’ils disaient, je fis glisser un peu ma soucoupe dans leur direction et je tendis l’oreille car leur attitude de personnes accablées par une vie dure m’avait ému. Devant leur mine défaite, leurs vêtements à la propreté douteuse, ces dos voutés qui désignent une personne que la malchance accable, j’envisageais de jeter un : « La Tournée de cafés, ce matin, c’est pour moi ! ».

Leurs propos me parurent tout d’abord assez difficiles à comprendre : « Dégringoler si bas en six mois ! Tu vois, on m’avait dit que je n’aurais jamais dû signer ce CDD, mais, vu le quartier où est le job j’avais pensé qu’il s’agissait d’une bonne gâche », disait celui dont le front dégarni et les petites lunettes signalaient un intellectuel déchu. « Oh tu sais, moi j’ai accepté de surveiller une bande de gamins et gamines, tous plus ou moins caractériels, et c’est pas de la tarte non plus ! » répondait le grand mou à carrure d’ancien rugbyman.

Me rapprochant encore un peu, après avoir clamé un : « Garçon un deuxième petit-noir s’il vous plait !», je les vis qui baissaient le ton pour détailler les causes de leurs malheurs et je ne pus plus capter que des bribes décousues de leurs échanges. Ayant tendu l’oreille à la limite de ce que la décence permet dans un bistrot parisien, j’entendis des mots que j’eus beaucoup de peine à relier à leur apparence de semi-clochards mais dont la TV nous avait abreuvés ces derniers temps. J’ai cru entendre : « Florange, oh Florange … MONTEBOURG m’a fait plus de mal que Lakshmi … » de la part du grand mollasson, et « Mais quel c.. ce Gégé, nous faire le coup de l’outre-Quiévrain en ce moment ! » dit par le pseudo-intellectuel fatigué. Il m’a aussi semblé comprendre : « Angela, ah ! Angela … et en plus j’ai même pas envie de me la taper », à moins que ce soit «  … je n’ai pas envie de la taper » (En reposant maladroitement et bruyamment ma tasse dans la soucoupe ce bout de phrase m’a un peu échappé).

J’en étais là de mon écoute indiscrète quand un grand black assez filiforme est entré dans le bar et s’est planté entre mes deux clochards en leur tapant sur l’épaule et en leur disant « Hello, boys, once more crying ! ». Les deux gars se sont alors sauvés bien vite et j’ai juste entendu que le petit chauve à lunettes disait à mi-voix au grand gaillard un peu mou : « Alors OK mercredi prochain comme d’habitude, rue du Faubourg Saint Honoré, je t’attends avec tes gamins et tes gamines. Essaie de les calmer d’ici là ».

L’après-midi, dans un grand journal du soir, je lus que le Président de la République et le Premier Ministre « dévissaient dans les sondages », tandis qu’Arnaud MONTEBOURG était devenu plus populaire que Manuel VALLS … et je me rendis alors compte que je ne les avais pas reconnus le matin au bistrot … du coup je me demande si le grand black décontracté n’aurait pas un sacré job outre-Atlantique.

Encore l’un de ces rêves éveillés dont je suis, de plus en plus souvent, coutumier. Il va falloir que j’aille consulter un psy … ces divagations m’inquiètent.

Jean-Paul Bourgès 18 décembre 2012

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