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La photographie
C’est au cours du mois de mai 1840 que notre Tarbais, au cours de son premier voyage en Espagne, va approfondir sa connaissance de la photographie. Fin 1839, le premier daguerréotype est mis en vente. Il deviendra assez rapidement l’allié du voyageur.
Eugène Piot, le compagnon de voyage de Théo en achète un. Gautier souligne la bizarrerie de cet appareil que les douaniers espagnols prennent pour une machine électrique et qui provoquera des attroupements à Burgos. Le gouverneur de la ville les promènera « comme des ours blancs en tête de toute la population qui suit l’appareil comme la septième merveille du monde ».
Les performances du daguerréotype restent assez limitées. Il est peu maniable, son bon fonctionnement dépend du temps car un très long moment de pause est nécessaire. Il peut, dans le meilleur des cas, rendre les variations de la lumière. Gautier déclare : « Vingt minutes de soleil à travers les ondées de pluie de Burgos nous avaient permis de reproduire les deux flèches de la cathédrale avec un morceau du portail. Cependant, à peine quittée la ville, un accident de voiture envoie dans un champ la boîte diabolique. »
Ayant abandonné le journal La Presse au profit du Moniteur Universel, en 1855, Théophile Gautier devient directeur de la revue L’Artiste. C’est dans cette publication que le Tarbais nous livre ses impressions sur l’exposition photographique de mars 1857 qui se tient à Paris :
« Les découvertes qu’on eût traitées de rêves et de chimères, si l’on était venu les proposer brusquement avant l’expérience, semblent bientôt toutes naturelles, et l’esprit humain s’y fait tout de suite avec une facilité singulière…
La première moitié de ce siècle, qu’on affecte de dédaigner et qui, dans les arts et dans les sciences comptera pour l’humanité, a réalisé d’étonnantes merveilles : la vapeur sur terre et sur mer, le gaz, la télégraphie et l’éclairage électrique, la galvanoplastie, le daguerréotype…
La photographie, accueillie d’abord avec enthousiasme, a soulevé, comme toute invention, une multitude de critiques…
La photographie, accueillie d’abord avec enthousiasme a soulevé, comme toute invention, une multitude de critiques. Des esprits, bien intentionnés sans doute, ont voulu voir dans cette admirable découverte un péril pour l’art : ils ont craint que la main humaine devint malhabile, sachant qu’une machine était là qui travaillerait pour elle.
Cette crainte n’a rien de fondé et nous le démontreront tout à l’heure. La photographie d’ailleurs, n’est pas, comme on le croit communément, une simple opération chimique. Tout ce qui touche l’homme reçoit son empreinte ; l’âme y est visible par quelques rayons : dans une exposition composée d’épreuves héliographiques venant de divers pays, les nationalités se reconnaissent aisément ; la photographie anglaise, par exemple, ressemble aux tableaux et aux gravures d’origine britannique ; la nature y prend quelque chose de propre, de net, de lustré, de soyeux, d’élégant et de fashionable qui saisit les yeux les moins attentifs.
Vous voyez des animaux, vous les croyez faits d’après Landseer ; les paysages rappellent Constable, Turner…Vous direz sans doute que ce caractère tient au pays, à la nature des objets présentés, et qu’il n’y a rien d’étonnant après tout à ce que la reproduction d’un site ou d’un individu d’Angleterre ait le cachet anglais ; mais cette physionomie persiste, même lorsque l’épreuve est faite en Egypte ou en Grèce d’après des types tout différents. Les photographes d’Albion ont une manière de poser leurs modèles, de distribuer leurs lumières, de prendre leurs points de vue, qu’on ne saurait méconnaître…
Les Allemands, au contraire, font de la photographie intime et pleine de bonhomie, comme un roman d’Auguste Lafontaine ; ils ont une sentimentalité gauche, une naïveté souabe, un soin de ménagère et une propreté minutieuse ; ils mettent des figures inspirées dans des intérieurs pleins d’ustensiles domestiques… La couleur leur fait défaut, et leurs épreuves ont en général la pâleur douce des cartons au fusain…"
Pour plus de renseignements sur la photographie, rendez-vous sur http://theophile.gautier.monsite-orange.fr