… en tout cas, elle ne se sauve pas que par pudeur
La lente agonie de la présence du Royaume Uni dans l’Union Européenne, me rappelle le titre de ce vieux film de 1969 : « They shoot horses. Don’t they ? » qui fut traduit en Français par « On achève bien les chevaux ». Toute la différence entre la langue de Shakespeare et celle de Molière est d’ailleurs remarquablement bien mise en évidence par la mise en parallèle de ces deux formulations et, comme chacun le sait, les parallèles ne se rejoignent jamais.
Il aura fallu bien longtemps, il aura fallu plus de quarante ans de volonté acharnée – je dirais presque de lutte contre une évidence qui nous désespérait – pour que l'hypothèse d'un retrait de la Grande Bretagne nous soit envoyée à la figure par un Prime Minister qui est tout sauf un « Major THOMSON » à l’élégance raffinée et discrète. Sans bousculer les règles de l'Union Européenne, parler d’Europe à la carte est une véritable insulte pour ceux qui, depuis plus de cinquante ans, s’efforcent de construire un ensemble cohérent et égalitaire.
Charles DE GAULLE voulait bien l’Angleterre dans ce qui était encore le « Marché Commun », mais à condition qu’elle fût nue, autrement dit détachée des Etats Unis et prête à accepter toutes les règles communes que les six créaient jour après jour (Ultérieurement le Général déclara qu’il n’avait jamais prononcé cette phrase – probablement car elle eut choqué les prudes oreilles de Tante Yvonne – mais il en confirma la substantifique moelle lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967).
L’Union Européenne va sûrement devoir affronter bien d’autres remises en cause à la suite d’une évolution qui échappa largement au contrôle à partir de la grande phase d’élargissement consécutive à l’effondrement du monde Soviétique. Quand on vit la Pologne s’aligner servilement sur les Etats Unis lors de la guerre contre l’Irak, lorsqu’on voit la Hongrie renouer sans vergogne avec des méthodes qui rappellent le régent HORTHY, lorsqu’on voit la Roumanie fonctionner d’une manière qui ressemble à un « coup d’Etat permanent » … on se demande si ces nouveaux membres de l’Union Européenne en ont bien assimilé les règles et s’il ne faudrait pas, bien vite, envisager pour ces pays un statut de « pays associé » et non de membre de l’Union. Si, à un premier cercle, se dotant d’ailleurs d’institutions fédérales, on ajoutait un cercle de pays associés avec des règles spécifiques pour chacun, on pourrait éviter une rupture définitive avec le Royaume Uni et les pays que je viens de citer. On pourrait aussi reprendre sur une base différente la question de la Turquie, mais également revoir les liens à renouer avec la Norvège.
Prenons conscience que l’Union Européenne est en grand danger de dissolution parce qu’elle a voulu couvrir un périmètre trop large où ce qui unissait devenait moins fort que ce qui différencie.
La brutalité démagogique de David CAMERON doit nous pousser à nous retrouver entre « vrais Européens » pour repartir de l’avant sur des valeurs mieux affirmées (Le libéralisme économique sans freins n’en fait pas partie). Si nous réussissons ça, David CAMERON pourra être considéré comme l’homme du début du XXIème siècle ayant le plus contribué au sauvetage de l’Union Européenne … et on pourra même lui ériger une statue en remerciement.
Jean-Paul Bourgès 23 janvier 2013