… est nue dans la rue
Les piliers de ce pays se fissurent, s’effondrent.
Dans ces billets, depuis des mois et des mois, j’évoque la détérioration de notre vie politique et institutionnelle.
Je pense que ce que nous avions mis environ deux cents ans à bâtir, au travers d’étranges vicissitudes, a été, à ce point attaqué par un monde qui a commis l’escroquerie de confondre « liberté » et « libéralisme », que nous avons le plus grand mal à nous retrouver dans ce galimatias où l’intérêt de l’Homme a, depuis longtemps, cédé devant les hommes d’intérêts.
J’ai eu la chance de fréquenter la rue Saint Guillaume de 1967 à 1969. Je venais y compléter une formation d’ingénieur, j’enseignais la physique-chimie en parallèle pour financer ces études, les camarades qui m’entouraient ne pensaient qu’à entrer à l’ENA pour devenir de « grands commis de l’Etat » ou se lancer en politique. Bien sûr, sous certains déjà pointait l’ambition personnelle de jeunes-gens un peu enfatués d’eux-mêmes, mais, peut-être parce que leur formation ne les avait pas préparés à l’imagination, ils ne se voyaient qu’en manitous du service public, ou dans les ors de la République … mais non en bénéficiaires de stock-options ou de parachutes-dorés qui n’existaient pas encore. On laissait ça à ceux qui faisaient HEC et dont on savait qu’ils voulaient « gagner du fric » et, à cette époque, on ne passait pas encore par la rue Saint Guillaume après HEC.
Alors imaginez ma tristesse devant le cirque lamentable de la nomination d’un directeur à la tête de Sciences-Po pour succéder à Richard DESCOINGS.
Un rapport de la Cour des Comptes fit d’abord apparaître des pratiques sidérantes en matière de rémunérations. Puis on eut le spectacle d’un groupe de parrains (L’un d’entre eux, ce me semble, faisait partie de mon groupe de travaux dirigés … qu’on appelait, je crois, une « conférence ») qui tenta d’imposer un successeur, sorte de nouveau Rastignac, qui était pourtant mouillé jusqu’au cou dans les turpitudes financières passées. Evidemment, et fort heureusement, devant le bruit que faisait le rapport de la Cour de Comptes le putsch des parrains échoua devant le veto de la Ministre de l’Enseignement Supérieur.
Nous sommes presque six mois plus tard et les candidats se désistent les uns après les autres. Diriger Sciences-Po n’est plus une ambition.
N’est-ce pas un signe concret de déliquescence ? En tout cas, pour moi, c’est une tristesse.
L’antichambre de l’ENA est désormais à la rue … ne devrait-elle pas, surtout, être dans la rue … la rue Saint Guillaume, bien sûr ?
Jean-Paul Bourgès 27 février 2013