… ça n’est pas pareil
Mon propos d’aujourd’hui ne vise pas à ranimer la guerre de cent ans, ni à rappeler que les Anglais ont conservé le côté de circulation qui évitait que les épées s’entrechoquent lors de croisements, tout en permettant de dégainer plus vite, en cas de besoin. Je voulais juste rappeler, de façon allégorique, que gauche et droite … c’est bien différent.
En prévision de ce cinquante et unième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, consécutif aux « accords d’Evian », le Parlement avait décidé que nous marquerions partout désormais, dans chaque commune de France, la fin de cette douloureuse période qui ensanglanta l’Afrique du Nord, du Maroc à la Tunisie mais, bien sûr, d’abord en Algérie et déchira les peuples. Hélas, comme je l’ai plusieurs fois déploré dans mes billets, les plaies ne sont pas refermées en France et une partie du pays n’est toujours pas prête à se souvenir, autrement que dans la haine et le déni, au point de voir un ancien Ministre de la Défense faire récemment un bras d’honneur à l’adresse de l’Algérie, lors d’une émission de télévision.
Et si j’ai commencé, par ironie, mon billet par la conduite à gauche et la conduite à droite, c’est que le partage entre ceux qui se souviennent que ce fut douloureux mais en espérant que la page est définitivement tournée, et ceux qui sont toujours pleins de rancune et souvent de haine, cette ligne de partage des eaux est exactement celle qui sépare la gauche de la droite. Peut-être, même, la définit-elle.
Dans le gros village, trois mille cinq cent habitants, où je suis élu depuis vingt quatre ans (Mais où je m’abstiens désormais de participer à la vie municipale comme je l’ai expliqué dans un billet d’octobre 2012 http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-bourges/211012/irresponsable-jusquau-bout-des-ongles ), le maire avait lancé une invitation pour une cérémonie le 19 mars. Un faux pas, un de plus …, il avait oublié d’interroger préalablement quelques bons citoyens de droite qu’il cajole pourtant outrageusement. Ce fut NIET ! Et il envoya un message piteux pour dire que c’était annulé. De la part d’une équipe municipale élue, en principe, sur une base apolitique, ce n’est pas mal. Ainsi que je l’ai sèchement répondu au message qui annonçait l’annulation : « Les arbres tombent du côté où ils penchent ».
J’aurais pourtant bien volontiers participé à cet hommage rendu à tous ceux qui tombèrent au cours de cette dramatique décennie, à quelque bord qu’ils aient appartenu. J'y aurais associé ceux qui ne tombèrent pas mais souffrirent du colonialisme, mais aussi les rapatriés en urgence et les harkis. Tous, on dit bien tous ceux qui furent les victimes de ce drame démarré lorsque la France débarqua, le 14 juin1830, à Sidi-Ferruch.
Mais, dans le fond, je préfère repenser à cette période de façon solitaire, au calme chez moi.
Je revois d’abord papa, colonel né à Alger, élevé au Maroc, foncièrement attaché à l’Algérie Française, mais n’ayant pas basculé vers l’OAS … par fidélité à l’Etat et esprit de discipline.
Je revois ma sœur aînée, dont le mari, maintenant décédé, aurait pu partir en Algérie alors qu’ils étaient trop pacifistes, déjà, pour accepter cette guerre … et ils le disaient.
Je me revois, le matin du 20 mars 1962, embrassant mes amis tunisiens à l’entrée en classe dans notre hypo-taupe du lycée Hoche à Versailles, sous l’œil indigné de camarades pro-OAS.
Je nous revois, ma femme et moi, faisant notre voyage de noces en Algérie en juillet 1971.
Je pense à mon petit-fils, d’ascendance algérienne par son père et qui n’a nulle raison d’en souffrir ici.
Certains sont trop à droite pour être capables d’oublier et n’effacent rien, sauf le mal qui fut fait. Je préfère tout effacer sans rien oublier. Je plains ces passéistes, mais je n’ai vraiment plus aucune envie de les côtoyer.
Décidément ils ne sont pas l’avenir, mais juste le passé du passé … l’inexistence !
Jean-Paul Bourgès 19 mars 2013