La culture française.
Jean de La Fontaine et ses fables.
Jean de La Fontaine naquit le 8 juillet 1621, voici 400 ans. Fidèle en amitié, il ne renia pas Fouquet, tombé en disgrâce et ne reçut donc aucune pension royale pour son œuvre.
S’inspirant des fables d’Esope ou de Phèdre, des écrivains de l’Antiquité, La Fontaine écrira environ 250 fables, dont certaines d’un niveau élevé et d’un contenu critique de certaines idées de son temps. Ce sera cela, la culture française : adapter ou inventer des fables ayant une morale simple pour en faire une tribune philosophique ou scientifique.
Pour le savant Descartes, l’animal n’a ni âme, ni raison, pas de pensée ni de sentiments. Il réagit par automatisme, comme une mécanique ou une machine. Ces philosophes cartésiens estiment que l’être humain possède la pensée, le langage et qu’il a une âme et un raisonnement. Comme, selon eux, les animaux n’ont pas de conscience, ils ne souffrent pas et on peut en faire ce que l’on veut. Si les animaux avaient une âme, cela remettrait en cause Dieu et la religion car il a créé l’homme à son image. C’est la parole qui détermine la conscience. Descartes réfute le fait que les animaux puissent réaliser des actions réfléchies et qu’ils ressembleraient par-là aux êtres humains.
La Fontaine partage les idées d’Aristote, des Epicuriens et des Stoïciens qui pensaient que les animaux étaient dotés d’intelligence et pouvaient souffrir eux aussi. Il est persuadé que ce ne sont pas des machines insensibles et le dira. Ses fables, dans lesquelles les animaux parlent et ont une conscience s’opposent donc à la philosophie cartésienne.
L’écrivain publie des fables entre 1668 et 1694. Découvrons celle-ci, assez peu connue :
Les deux Rats, le Renard et l’œuf.
Laissons le monde et sa croyance,
La bagatelle, la science,
Les chimères, le rien, tout est bon : je soutiens
Qu’il faut de tout aux entretiens :
C’est un parterre où Flore épand ses biens ;
Sur différentes fleurs l’abeille s’y repose,
Et fait du miel de toute chose.
Ce fondement posé, ne trouvez pas mauvais
Qu’en ces fables aussi, j’entremêle des traits
De certaine philosophie,
Subtile, engageante et hardie,
On l’appelle nouvelle : en avez-vous ou non
Ouï parler ? Ils disent donc
Que la bête est une machine ;
Qu’en elle tout se fait sans choix et par ressorts :
Nul sentiment, point d’âme, en elle tout est corps.
Telle est la montre qui chemine,
A pas toujours égaux, aveugle et sans dessein.
Ouvrez-là, lisez dans son sein :
Mainte roue y tient lieu de tout l’esprit du monde ;
La première y meut la seconde ;
Une troisième suit : elle sonne à la fin.
Au dire de ces gens, la bête est toute telle.
L’impression se fait : mais comment se fait-elle ?
Selon eux par nécessité,
Sans passion, sans volonté.
Mais ce n’est point cela : ne vous y trompez pas.
Qu’est-ce donc ? Un monstre. Et nous ? C’est autre chose.
Voici la façon que Descartes l’expose…
Que quand la bête penserait,
La bête ne réfléchirait
Sur l’objet ni sur sa pensée.
Descartes va plus loin et soutient nettement
Qu’elle ne pense nullement…
Jean de La Fontaine.
Ces idées, reprises au Siècle des Lumières, prouvent que l’animal peut réfléchir et souffrir, mettre au point des techniques pour se faciliter la vie ou défendre les siens. De nombreuses personnes défendent la condition animale dont la vie et surtout la mort, ne sont guère à la hauteur d’une civilisation avancée.
Jean-Pierre Boudet www.histopresse.com
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