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Billet de blog 19 décembre 2015

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UNE PETITE REMARQUE SUR LA DEMOCRATIE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Après le coup de pied dans la fourmilière résultant des élections régionales, nous avons eu droit au spectacle de politiciens affolés courant en tout sens. Parmi les phrases revenant fréquemment, nous eûmes les suivantes:

"Nous n'avons pas assez écouté les français - maintenant il faut le faire";

"Nous avons tenu des discours - jamais suivis d'actes; maintenant il faut agir".

Messieurs-dames les politicien(ne)s, je vous signale que ce que vous appelez "écouter les gens" - et que vous reconnaissez n'avoir pas fait - est, PAR DéFINITION - l'une des propriétés de la DéMOCRATIE. En effet, dans la démocratie, c'est la population qui gouverne, et les exécutants ne sont que des EMPLOYéS au service de celle-ci.

Au lieu que, dans notre société, ces dits "éxécutants" ont saisi le pouvoir pour leur propre usage, formant, non pas une démocratie, mais une RéPUBLIQUE OLIGARCHIQUE.

A ce propos, il est très instructif de jeter un coup d'oeil sur l'histoire antique. Non, il ne s'agit pas d' "une vieille chose qui ne sert à rien"; si la technologie a changé, les passions humaines - elles - demeurent. Et les auteurs antiques, non seulement n'utilisaient pas de "langue de bois", mais, en plus, avaient les idées claires.

Nous voyons que le moment où Athènes est devenue une démocratie et celui où Rome est devenue une république sont contemporains. Et l'on nous donne aussi à comprendre la désillusion du peuple romain, lorsque celui-ci vit qu'il passait de la royauté - non pas à une démocratie (ainsi qu'il l'espérait), mais à une république oligarchique (c'est à dire où le pouvoir est entre les mains d'un petit nombre, qui s'en sert pour son propre bénéfice.)

Donc, on peut dire pragmatiquement - et répéter - que nous vivons dans une république, mais pas dans une démocratie.

On ne cesse de nous parler de "nos élites". ???? Comment la population peut-elle même accepter une telle dénomination?

"Elire" veut simplement dire "choisir". 

Dans une démocratie, cela voudrait dire:

1. Choisis par qui?: par la population (= "le peuple")

2. Choisis pour quoi?: pour SERVIR cette dite population.

Or, dans nos sociétés, "élite" est devenu synonyme de "supérieur", avec des connotations comme: "avoir plus de pouvoir", "avoir plus d'argent", "avoir plus de droits","contraindre", "imposer", etc ... L'existence même de cette "élite" et de ses prérogatives semble largement acceptée comme quelque chose de "normal".

Quant aux "politiciens", ils ne cessent de nous seriner que nous vivons "en démocratie" (notion qu'ils se gardent bien de définir - comme toutes les autres, d'ailleurs), en nous donnant comme seule et unique "preuve" de ceci que NOUS AVONS LE DROIT DE VOTE. Ce à quoi il faut objecter diverses choses:

1. Le droit de vote n'est pas CARACTéRISTIQUE d'une démocratie. Revoir Rome, où le peuple avait le droit de vote, et où, comme chez nous, les politiciens lui faisaient périodiquement des courbettes, des cadeaux, et des promesses (souvent non tenues), afin de tenter d'être élus, ou réélus.

2. Le droit de voter POUR QUI?: Le droit de choisir à l'intérieur d'un aréopage de techniciens du pouvoir - mais du pouvoir PERSONNEL uniquement. C'est une "élite", mais qui s'est CHOISIE ELLE-MêME, et qui se reproduit par cooptation, suivant ses propres règles. Ainsi notre choix est un CHOIX ILLUSOIRE, puisque les cartes sont truquées.

3. Le droit de voter POUR QUOI? C'est à dire: dans quelles circonstances, et pour quels buts?

Nous pouvons voter lors d'élections organisées par le pouvoir en place, pour des objectifs et dans des circonstances qui sont déterminé-e-s par celui-ci. La population n'a ni le droit, ni la possibilité, de déterminer un sujet sur lequel voter, et d'organiser des élections à ce propos - contrairement à ce qui était prévu dans la notion athénienne de démocratie.

Lorsque les politiciens nous parlent de "démocratie", il est difficile de savoir s'ils ne savent pas de quoi ils parlent (manque de connaissances et d'efforts pour se renseigner), ou s'ils le savent, et poussent le cynisme jusqu'à mésuser des mots - afin de nous manipuler. Comme toujours - en pareil cas - il faut parier sur un mélange (à proportions variables) de ces deux possibilités, dans des esprits où la matoiserie le dispute à la confusion.

Parmi les déclarations surprenantes, nous pouvons citer (sans préjudice des autres) Monsieur M.V., qui nous tint dernièrement un discours édifiant.

En effet: il nous dit qu'il fallait "écouter les français, afin que ceux-ci ne votent pas pour le F.N.".

Notons:

1. Ce qu'il N'A PAS DIT. Il n'a pas dit: "il faut écouter les français par souci de démocratie" 

2. Ce QU'IMPLIQUE ce qu'il a dit. 

(a) Que c'est le vote pour le parti cité qui a attiré son attention sur le fait qu'il y avait un "déficit d'écoute".

(b) Que son BUT est que les français ne votent pas pour le dit parti, sans préciser toutefois si c'est parce qu'il pense que ce serait mieux pour les français, ou si c'est parce qu'il pense que ce serait mieux pour lui-même.

Pauvre Démocratie!!!

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