Le 27 novembre, Le Monde a mis en ligne un article intitulé « Coronavirus au Sénégal : une immunité collective pourrait expliquer l’absence de deuxième vague », dans lequel il s’interroge longuement sur le fait que « le pays ne compte que 16 000 cas de contamination et 331 décès dus au Covid-19 ». Et Le Monde de s’éberluer : « Seule une poignée de malades sont en soins intensifs, selon le ministère de la santé. Si l’épidémie avait suivi les courbes de l’Europe, le Sénégal aurait compté environ 100 fois plus de morts ». Comme c’est curieux.
Dans un premier temps, Le Monde va chercher un premier toubib qui « avance qu’une « immunité croisée » a vu le jour au Sénégal » hypothétiquement due à des contacts éventuels avec des virus du même tonneau. Puis, se rendant compte que dans un monde de revendications identitaires virulentes il est pour le moins politiquement incorrect d’émettre une hypothèse sous-entendant que, peut-être, les Noirs ne seraient pas tout à fait comme nous, Le Monde se fend d’un puissant correctif anti-lynchage en citant un autre médecin : « Le fait de vivre en Afrique a joué un rôle bien plus prééminent que l’origine ethnique ou la génétique, dit-il. Il en veut pour preuve que les populations noires meurent de manière disproportionnée en Europe ou aux Etats-Unis, tandis que les Européens, Libanais ou Chinois vivant au Sénégal meurent beaucoup moins que dans leur pays d’origine ». Les voilà sauvés du déshonneur : si c’est purement géographique, qui aurait l’esprit assez mal tourné pour accuser Le Monde de racisme ?
Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que dans cette longue méditation sur la prétendue exception sénégalaise, Le Monde ne dit pas un mot du traitement préconisé et mis en œuvre par les autorités de santé. Et pour cause : elles ont préconisé depuis le début l’employer l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine à un stade précoce et elles s’y sont tenues tout au long de l’épidémie. Le Docteur Moussa Seydi, responsable de la prise en charge médicale des malades au Sénégal, explique dans un tweet daté du 6 juin : « Tous les patients qui ont pris ce traitement au stade précoce sont tous guéris et aucun n’est décédé ». On ne saurait être plus clair.
Pas question pour autant que Le Monde écrive un seul mot en faveur de ce pseudo-traitement promu pour des raisons d’ego personnel par un charlatan conspirationniste de Marseille qui a la langue trop bien pendue et les cheveux beaucoup trop longs. Les Décodeurs du Monde, ces infaillibles fonctionnaires du Ministère de la Vérité, ayant réglé le sort de cette rumeur complotiste aux accents nauséabonds dans une série d’oukases retentissants et définitifs, on n’aura même pas droit à la simple évocation fugace de l’hypothèse selon laquelle peut-être qu’il pourrait éventuellement y avoir, et je dis bien peut-être, une sorte de lien ténu entre les bons résultats obtenus et les médicaments administrés.