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Le 15 avril dernier, le New York Times a publié un article intitulé "L’Arabie saoudite brandit des menaces de représailles économiques si le Congrès adopte la loi 9/11".
Cette loi 9/11 est un texte permettant aux familles des victimes américaines du 11 septembre de poursuivre l’Arabie saoudite en tant que commanditaire de l’attentat du World Trade Center. L’administration Obama a fait un lobbying d’enfer auprès des sénateurs pour empêcher qu’elle passe. Elle en a tant fait que les familles de victimes se sont fâchées et l’ont accusée de prendre parti pour l'Arabie saoudite contre l’intérêt de ses propres citoyens.
La Commission d’enquête du 11 septembre n’a trouvé, selon ses propres termes, "aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution ou des fonctionnaires saoudiens supérieurs [senior officials] aient financé individuellement l'organisation". Certains sont un peu perplexes devant les termes employés. En tant qu’ "institution" peut-être, mais en tant qu’autre chose ? Les "senior officials" sont peut-être hors de cause, mais quid de certains autres "officials" qui seraient un peu moins moins "senior" ? Et pourquoi préciser "individuellement" ?
Leurs soupçons sont alimentés par les conclusions d'une enquête du Congrès de 2002 donnant la preuve que des responsables ["officials"] saoudiens vivant aux États-Unis à l'époque ont trempé dans la préparation de l’attaque. Ces conclusions, contenues dans un rapport de 28 pages, ne sont toujours pas rendues publiques.
Lorsque les familles de victimes ont voulu traîner l'Arabie saoudite devant les tribunaux en raison de son soutien au terrorisme international, ils se sont heurtés à une loi de 1976 garantissant aux nations étrangères une large immunité contre les poursuites devant les tribunaux américains. La fameuse loi 9/11 vise à précisément à lever cette immunité en cas d'attentats terroristes.
Si l’administration Obama est tellement opposée à cette loi 9/11, c’est d’une part parce qu’elle a peur que les autres pays fassent la même chose contre les États-Unis, et d’autre part parce qu’elle craint les mesures de rétorsion économique dont l'Arabie saoudite la menace. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a fait savoir aux législateurs téméraires que l'Arabie saoudite se verrait contrainte de vendre jusqu'à 750 milliards $ de bons du Trésor et d'autres actifs de peur que ces avoirs soient gelés par les tribunaux américains. Il existe également d’autres risques, comme celui de voir exposée publiquement l’identité de certains agents des services secrets.
Cette histoire se produit dans un contexte où les relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite se détériorent. L’exploitation des gaz de schiste rend les États-Unis beaucoup moins dépendants de l'Arabie saoudite qu’auparavant. Par ailleurs la Maison Blanche essaie de dégeler ses liens avec l'Iran qui est le pire ennemi des Saoudiens. Enfin la guerre du Yémen, soutenue par l’Amérique qui a vendu à l'Arabie saoudite des milliards de dollars d’armement, s’est soldée par un désastre humanitaire et une résurgence d'Al-Qaïda au Yémen.
Le 17 mai dernier, le New York Times a publié un autre article intitulé "Le Sénat adopte la loi exposant l'Arabie saoudite à des poursuites légales pour le 9/11".
Ce 17 mai, non seulement le Sénat vient d'adopter la loi 9/11, mais il l'a votée à l’unanimité. C’est donc un véritable bras de fer qui s'engage entre le Sénat et la Maison Blanche. On pourrait même dire que c’est une épreuve de force entre le Sénat et le président Obama qui avait menacé de lui opposer personnellement son veto.
En ce qui concerne les sanctions économiques dont l'Arabie saoudite menace les États-Unis, de nombreux économistes relativisent les choses. Selon eux, cette vente massive d’actifs américains serait difficile à exécuter et elle ferait plus de mal à l'économie de l'Arabie saoudite qu’à celle de l'Amérique. De plus, les saoudiens seraient tenus pour responsables de toutes les perturbations qu’elle provoquerait sur les marchés. Ils n’y croient donc pas beaucoup.
Chuck Schumer de New York, le sénateur démocrate à l’origine de ce projet de loi, a déclaré que ce texte aiderait les familles des victimes en quête de justice. Il a ajouté : "Si les Saoudiens n'ont pas participé à cet acte terroriste, ils ont rien à craindre d’un tribunal, mais s’il y ont participé, ils ont des responsabilités à assumer".
En ce qui concerne le fameux document secret de 28 pages, le New York Times rappelle l’existence d’une organisation qui milite pour sa publication, 28pages.org. Sous la pression de cette organisation, les Archives nationales américaines ont récemment publié un document du même genre qui recense un grand nombre de connexions entre les terroristes, des Saoudiens vivant aux États-Unis et, dans certains cas, les liens qui les unissent au gouvernement saoudien. Le New York Times donne accès à ce document.