Pour une revue totale de nos rapports à la Birmanie
Mon dernier petit-fils porte un nom Birman et son autre grand-père a dû quitter son pays au milieu des années 80 pour sa sécurité et celle de sa famille. C’est donc avec un intérêt tout particulier, bien sûr, que j’ai suivi l’évolution de ce pays asiatique si méconnu. Beaucoup d’entre nous peuvent siffloter l’air du « pont de la rivière Kwaï » sans bien savoir s’il se trouve en Thaïlande ou en Birmanie (Le fameux chemin de fer reliait la Thaïlande et la Birmanie … mais le pont est en Thaïlande) … un peu comme si nous ignorions si « le pont d’Avignon » est en France ou en Italie.
Peu à peu, au cours des dernières années, la réalité d’une épouvantable dictature militaire qui aura duré un demi siècle nous est apparue, ainsi que la figure lumineuse d’un petit bout de femme, AUNG SAN SUU KYI, Prix Nobel de la Paix, que ces militaires tentèrent d’isoler du monde afin d’empêcher toute contestation de leur pouvoir.
Depuis peu le régime s’est assoupli, des élections partielles libres ont été organisées avec l’arrivée de 43 députés appartenant au parti d’AUNG SAN SUU KYI sur 45 sièges à pourvoir … dont « La Dame ». L’actuel gouvernement est toujours conduit par un militaire mais les ministres sont des civils.
AUNG SAN SUU KYI est aujourd’hui à Paris où elle est reçue comme si c’était elle qui était le Chef de l’Etat du Myanmar. Cette visite est entourée d’un apparat dont nous disputons le secret aux studios de Bollywood. Nous sommes, désormais, en « présidence normale », mais nous avons un amour immodéré du flon-flon qui devrait largement s’exprimer aujourd’hui. Au demeurant, tout ceci est fort bien et « la Dame de Rangoun » mérite ces hommages … mais ne nous imaginons pas que cela peut solder l’ambiguïté de nos positions à l’égard de ce pays dans les années passées.
Pour expliquer des comportements humains étranges un dicton suggère : « cherchez la femme ». Mais lorsqu’il s’agit de relations entre Etats, il faut adapter le dicton en disant « cherchez le pétrole ». Et, précisément, comme l’annonçait le titre de ce billet, la société TOTAL a de gros intérêts en Birmanie et les positions de la France ont été, sous des gouvernements de bords opposés, d’une prudence de Sioux afin de ne pas risquer de porter atteinte aux intérêts de TOTAL. Cette compagnie, tout en se défendant d’en abuser, a profité des restrictions (Le terme est un peu faible) apportées aux droits des travailleurs par le régime des militaires. Quoi qu’on fasse aujourd’hui en déroulant des tapis rouges pour AUNG SAN SUU KYI, nous avons été, pour des raisons économiques, des complices objectifs du régime militaire et il faudra bien s’en expliquer un jour.
Jean-Paul Bourgès 26 juin 2012