Muriel Penicaud, Ministre du travail d’Emmanuel Macron s’est hier félicitée de la révision de la directive sur les travailleurs détachés la qualifiant de « grand pas vers l’Europe sociale ». Pourtant, il s’agit d’une décision qui ne règlera qu’à la marge la problématique du dumping social en Europe. Une fois de plus, le gouvernement fait passer une réforme cosmétique pour un bouleversement majeur.
Ainsi, cette révision de la directive revendiquée par le gouvernement n’est en réalité qu’une orientation générale du Conseil de l’Europe[1] faisant suite à une proposition de la Commission européenne formulée en mars 2016[2]. La seule modification portée par le gouvernement aura été de ramener la limitation du temps de détachement de 24 à 12 mois (plus 6 mois avec dérogation). Il ne s’agit donc en aucun cas d’une initiative française mais plutôt d’un mouvement entamé par la Commission depuis plus d’un an que tente désormais de s’approprier le Président.
De plus, cette orientation générale ne possède aucune valeur réglementaire. La proposition doit désormais être présentée au Parlement européen qui peut encore la modifier. Cette victoire revendiquée par le gouvernement n’en est donc pas une. La ministre du travail se félicite d’avoir négociée un texte non contraignant et présente le résultat comme définitif alors que celui-ci devrait encore évoluer.
Sur le fond, la modification de la directive sur les travailleurs détachés n’aurait que peu d’impact réel puisqu’elle autoriserait les détachements pour un an, voir un an et demi, alors qu’ils ne dépassent généralement pas les 33 jours en France[3]. Le texte est donc vide de tout effet tangible et notamment à court terme puisque le délai de transposition est de quatre ans. On peine alors à comprendre l’autosatisfaction de tous les instants étalée dans les médias par les membres du gouvernement pour un texte qui n’est pas de leur fait, qui n’a pas été voté, qui ne changera rien au problème et qui prendra effet dans quatre ans.
Enfin, la négociation aura aboutie à la sortie du transport routier du champ d’application de la directive. Alors que le secteur pose de réels problèmes en termes de conditions de travail et d’égalité salariale, les pays de l’Est, principaux pourvoyeurs de travailleurs détachés, sont parvenus à l’exclure de l’accord. Dès lors, la Ministre se félicitant de l’absence de « fracture Est/Ouest »[4] relève de la posture. La problématique des travailleurs détachés illégaux n’aura également pas été abordée. Si leur nombre exact n’est pas connu, ils pourraient représenter la même proportion que les travailleurs détachés légaux. Ce sont ces travailleurs qui sont majoritairement victimes des abus et qui faussent la concurrence. Pourtant rien n’est prévu dans cette modification pour s’attaquer de front à un phénomène dont les entreprises s’accommodent souvent.
Emmanuel Macron tente donc avec cette modification de la directive sur les travailleurs détachés de remonter dans les sondages d’opinion en créant l’illusion d’une « Europe sociale ». Malheureusement, revendiquer une victoire ne suffit pas à la remporter et ce drapeau qu’on agite pour endormir notre vigilance ne saurait masquer les limites d’une Europe qui favorise le dumping social aux détriments des travailleurs et d’un gouvernement qui tente de se racheter une conscience sociale aux yeux des français.
[1] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-4068_fr.htm
[2] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-466_fr.htm
[3] http://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20171012STO85930/travailleurs-detaches-les-chiffres-et-la-reforme-infographie
[4] http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20171024.OBS6410/accord-sur-le-travail-detache-dans-l-ue-macron-salue-une-victoire.html