Faire et défaire

Durant « la terreur », Place de la Concorde et au pied de l’échafaud qui y trônait - si l’on peut dire sans offenser la mémoire de Louis XVI - de braves ménagères stationnaient sur leurs tabourets et tricotaient pour tuer le temps, en attendant que la guillotine en fasse de même de ceux qui étaient sensés être tous d’abominables contre-révolutionnaires.
Cette image des tricoteuses, au-delà de son côté mythique, me fait penser à ces décennies récentes au cours desquelles notre société « tricota » patiemment un consensus social, bien imparfait mais en voie d’amélioration progressive.
Depuis une trentaine d’années … et cela commença, en France, sous François MITTERRAND pour culminer sous Nicolas SARKOZY mais ne semble guère s’arrêter sous François HOLLANDE … on n’en est plus au tricotage, mais au fricotage effréné et surtout au détricotage systématique.
Le libéralisme a gagné avec l’escroquerie intellectuelle d’un concept utilisant le mot « liberté », là où il s’agit d’un asservissement implacable aux seuls intérêts de « L’argent-Roi ».
Tout ce qui limite le jeu des intérêts privés, et donc la suprématie des plus forts sur les plus faibles, a été érigé en comportement hérétique, irresponsable et signe d’une stupide incompréhension des lois de l’économie.
Pour dévaloriser ce qui fut, pendant des décennies, la construction d’un monde moins injuste – je n’ose dire « plus juste » tellement il restait imparfait – on inventa même le terme « d’Etat Providence » afin d’en ringardiser le concept de base qui n’était rien d’autre que la solidarité qui est, pourtant, à la base de toutes les sociétés humaines comme animales, telle celle des loups.
Mais, en moins de trente ans, on a vu ce libéralisme qui avait incontestablement vaincu matériellement et idéologiquement le collectivisme affronter une crise dont nul ne peut vraiment prédire l’issue.
C’est Cicéron qui rapportait que deux oracles évitaient de se regarder afin de ne pas rire de leurs boniments. Il ne se passera plus bien longtemps avant que deux défenseurs du libéralisme n’osent plus se regarder. Le panthéon des dieux romains s’effondra progressivement au cours des premiers siècles de notre ère et une foi nouvelle, importée de Palestine, s’y substitua jusqu’au jour où l’Empereur CONSTANTIN en fit la religion de l’Empire Romain.
Nous voyons le libéralisme pur et si dur se briser bien plus vite sous les assauts d’une libre concurrence érigée par les grands-prêtres du « laisser faire ». Nous ne savons pas encore quel nouveau système de valeurs viendra le remplacer mais, l’Histoire ne resservant jamais les mêmes plats, ça ne sera sûrement pas le collectivisme.
Il va bien falloir retricoter des vêtements bien chauds car, malgré le réchauffement climatique, le froid s'installe.
Jean-Paul Bourgès 24 décembre 2012