Un Président trop normal … pour être vrai
Chacun d’entre nous est sujet, parfois, à des fluctuations dans ses propos et les moins bêtes d’entre nous sont ceux qui savent changer de point de vue lorsqu’on leur démontre qu’ils se trompent.
Notre Président de la République est, décidément, un « président normal » puisque le mardi il explique, devant l’ensemble des maires que ceux qui ne voudront pas marier des homosexuels pourront invoquer une clause de conscience pour ne pas le faire … et, le mercredi, ayant entendu la clameur du « peuple de gauche », il change de position en expliquant que des homosexuels pourront se marier dans toutes les communes de France (Il y a donc des élus qui n'auront pas droit à la "clause de conscience" ... une sorte de service minimum, comme à la SNCF ! ! !). Quelle vivacité ! Quelle souplesse !
Il faut dire qu’en l’écoutant mardi je m’étais demandé s’il n'aurait pas mieux fallu parler d’une « clause d’inconscience ». Je m’étais aussi dit qu’entraîné par le sujet, il avait choisi de faire un enfant dans le dos à François FILLON en faisant des mamours à Jean-François COPÉ. En effet celui qui a été élu à la tête de l’UMP « sur le fil à couper le beur », avait bien dit qu’il refuserait d’appliquer lui-même la loi si elle était votée, tandis que François FILLON avait indiqué qu’il l’appliquerait, mais que, s’il revenait au pouvoir, il ferait abolir ce texte. Autrement dit, à peine magnifiquement bien élu à la tête de l’UMP (Sans les voix de la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et Mayotte semble-t-il …), Jean-François COPÉ enregistre le ralliement de François HOLLANDE à sa ligne politique … on croit rêver … ou cauchemarder. Après l’étalage d’incompétence, de magouille, de guerre des gangs que l’UMP nous a donné dimanche et lundi, c’est un comble d’entendre mercredi Laurent WAUQUIEZ proclamer : "Il fallait se pincer pour y croire. Ça donne une impression incroyable de cafouillis" … en parlant des positions de François HOLLANDE sur le « mariage pour tous » et non à propos du scrutin du week-end dernier
Au-delà de ces observations sur les comportements de nos hommes politiques, il reste à s’interroger sur cette notion de « clause de conscience » et sur la conception que nous avons d’un Etat laïc.
Par définition de la légalité républicaine la Loi ne peut pas être considérée comme immorale au regard de la morale publique qui est la seule que tous les élus de la République et l’ensemble des citoyens sont tenus de respecter et d’appliquer. Nulle autre considération, fut-elle inspirée par une religion ou une école de pensée philosophique, ne peut lui être considérée comme supérieure. Nul n’est, par ailleurs, obligé d’exercer un mandat politique s’il considère qu’être chargé d’appliquer la Loi serait contraire à ses convictions personnelles. Or, si j’ai entendu des élus brailler bien fort qu’ils n’appliqueraient pas la Loi, je n’en ai pas entendu dire qu’ils se démettraient de leur mandat de maire pour ne pas être mis en contradiction personnelle entre leurs devoirs d’élus et leur conscience personnelle. Serait-il si difficile que ça de quitter un fromage ?
Plus nous nous enfonçons dans ces débats de société, plus la nécessité de redéfinir le concept de « République laïque » apparaît indispensable, car qu’un Président de la République issu de la gauche (De plus en plus prudent, je ne dis plus qu’il est de gauche … mais qu’il en est issu) n’ait aucune gêne à considérer qu’un élu puisse placer l’obéissance aux évêques comme plus impérative pour lui que le respect de la Loi, démontre la gravité du délitement de la laïcité dans les esprits.
Jean-Paul Bourgès 21 novembre 2012