Pourquoi refuser la présence du Front National au Parlement ?
Je sais que certains de ceux qui lisent mes billets, pourraient avoir du mal à comprendre cette interrogation. Je pense nécessaire et légitime d’y répondre, cependant, car un consensus semble sur le point d'émerger pour l'introduction d’une « dose de proportionnelle » pour les élections législatives et il ne me semble pas imaginable de ne pas se poser, préalablement, la question de savoir qui peut participer au jeu politique. L’Allemagne et le monde entier ont vu … ce qu’a coûté en horreur le fait d’avoir laissé l’auteur de « Mein Kampf » faire son entrée au Reichstag.
Au risque de choquer, j’affirme que toute opinion n’est pas équivalente à toute autre et que la démocratie ça n’est pas la porte ouverte à toutes les expressions au sein de la représentation nationale. Autrement dit, la démocratie n'est pas à ouvrir à ceux qui ne sont pas démocrates.
Deux aspects sont, à mon sens, à prendre en compte.
Le premier est relatif au repérage dans le passé. En tous temps et dans tous les pays, l’accès à la représentation nationale n’a pas été ouvert à ceux qui prolongeaient des forces politiques s’étant rendues coupables d’actes criminels. Cela se traduit par une décision d’interdiction, excluant, de ce fait, l’organisation concernée de la possibilité de se présenter à une élection. Or, même s’il n’y a pas continuité juridique entre le FN et les partis qui soutenaient PÉTAIN, la filiation est évidente comme la référence à Robert BRASILLACH l’a, encore très récemment, démontré. Ne pas marquer l’impossibilité pour un parti de se recommander de celui qui écrivait d’immondes appels à la haine et au meurtre dans « Je suis partout », m’apparaît inconcevable et les scores atteints par le FN ne font pas fléchir ce point de vue … ils le renforcent. Il n’est que temps d’exclure le FN du jeu politique car ses scores, sans cesse à la hausse, mettent en évidence l’avancée de la gangrène, qui a même dangereusement contaminé l’ancien Président de la République dont l’entourage comprenait plusieurs anciens membres ou proches du FN.
Le second découle des positions et propos actuels tenus par cette organisation. A mes yeux il est inconcevable que puisse être appelée à participer à la vie politique une organisation dont les positions sont contraires au préambule de la constitution et à son article 1 qui disent : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004. En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'Outre-Mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique », et : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
Un parti qui base son histoire, ses références et toutes ses argumentations sur une pratique discriminatoire envers les musulmans ... après avoir qualifié de "détail de l'Histoire" un génocide d'un niveau jamais atteint avant lui, ne peut pas être autorisé à entrer dans un système dont il nie les fondements.
Même et surtout si le FN frôle désormais les 20 %, il ne faut pas instaurer une dose de proportionnelle sans avoir, légalement et préalablement, interdit à ce parti l’accès à la représentation démocratique.
Le grand souci, le scrupule, le blocage mental … résulte du fait que ça a l’air d’exclure 20 % des électeurs … et que faire ça ne serait pas démocratique du tout. Il s’agit d’un piège, dans lequel il faut refuser de tomber. Si la Mafia créait un parti politique et que de nombreuses personnes soient prêtes à rejoindre ce parti et à voter pour lui, serait-ce une raison pour permettre cette folie ? Ceux qui voudraient voter pour le FN, si on exclut ce parti du jeu politique, se redistribueront sur les partis autorisés en fonction de leurs convictions. Autoriser le FN « parce qu’il existe et qu’il a des électeurs », c’est comme légaliser la drogue parce qu’elle existe et que certains voudraient en consommer. Le FN est l’opium du peuple moderne … il faut en protéger la société, et non mettre cet opium en vente dans les hypermarchés.
Jean-Paul Bourgès 29 mai 2012