Mikhaïl Borissovitch KHODORKOVSKI vient d’être gracié par Vladimir Vladimirovitch POUTINE.
Après dix ans de prison, il a été libéré, peu de temps avant la fin de l’échéance de sa condamnation, afin de pouvoir se rendre à Berlin, auprès de sa babouchka, atteinte d’un cancer. Qui pourrait penser, après ça, que POUTINE n’est pas humain, d’autant que l’amnistie qu’il a décidée libérera aussi les Pussy Riots.
Pour la rubrique « pipole », qui sert de plus en plus de « une » à nos journaux, il y a vraiment là matière à s’émerveiller.
Même si chaque pays a ses règles, sa culture, son histoire … et qu’il est préférable de ne pas apprécier ce qui se passe au-delà des Pyrénées en fonction de ce qui se passe de ce côté-ci … il me semble possible de s’interroger sur ce drame, qui n’a rien à envier aux tragédies raciniennes ou shakespeariennes.
Parti de son statut de membre des Komsomol, le jeune Mikhaïl Borissovitch KHODORKOVSKI n’a pu devenir, à l’âge de trente deux ans, le propriétaire du groupe Ioukos et détenir très vite la première fortune de Russie, qu’en raison d’un processus de dépeçage mafieux du patrimoine national, construit avec la sueur du peuple russe en soixante dix ans de régime soviétique.
Peut-on même parler de « bien mal acquis » ? Qui est coupable ? Est-ce surtout l’acquéreur qui profite de ses relations pour récupérer à vil prix ce qui résulte de la dispersion de ce qui fut construit par tout un peuple ? Est-ce plutôt le liquidateur, qui, au passage, prélève sa dîme ?
Mikhaïl Borissovitch KHODORKOVSKI ne passa pas dix ans en prison parce qu’il avait acquis de façon suspecte l’entreprise Ioukos, comme beaucoup d’autres qui, désormais, viennent se prélasser sur la Côte d’Azur, mais parce qu’il avait commis l’imprudence et l’impudence de vouloir jouer un rôle politique en contestant le président Russe.
Le Grégori ORLOV moderne, infiltré habilement auprès de Boris ELTSINE et qui lui succéda, ne pouvait pas imaginer de laisser un jeune ambitieux prétendre faire plus que gagner toujours plus d’argent. Le pouvoir, le pouvoir absolu bien sûr, est à l’évidence la drogue à laquelle Vladimir Vladimirovitch POUTINE fut initié lors de sa jeunesse passée au sein du KGB. Rien de ce qui pourrait l’entraver ou juste le menacer ne peut survivre libre en Russie.
Détenteur du robinet de gaz qui nous alimente, il a tout ce qui lui permet d’affirmer sa suprématie en réduisant au silence ceux qui, à l’extérieur de la Russie, auraient des velléités contestataires … comme on vient de le voir avec l’Ukraine. En interne, toute la panoplie du parfait dictateur est à sa disposition. Elle va de la banale magouille électorale, en passant par la docilité obséquieuse de ceux qui lui doivent tout, jusqu’à la menace pour la vie de ceux qui, comme Anna Stepanovna POLITKOSKAÏA, osent critiquer le nouveau Tsar.
Pauvre Russie accèdera-t-elle un jour, enfin, à un régime où il soit possible de s’opposer au pouvoir sans craindre pour sa vie ou sa liberté ?
Jean-Paul Bourgès 23 décembre 2013