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Théophile Gautier journaliste et écrivain
Salammbô de Gustave Flaubert
Théophile Gautier, né à Tarbes, décéda à l’âge de 61 ans, le 23 octobre 1872, miné par la défaite de 1870. Cet auteur et journaliste, rédigea plus de 1000 articles de presse, ainsi que de nombreux romans et nouvelles. Entré au Moniteur Universel en 1855, il écrit l’éloge de Flaubert et de son roman Salammbô, dans le journal du 22 décembre 1862, récit qui a pour cadre les guerres entre Carthage et les Barbares employés lors des dernières guerres du IIIe siècle* :
« Depuis longtemps, on attendait avec une impatience bien légitime Salammbô, le nouveau roman de M. Gustave Flaubert ; mais l’auteur n’est pas de ceux qui se hâtent. Il n’abandonne une œuvre qu’au moment où il la croit parfaite, c’est-à-dire lorsque soins, veilles, corrections, remaniements, ne peuvent plus la perfectionner.
C’est une hardiesse périlleuse, après une œuvre réussie, de dérouter si complètement le public par son roman punique comme l’a fait M. Flaubert. Au lecteur qui voudrait peut-être du même, il verse dans une coupe de couleur locale un vin capiteux, puisé dans une autre amphore, à une époque où le sens du passé semble être perdu et où l’homme ne reconnaît l’homme que lorsqu’il est habillé à la dernière mode. Sans doute l’étude des réalités actuelles a son mérite, et l’auteur le Madame Bovary a montré qu’il savait aussi bien que pas un, dégager du milieu contemporain des figures douées d’une vie intérieure. Mais n’est-ce pas un beau rêve et bien fait pour tenter un artiste que celui de s’isoler de son temps et de reconstruire, à travers les siècles, une civilisation évanouie, un monde disparu ?... » A suivre.
*Les guerres entre Romains et Carthaginois furent appelées guerres puniques.
Quel plaisir, moitié avec la science, moitié avec l’intuition, de relever ces ruines enterrées sous les écrasements des catastrophes, de les colorer, de les peupler, d’y faire jouer le soleil et la vie, et de se donner ce spectacle magnifique d’une résurrection complète !
D’ailleurs, en écrivant Salammbô, M. Gustave Flaubert, loin de sortir de sa nature, y est plutôt rentré. Madame Bovary ne fut, en quelque sorte, qu’un exercice laborieux que l’auteur s’était imposé pour mater son lyrisme, de même qu’on fatigue par des courses dans les terres labourées, les chevaux trop fougueux.
On ne saurait exiger de Salammbô, roman carthaginois, la peinture des passions modernes et la minutieuse étude de nos petits travers en habit noir et en paletot sac. Et cependant, la première impression que semble produire le livre de M. Gustave Flaubert sur la généralité des lecteurs, et même des critiques, est une surprise désappointée. Ils sont tentés de s’écrier : « Peut-on être Carthaginois ! »
On le peut, l’auteur de Salammbô le prouve, mais ce n’est pas aisé. Après bien des renaissances et des rechutes, Carthage a disparu, ne laissant que des ruines… » Théophile Gautier. JP Boudet https://www.histopresse.com