Lorsque j’étais gamin, et à cette époque papa était officier français, affecté au SHAPE (Supreme Headquarter of Allied Powers in Europe), autrement dit l’OTAN, de nombreux murs en région parisienne, où nous habitions alors, comportaient des slogans « US GO HOME » peints au goudron ou à la peinture blanche sur de nombreux murs qui marquaient ainsi l’opposition des militants communistes à la présence américaine en France.
Moins de dix ans après que l’Europe, et d’abord la France, ait été libérée du nazisme par la tenaille représentée par l’armée américaine à l’ouest et l’armée soviétique à l’est, contester la légitimité de la présence militaire américaine pouvait se comprendre pour ceux qui auraient voulu une victoire du communisme soviétique. Pour ceux qui ne souhaitaient pas cette évolution, et ils étaient majoritaires, il pouvait y avoir dans cet appel quelque chose d’inacceptable.
Pour autant je n’ai pas le souvenir, mais peut-être étais-je trop jeune ?, qu’ait été exercée une répression à l’égard de ceux qui affichaient ainsi leur opposition à la présence américaine.
Actuellement c’est ce qui se passe entre Israël et la Palestine qui se traduit par la volonté de certains d’affirmer leur soutien sans réserve en faveur de la politique conduite par le gouvernement israélien ou, au contraire, par le Hamas sur la minuscule « Bande de Gaza ».
Laissant de côté la situation en Israël, c’est de ce qui se passe chez nous que je veux parler.
Comment comprendre et admettre, en effet, qu’un jeune-homme ayant apposé sur son scooter des autocollants hostiles à Israël, soit intercepté par la police, puis poursuivi pour « propos injurieux à l’égard d’un Etat » et « racisme » ?
C’est pourtant ce qui est arrivé à Lyon ces derniers jours. On pourrait croire à un fait isolé résultant du zèle d’un policier. Mais, au même moment une manifestation pro-palestinienne est interdite à Paris et cela ne peut être qu’une décision prise à très haut niveau.
Nos autorités publiques, non impliquées dans cet interminable conflit israélo-palestinien, en principe amies tout à la fois d’Israêl et de l’ensemble du monde arabe, devraient laisser chacun d’entre nous exprimer ses préférences et ses réactions en toute liberté et en veillant juste à l’absence de comportements de provocation à la haine à l’encontre d’autres personnes vivant en France et pensant autrement.
Je ne sais si celui qui fut arrêté était un Maghrébin, mais on peut l’imaginer. Un garçon blond affichant sur son scooter sa solidarité avec Israël aurait-il été arrêté ? Permettez-moi d’en douter.
Il reste que si l’on veut détériorer encore plus une unité nationale déjà fort mal en point, il suffit que notre gouvernement et les services sous son autorité n’aient pas, à propos du conflit Israélo-Palestinien, une attitude de neutralité. Nous sommes divisés sur l’économie et le social, nous le sommes sur les questions de société comme « le mariage pour tous » ou la PMA, nous divergeons sur la façon d’envisager la protection de l’environnement … comme sur le nombre de régions ou la façon d’organiser la semaine scolaire. Il nous manquait d’avoir une conception dissymétrique de la liberté d’opinion en raison de choix gouvernementaux dans des conflits extérieurs.
Nous n’aidons, ni les Israéliens, ni les Palestiniens, en régressant sur l’exercice de nos libertés fondamentales au profit de l’un ou l’autre camp. Par contre nous portons atteinte aux fondements de notre pays.
Jean-Paul Bourgès 19 juillet 2014