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Billet de blog 4 juin 2014

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Cuba : les contradictions de la situation actuelle.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un voyage récent à Cuba, nous permet de vous faire part de la situation du pays. Elle se caractérise par l’existence de trois éléments qui orientent l’évolution économique et sociale du pays :

  • La domination du tourisme comme secteur clé du processus de développement du pays.
  • L’ouverture de l’économie à l’investissement étranger (sauf éducation, santé et défense), et
  • La circulation légale de deux monnaies dans l’économie : le peso cubain et le peso cubain convertible, le C.U.C., valant un dollar.

Ces trois facteurs sont très liés et influent directement la vie des cubains, comme nous allons le démontrer ci-dessous.

L’infrastructure hôtelière a subi une forte expansion ces dernières années : partout fleurissent des nouveaux hôtels et des maisons d’hôtes (hostales), la nouvelle possibilité qui ont les habitants de l’ile, de mettre à la disposition de touristes, une partie de leur maison. Mais aussi des nouveaux restaurants privés et des « paladares », des lieux placés dans les maisons particulières, pour offrir les services d’un restaurant.

Dans tous les lieux touristiques, on observe un élargissement considérable de l’offre hôtelière, soit d’Etat ou particulière.

Les activités liées au tourisme comme l’artisanat local se sont fortement développées et offrant des produits de plus grande qualité. Les offres d’activités touristiques, tels excursions, activités diverses et spectacles, sont diversifiés et variés. Le transport, soit à La Havane ou vers l’extérieur, est facile et de bonne qualité. Les propriétaires de vieilles voitures nord-américaines datant des années 50-60 sont désormais autorisés à les travailler comme taxis.

Un point noir est la qualité de l’infrastructure routière, que nécessite un vaste programme d’amélioration.

La déficiente réglementation exigée aux moyens de transport mis à disposition pour le tourisme, oblige à négocier chaque fois le prix d’une course de taxi, car souvent ces prix deviennent exagérés.

L’importance du tourisme dans l’activité économique et la présence de deux monnaies en circulation, est à la base d’une des principales contradictions, que selon mon point de vue, menacent la société cubaine et les objectifs de la révolution.

Car beaucoup des cubains cherchent par tous les moyens, même parfois à la limite de la légalité, de se lier au secteur du tourisme pour obtenir des pesos cubains convertibles (CUC), ceux qui permettent d’acheter dans les « tiendas » ou magasins d’Etat, des produits souvent importés et absents des « bodegas » où l’on achète à des prix très inférieurs, fixés en pesos non convertibles. Il faut savoir que 1 CUC vaut 24 pesos cubains et que le salaire moyen est de 250 pesos cubains, c’est à dire environ 10 CUC.

Une personne qui travaille dans un hôtel, dans une maison d’hôte, vendant de l’artisanat, serveur dans un restaurant ou même s’il conduit un taxi, peut gagner commodément 30 CUC par jour. Il peut gagner dans une journée, près de 3 fois le salaire mensuel d’un salarié.

Cette situation incite beaucoup de jeunes cubains bien formés et bien diplômés, à abandonner leurs postes dans les services d’Etat et d’exercer une activité liée avec le tourisme. Nous avons rencontré beaucoup d’Ingénieurs, d’Enseignants, de Chercheurs, d’Economistes ou Sociologues etc. que travaillant dans une maison d’hôte, comme chauffeur de taxi ou vendant de l’artisanat pour obtenir des CUC. Il faut signaler que la population cubaine est très éduquée, une des réussites de la révolution.

Cette contradiction, observée aussi dans les pays développés où une grande partie de nos diplômés n’a pas accès au marché du travail ou obligés à réaliser un travail moins qualifié, représente un fardeau pour Cuba et crée des précédents contraires aux principes du socialisme, obligeant à une nécessaire correction future des autorités cubaines.  

Car nous avons appris par notre expérience dans les pays capitalistes, que les individus entreprenant une activité marchande ou intégrant le marché du travail, pressionnés par la force et la logique de fonctionnement du système, sont poussés d’une ou d’une autre manière à tricher dans leur activité, dans le but d’obtenir plus de bénéfices ou avantages. Obnubilés par la recherche du profit ou l’appât du gain, ils oublient l’intérêt général, guidés par le seul intérêt individuel. La société devienne de plus en plus individualiste et les objectifs globaux de la société, plus limités ou franchement oubliés.

Tel est le principal danger qui guette la révolution cubaine : que l’individualisme, en créant les bases d’une désagrégation sociale, l’emporte sur les objectifs du socialisme.

L’individualisme lié à l’activité économique privée, créé des mauvaises habitudes dans la société cubaine. Par exemple quand on veut acheter des produits très demandés ou échanger des devises par des CUC, on doit nécessairement faire la queue. Le problème est qu’une personne bien placée, peut obtenir une rétribution monétaire s’il achète des biens au nom d’une ou des autres autre personnes, institutionnalisant de ce fait une sorte de tromperie contraire à l’intérêt général.

Personnellement j’ai été témoin quand je faisais la queue pour échanger des euros, qu’une autre personne ayant arrivée après moi, a été servi avant, parce qu’il connaissait la personne chargée de la sécurité et malgré mes fortes protestations.

L’autorisation pour faire travailler des vieilles voitures personnelles comme taxi, est aussi une source d’attitudes individualistes. Les chauffeurs de taxi demandent souvent aux touristes, des prix largement au-dessus des prix couramment acceptés par de la population cubaine. Et cela exaspère les touristes.

Nous avons été abordés par des cubains, nous proposant l’achat des cigares ou du rhum preuve de la présence d’un trafic parallèle qui nuit à l’économie, seulement par le désir d’obtenir des CUC.. 

Toute personne travaillant dans le secteur privé de l’économie cubaine, les « paladares », les maisons d’hôte, les chauffeurs de taxi, les propriétaires de restaurants, est poussée par le caractère marchand de son activité, à privilégier son intérêt individuel, provoquant des contradictions avec la société.

L’activité économique privée devenant plus importante, il serait souhaitable de mieux intégrer ce secteur dans la planification socialiste de l’économie, en clarifiant son contour et en établissant une meilleure réglementation de ses activités.

Car à première vue il y a des disfonctionnements : des terres agricoles non travaillés ou mal travaillés, un secteur touristique privé développé de manière un peu anarchique ou mal coordonné avec le secteur touristique d’état, la rareté des matériaux de construction mis à la disposition des citoyens, l’accès au crédit, etc.

Un récent Conseil des Ministres a examiné certains aspects de la Planification de l’Economie, dans le cadre de l’élaboration du Programme de développement économique 2016-2030. Les dysfonctionnements cités ci-dessus, ont été probablement abordés par le Conseil  autant que les propositions de perfectionnement des Ministères de Transport et du Tourisme, formulés dans le cadre du programme de restructuration des organismes d’administration central de l’Etat.

Concernant l’investissement étranger, les autorités ont  privilégié les investissements dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie, le nickel, le tabac, les boissons, le tourisme et même la biotechnologie.

Les principaux investisseurs étrangers à Cuba, généralement sous forme d’investissements conjoints avec des entreprises d’Etat cubaines, sont : l’Espagne, le Canada, le Venezuela, l’Italie et la France.

La Chine, avec un projet d’industrie pétrochimique de 6,5 milliards USD et une aide financière substantielle, devient un partenaire très important pour Cuba.

Cuba, est-il une dictature ?

Je ne le crois pas. Malgré l’opinion majoritaire de la presse française, de l’opinion publique en général, manipulée honteusement par la presse et certains partis de « gauche », pour ne pas citer les partis de droite qui sont à la botte de la pensée impérialiste des Etats Unis d’Amérique du Nord, je crois sincèrement que Cuba ne correspond pas aux critères avancés pour caractériser une dictature : en Cuba il n’y a pas de tyran, le pouvoir n’est pas concentré sur un seul individu, la société n’est pas gouverné par la crainte ni par les militaires.

Cuba est une société singulière, il n’a pas des élections Présidentielles, pas de presse privée, pas de publicité, mais les institutions fonctionnent d’une autre manière et avec la participation souveraine d’une grande partie du peuple.

La société cubaine est caractérisée par une valeur qui nous réjouit chaque fois que nous la visitons : le sentiment humain qui domine dans les relations entre les gens, un mélange entre joie de vivre, de musique, de danse, être heureux malgré le manque de beaucoup de choses matérielles, qui sont abondantes dans les pays comme le nôtre, mais qui cependant ne nous rendent pas pour autant aussi heureux.

On se sent bien à Cuba et tous ceux et celles qui connaissent une dictature comme moi, savent que l’on n’est pas bien ni heureux, quand on sent à fleur de peaux la crainte d’une persécution militaire. Nous avons séjourné dans l’ile complètement libres, sans barrages de militaires ni de policiers et nous sentant en parfaite sécurité.

Et quand nous avons marché le 1er mai à La Havane, avec ce peuple joyeux et libre qui inondait les rues conduisant à la Place de la Révolution, nous avons ressenti une profonde émotion, semblable à celle du 8 septembre 1973, quand une gigantesque manifestation inondait La Alameda à Santiago du Chili, pour soutenir le gouvernement de Salvador Allende.

Une grande partie du peuple de La Havane était dans la rue. La manifestation était gigantesque, très tôt le matin de 7h à 10h, à cause de grande chaleur qui s’abat sur l’ile après cette heure.

Nous avons marché avec le peuple cubain, remplis de cette émotion, se sentir membres d’un groupe, d’être des latino-américains, et de défendre les idéaux de cette Journée internationale du travail. Mon être était inondé par la joie de ces familles défilant  avec leurs enfants, dans le brouhaha des tambours et des slogans lancés au vent pour défendre la Révolution et les travailleurs du monde.

La présence de Fidel Castro, était partout, dans les pancartes et les slogans de la foule, nonobstant son absence physique, minorée par son âge avancée et sa santé aujourd’hui fragile. Fidel est un homme aimé par son peuple et aussi par les peuples d’Amérique Latine et d’ailleurs. Un grand bonhomme, qui a accompli un rôle précurseur dans la défense des valeurs historiques des peuples d’Amérique Latine et leur lutte pour une Patrie souveraine et libre de l’ingérence étrangère.

Aujourd’hui  attaqué par certains thuriféraires des Etats Unis, je ne peux que hausser ma voix pour dire avec la certitude d’un homme libre, qu’ils ne réussiront pas à ébranler notre respect pour tous ces hommes comme Fidel et Salvador Allende, ont marqué l’histoire de notre Amérique Latine.

Est-ce que l’on peut imaginer que Cuba est une dictature, quand on voit tout un peuple marchant pour défendre les acquis de la révolution ?

Je ne le crois pas.

Je voudrais terminer cette tribune, en faisant un appel de solidarité pour 3 cubains  condamnés aux Etats Unis et maintenus en prison, pour avoir osé infiltrer des  terroristes cubains, qui en territoire nord-américain, organisaient des attentats contre Cuba.

Je fais appel à la solidarité internationale.

Jean-Paul (Pablo) VASQUEZ.

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