L’écoulement rapide de l’information
Un clou chasse l’autre disait-on autrefois. Mais il y a bien longtemps que cette vision de charpentier a cédé la place à quelque chose d’infiniment plus fluide, sans laisser la trace concrète d’un clou profondément enfoncé. Désormais ce qui caractérise nos sociétés c’est la vitesse à laquelle l’information du jour chasse celle de la veille, qui a, elle-même, définitivement relégué aux oubliettes celle de l’avant-veille.
Les quelques jours passés en ont administré une preuve éclatante. L’affaire TAPIE-LAGARDE-GUÉANT-SARKOZY resurgit au détour de quelques perquisitions et, déjà Florence CASSEZ se dirige vers la sortie, alors que son retour du Mexique avait effacé la célébration du cinquantenaire du traité de l’Elysée. Des troupes françaises combattent-elles encore au Mali ? En tout cas on n’en parle plus guerre et, lorsqu’eut lieu l’attaque du site gazier d’In-Anémas, on avait même déjà assisté à un effacement des combats au Mali devant ce qui se passait dans le sud-est de l’Algérie.
Ceci est-il seulement le fait des médias et de leur besoin économique d’attiser toujours l’attention par du neuf, du frais, du saignant, pour conserver le chaland ?
N’est-ce pas aussi le reflet d’une sorte d’incapacité du public à s‘intéresser à plusieurs sujets à la fois ?
Sous l’ère SARKOZY ont vit bien, en tout cas, l’usage systématique du rapide effacement des informations, avec un Président de la République qui occupait régulièrement le devant de la scène en entraînant tout un peuple à des passions paroxystiques durant quelques jours, puis passait à autre chose dès que la flamme semblait prête de s’éteindre. Il « gouverna » ainsi durant cinq ans, mais, notons-le, ne fut pas reconduit dans ses fonctions. Serait-ce parce qu’il nous avait tellement habitué au changement, qu’il était devenu le dernier élément du décor à changer ?
Mais pendant que le film de l’actualité se déroule à un rythme effréné sans laisser un instant pour se poser et réfléchir, les faits demeurent et s’incrustent. L’Union Européenne est, qu’on le veuille ou non, en train de se défaire moins lentement que lorsqu’elle s’approfondissait peu à peu. Nous devions rompre avec « la Françafrique » et nous sommes, de nouveau, engagés avec des relents, ou au moins des doutes, de contrôle de nos approvisionnements en uranium. La crise de la dette est moins obsessionnellement évoquée chaque jour, mais elle n’a pas baissé et l’on pourrait se poser la question suivante « Qui vit de la dette des autres ? Qui meurt de sa dette ? Et que se passerait-il si toutes les dettes étaient annulées ? ». On parle de « refonder l’école » et c’est, à l’évidence, indispensable. Mais où et quand a eu lieu le débat préalable à cette refondation ? Et tant d’autres questions sont sans réponse, que je renonce à en dresser la liste … repris, peut-être, par le zapping quotidien.
Jean-Paul Bourgès 25 janvier 2013