Ce théâtre, j’y suis intimement attaché : c’est en ces murs que, lycéen, j’ai découvert le théâtre avec la pièce « Dans la solitude des champs de coton » de Bernard-Marie Koltès mis en scène par Patrice Chéreau. Cette rencontre avec la Manufacture des œillets a été fondatrice et à scellé ma vocation.
Après avoir longtemps dirigé la compagnie Extime en tant que metteur en scène, je suis directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry depuis janvier 2019, où je présente cette année la première saison que j’ai conçue.
Depuis juin 2019, mon nom est associé publiquement, d’abord dans un blog, puis sur les réseaux sociaux et enfin dans la presse, à des accusations très graves, de viol, qui visent à me condamner pour l’exemple et à me destituer de mon poste de directeur.
Je souhaite aujourd’hui faire enfin entendre ma voix face au tombereau d’accusations et d’injures dont je suis l’objet. Jusqu’à ce jour, ma parole n’a pas été rendue publique malgré mes nombreuses demandes.
En juin 2018, j’ai été nommé à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry. Quelques semaines après, en septembre de la même année, l’ancienne administratrice de production de ma compagnie, avec laquelle j’ai travaillé, sans discontinuer de 2010 à 2018, a déposé contre moi, une plainte pour viol. Elle dénonçait pour la première fois à la Police une relation sexuelle que nous avions eue, sept ans auparavant en 2011. Une enquête a été menée. J’ai été longuement interrogé en garde à vue. Une confrontation entre elle et moi a été organisée. Lors de cette confrontation et devant les policiers, il est apparu que je n’avais jamais forcé cette relation. Au terme de cette procédure poussée et aux regards des témoignages apportés, outre une expertise psychiatrique de ma personne, cette plainte a été classée sans suite. L’ancienne administratrice de production de ma compagnie n’a utilisé aucun des deux recours auxquels elle avait droit. Le processus judiciaire est donc allé à son terme et je ne fais plus l’objet aujourd’hui d’aucune poursuite judiciaire d’aucune sorte.
Voici les faits. Un soir de 2011, après un spectacle où nous étions allés ensemble, je l’ai raccompagnée chez elle en scooter à son domicile où elle m’avait invité à venir boire un verre du vin que nous avons acheté ensemble sur le chemin. Dans le salon de son appartement, nous avons eu une conversation autour de nos vies intimes. Puis nous avons eu une relation sexuelle dans sa chambre. Nous sommes ensuite retournés dans le salon, ou nous avons continué à échanger avant de se quitter au petit matin.
Je n’ai ce soir-là exercé aucune forme de violence ni de pression. Cette relation je l’ai vécue comme totalement consentie. Rien, ni ce soir-là ni par la suite, ne m’a permis d’imaginer un instant qu’il put en être autrement. Ce n’est que sept ans plus tard que j’ai appris qu’elle considérait ne pas avoir désiré cette relation.
Au moment des faits, j’avais 33 ans et j’étais un metteur en scène totalement inconnu, à peine sorti de l’école. Elle avait elle-même 26 ans et travaillait dans un bureau de production comme administratrice. Nous étions deux jeunes gens à nos débuts professionnels. Il n’y avait aucune relation hiérarchique entre nous, je n’étais pas son supérieur, n’avais aucun ascendant sur elle, ni par ma position, ni par ma notoriété et, pendant 10 ans, nous avons grandi ensemble professionnellement.
Elle a travaillé au montage de toutes les productions de mes spectacles. Elle m’a accompagné dans le choix et la pensée de chacun de mes projets, juste qu’à candidater à mes côtés à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry avant de se raviser. Elle était entre temps devenue la directrice du bureau de production qui s’occupait de ma compagnie.
Je l’ai, tout au long de notre collaboration, toujours considérée et appréciée car nous étions dans un dialogue constant auquel elle prenait part avec détermination. L’annonce du dépôt de sa plainte m’a stupéfait d’autant que nous avions continué à travailler en parfaite harmonie.
J’ai un très grand respect pour la libération de la parole des femmes et pour leur combat. C’est une cause essentielle. Mais elle est ici dévoyée et se transforme en un lynchage public fait de rumeurs et de délation. Je ne peux pas me résoudre à devenir, au mépris des faits et au mépris d’une décision de justice un dégât collatéral. C’est pourquoi je tiens à redonner les éléments de compréhension de la réalité.
Tout a commencé par des rumeurs. Suite à la plainte de mon ancienne collaboratrice, il se dit ici et là qu’il y aurait d’autres « témoignages d’agressions. » On laisse à penser qu’il y en aurait beaucoup. Au début, je n’ose pas relever tant cela me paraît invraisemblable, mais la rumeur se propage, s’amplifie. Dans un théâtre, on affirme publiquement vouloir « la tête de Baro » Dans un autre, des femmes sont approchées et on les garde de se retrouver seules avec moi. Quelques temps plus tard, on voit surgir un texte abject du critique de théâtre Jean-Pierre Thibaudat sur un blog hébergé par Mediapart me présentant en des termes immondes et de nature à susciter la haine. C’est sur ce texte, à renfort de fiction et au mépris de toute déontologie journalistique, que se basent tous les articles qui ont suivi alimentés par ceux et celles qui veulent ma tête. Ce « portrait » n’est pas le mien et cela est attesté par une tribune signée par 56 femmes et hommes de théâtre qui témoignent de mon professionnalisme, s’insurgent contre les attaques dont j’ai fait l’objet.
Je suis au clair avec ma conscience. Je ne renonce à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry que pour préserver cette magnifique institution mais je ne laisserai ni salir mon honneur ni fouler au pied ma présomption d’innocence que je défends par l’action judiciaire que j’ai, pour ce motif, engagée à l’encontre de Jean-Pierre Thibaudat. Je sais bien que, selon l’adage qu’il n’y a pas de fumée sans feu, je suis déjà condamné à l’avance par une grande majorité de personnes qui désirent me croire coupable. Je mesure bien la délicatesse de ma situation. Devenir le bouc émissaire d’une noble cause est un honneur bien paradoxal. Je ne sais pas si je parviendrai à surmonter le sentiment de dégoût, de colère, d’injustice qui me ronge. Je m’apprête à vivre des heures sombres, mais le plus grave, je le mesure, n’est pas là. Le plus grave nous concerne tous, car de cette histoire on peut tirer le constat suivant : on peut aujourd’hui mettre socialement et professionnellement à mort quelqu’un sur la simple base de rumeurs dans la presse et les réseaux sociaux, en dépit d’une décision de justice, et sans aucun recours légal possible. En cédant à cette pression qui m’a amenée à quitter mes fonctions, on a donné sa légitimité à une stratégie de la terreur, du bouc émissaire et des lynchages publics.