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Billet de blog 30 avril 2025

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Mon 1er Mai 2019

En cette veille de 1er Mai, je vous partage un récit écrit au lendemain de la manifestation du 1er Mai 2019 qui avait été entachée par une répression policière violente. Celle de demain sera très revendicative, car la situation politique, démocratique et sociale n'a jamais été aussi dégradée, mais je souhaite qu'elle puisse conserver son aspect de fête et ne subisse pas la même répression brutale.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il est des 1er Mai pluvieux, d’autres radieux. Le cru 2019 devait être agréable et ensoleillé. Comme chaque année, j’ai prévu de manifester, avec mes amis et camarades de Génération•s. Nous nous installerons en un point fixe, sur le Boulevard du Montparnasse. Je n’aime pas les points fixes, je préfère défiler, mais c’est la règle, les syndicats organisateurs défilent, les partis politiques qui les soutiennent sont statiques, mais finissent en général par défiler en fin de cortège. L’avantage du point fixe est d’être vus de tous ceux qui défileront.

Je suis parti en avance, car la Préfecture de Police ayant ordonné la fermeture d’un grand nombre de stations de métro « par sécurité » (loin de moi la pensée que ce pourrait être pour dissuader le plus grand nombre possible de citoyennes et citoyens de participer à ce beau moment populaire...), je ne sais pas combien de temps il me faudra pour rejoindre notre point de rendez-vous. Dans le métro, beaucoup de voyageurs de tous âges se rendent à la manifestation et l’atmosphère est joyeuse. Le 1er Mai n’est pas une manifestation comme les autres, c’est un jour férié officiel, une fête à laquelle beaucoup viennent en famille. Mais ce n’est pas la fête de ceux « qui aiment et chérissent le travail », comme l’a déclaré ce matin dans son inimitable style le Roi de l’Élysée, abrité derrière les dorures de son palais bunkersisé. Non, la Fête du Travail est un hommage à tous les travailleurs et travailleuses, et plus particulièrement à celles et ceux qui sont épuisés, ont le corps cassé, ou souffrent d’être mal payés, mal considérés, assignés à des tâches abêtissantes, astreints à des horaires insupportables et sans cesse mis sous pression au nom d’une compétitivité déshumanisée et pour lesquelles la notion de travail n’a rien de l’émancipation ou de l’épanouissement, mais tout de la souffrance.

Je sors du métro en haut de la Rue de Rennes et commence à descendre vers Montparnasse, point de départ de la manifestation. Je croise, fonçant à vive allure, une escouade d’une trentaine de motards, descendants des « voltigeurs de Pasqua » de sinistre mémoire, démantelés après avoir battu à mort un jeune étudiant du nom de Malik Oussékine le 6 Décembre 1986, mais reconstitués par le pouvoir actuel sous le nom de BRAV-M. À Montparnasse, la manifestation n’a pas encore commencé et la place est noire de monde. Je commence à descendre le Boulevard du Montparnasse en me frayant un passage dans la foule afin de retrouver Génération•s. À un moment donné, une, deux et trois détonations violentes, suivies d’odeurs plus ou moins lointaines de gaz lacrymogènes. La progression sur le boulevard n’est plus possible, je dois contourner par les rues voisines. Après avoir emprunté plusieurs rues parallèles et tenté en vain de retourner sur le boulevard bloqué par des cordons de gendarmes, je finis par me retrouver dans la Rue de Chevreuse qui laisse libre l’accès au Boulevard du Montparnasse, juste en face du point fixe où nous serons nombreux tout au long de l’après-midi.

La manifestation s’est enfin mise en marche vers la Place d’Italie. Devant nous, défile longuement un cortège interminable et bon enfant, dont les premiers rangs sont sévèrement encadrés par deux colonnes de CRS. Beaucoup de Gilets Jaunes disséminés dans la manifestation. Des gens s’arrêtent et viennent voir notre petit stand, engagent la conversation, emportent des autocollants et notre programme pour les Élections Européennes. Nous sommes plutôt bien accueillis. Plus d’une heure trente plus tard, alors que la fin de la manifestation n’est toujours pas en vue, je commence à m’impatienter sérieusement et décide de poursuivre mon après-midi en rejoignant le cortège.

Je marche donc sur le Boulevard du Montparnasse, Boulevard de Port-Royal, Boulevard Saint-Marcel au milieu de la foule et l’atmosphère est toujours aussi détendue. Plus nous avançons, plus je remarque des dispositifs policiers du plus en plus importants dans les rues perpendiculaires. Passé un certain temps, j’aimerais couper sur ma droite pour rejoindre plus vite la Place d’Italie sans aller jusqu’au bout du Boulevard Saint-Marcel et revenir ensuite par le Boulevard de l’Hôpital. Je prends donc la Rue Jeanne d’Arc qui mène directement au Boulevard de l’Hôpital. Je ne suis pas seul à faire ce choix, nous sommes une centaine de personnes à remonter tranquillement la rue. Arrivé à l’angle du Boulevard de l’Hôpital, je ne comprends pas ce qu’il s’y passe. Pas de trace de la manifestation mais des gens qui courent en tous sens, des détonations, des nuages de gaz lacrymogène, un canon à eau en action. J’essaie d’avancer un peu sur le Boulevard mais c’est impossible. En face de moi, des CRS qui bloquent, qui commencent à charger, mais rien n’est clairement identifiable. Quelques grenades lacrymogènes sont envoyées, je rebrousse chemin et, avec une dizaine d’autres personnes, je me réfugie à l’entrée de la rue sur un minuscule espace vert, dans l’angle d’un immeuble. À peine quelques secondes de répit et une grenade lacrymogène atterrit à mes pieds. Tout le monde s’enfuit dans la rue, mais une pluie de lacrymogène s’abat sur nous, des détonations à répétitions, sans doute des grenades de désencerclement, pourvu qu’ils ne commencent pas à se défouler avec leurs LBD 40 !  J’avance d’une cinquantaine de mètres seulement mais l’atmosphère est devenue irrespirable. Ma gorge, mes yeux brûlent, mes jambes ne me portent plus, tout tourne autour de moi, je me sens vaciller, mais il ne faut pas que je tombe ici dans la rue. D’autres vacillent et tombent cependant, mais immédiatement secourus par d’autres manifestants. Plus loin sur la gauche, j’aperçois, en haut d’une dizaine de marches, la porte ouverte d’un immeuble. Je dois absolument arriver jusque-là pour m’y réfugier. Je ne vois presque plus rien tant la rue est maintenant noyée sous un épais nuage suffocant, mais je finis par arriver aux marches. Une femme est accrochée à la rampe et glisse lentement vers le sol, je lui demande « Ça va Madame ? » mais elle ne m’entend pas. Elle ne m’entend pas car ma gorge irritée et brûlante ne laisse quasiment pas passer ma voix. Je répète, mais même en criant, ma voix ne sort que comme atténuée par une sourdine. Je l’aide à monter les dernières marches. Dans le hall de la résidence, nous sommes une dizaine. Des habitants de l’immeuble sont descendus avec des bouteilles d’eau, du sérum physiologique, une dame nous en distribue toute une boîte. Un homme est même descendu avec un thermos de café, des gobelets et des biscuits. L’extrémité du hall d’entrée donne sur le petit parking de la résidence qui surplombe légèrement la Rue Duméril. Sur le parking, les gens sont assis à même le sol, attendant de reprendre leurs esprits, hagards, hébétés, tout le monde tousse, les yeux dégoulinants de larmes, certains vomissent, des street medics soignent un homme légèrement blessé à la tête. Nous sommes un petit groupe d’une trentaine de personnes de tous âges, mais pas d’enfants heureusement. Presque personne ne parle, seulement quelques phrases captées ici et là : « J’ai jamais vu ça ! », « On n’a rien fait, pourquoi ils font ça ? ». De l’autre côté de notre refuge précaire, par la porte vitrée de l’immeuble, je vois déferler une escouade de CRS charger des manifestants. Il m’est souvent arrivé de subir des gaz lacrymogènes dans des manifestations, mais leurs effets n’ont jamais été aussi violents, peut-être leur composition a-t-elle évolué vers un produit beaucoup plus puissant et irritant, voire toxique. Je reste là une dizaine de minutes, le temps de récupérer puis décide de me remettre en marche. La Rue Jeanne d’Arc est désormais trop risquée et il n’est pas pensable de remonter le Boulevard de l’Hôpital, je ne peux donc que retourner sur le Boulevard Saint-Marcel. J’enjambe la petite clôture qui nous sépare de la Rue Duméril en contrebas. Beaucoup de monde dans la rue pour rejoindre le boulevard, un cortège aux yeux rougis témoignant des multiples assauts des CRS. Une centaine de mètres plus loin, la rue se poursuit par un escalier très étroit menant vers la continuité de la rue une dizaine de mètres plus bas. Et cet escalier est un entonnoir dans lequel s’engouffre une foule fatiguée et résignée, trois personnes portant un homme en fauteuil roulant sont en train de descendre l’escalier, des parents tiennent leurs enfants à la main. Des images de fuite, de débâcle, d’exode...

Je me retrouve donc à nouveau sur le Boulevard Saint-Marcel. Mais celui-ci a changé de physionomie depuis tout à l’heure. L’atmosphère est plus pesante, on devine un peu plus loin des fumées de lacrymogène, on entend des détonations et la foule semble plus compacte et avancer plus lentement. Je reprends donc ma marche. Je repasse devant la Rue Jeanne d’Arc qui est maintenant fermée par un cordon de CRS, il n’y a plus qu’un seul chemin possible :  continuer jusqu’au bout du boulevard, après, c’est l’incertitude. J’avance de plus en plus lentement car la foule s’épaissit et de plus en plus de personnes reviennent en sens inverse. Il y a une atmosphère étrange, lourde, comme à la fin d’une chaude journée d'été, lorsqu’un orage s’annonce, le ciel s’obscurcissant, les éclairs et les coups de tonnerre se rapprochant. Mais ici, le ciel, ce sont les nuages lacrymogènes et les coups de tonnerre, les détonations. Étant donné la tournure des événements, je pense que je quitterai la manifestation qui risque de mal se terminer à la fin du boulevard, là où l’on rejoint le Boulevard de l’Hôpital, et reprendrai le métro Gare d’Austerlitz. Enfin arrivé au carrefour, il y a moins de monde que sur le boulevard, mais je vois qu’à gauche, l’accès au Boulevard de l’Hôpital, que je dois emprunter dans le sens inverse du parcours de la manifestation, est fermé par un cordon de gendarmes, alignés au coude à coude devant leurs véhicules, eux aussi serrés les uns contre les autres. Je remonte le long du cordon de gendarmes, pour voir si une sortie est possible. Je suis frappé par l’extrême jeunesse de beaucoup d’entre eux, une vingtaine d’années, et par les regards vides, parfois angoissés, qu’on devine derrière les visières transparentes des casques. Au bout du cordon, le Chef. Je lui dis le plus poliment et le plus gentiment possible, peut-être même avec un sourire, que je souhaite quitter la manifestation pour aller prendre le métro.

- Non, ce n’est pas possible, personne ne passe.

- Je voudrais juste aller prendre le métro Gare d’Austerlitz, c’est à une centaine de mètres.

- Non, ce n’est pas possible.

- Comment je peux faire pour sortir de la manif ?

- Vous reprenez le Boulevard et vous pourrez sortir par la première à droite.

- Ah bon ?  Vous êtes sûr que je pourrai sortir par-là ?  Ce n’est pas fermé ?

- Oui oui, vous pourrez passer.

- D’accord, merci.

Je n’insiste pas, mais doute sérieusement de ce qu’il vient de me dire.

J’entre donc à nouveau sur le Boulevard Saint-Marcel, en sens inverse, cette fois-ci. Mais en l’espace d’une dizaine de minutes, la foule s’est encore considérablement densifiée. Remonter le boulevard est devenu quasiment impossible. Je pense parcourir une cinquantaine de mètres en vingt minutes. À voir les visages de tous ceux qui arrivent en sens inverse, il est clair qu’ils ont subi les multiples assauts d’une pluie de lacrymogènes. À ceux que j’entends dire qu’ils veulent sortir, je les informe qu’il y a peut-être une sortie environ trois cent mètres plus haut à droite, par la Rue de l’Essai qui serait ouverte.

- Non, c’est bloqué, ils bloquent toutes les rues !

Nous sommes donc maintenant pris au piège. Je renonce à remonter le boulevard et tente, je ne sais pourquoi, de me rapprocher d’une façade. Combien sommes-nous sur ces quelques centaines de mètres ?  Des milliers, serrés, écrasés les uns contre les autres. Aucun mouvement n’est possible, alors que les détonations et les gaz lacrymogènes se rapprochent de plus en plus sans que nous n’ayons la moindre possibilité d’y échapper. J’ai peur d’une panique générale qui entraînerait un mouvement de foule aux conséquences dangereuses. Il y a ici beaucoup de personnes âgées, sans doute des habitués de longue date des manifestations du 1er Mai, des enfants aussi. Du milieu du boulevard, une épaisse fumée noire s’élève, quelque chose brûle mais je ne vois pas ce que c’est. Certains ont encore la force de slogans. Une femme fait une crise de panique et hurle à pleins poumons, on essaie de la calmer en lui ménageant un petit mètre carré devant une façade contre laquelle elle pourra s’asseoir et respirer, on la rassure, on lui donne de l’eau. Une autre est en larmes au téléphone « Je ne peux pas bouger, on est coincés là, ils ont tout bloqué et ils n’arrêtent pas de tirer des lacrymogènes partout, je ne sais pas quoi faire ». Plusieurs personnes font des malaises debout, ne pouvant même pas glisser au sol, tant nous sommes serrés. Quelques-uns tentent un peu d’humour pour détendre, mais aucune blague ne passe. Et parmi ceux qui vont apparemment bien, beaucoup ont des regards effrayés. Et c’est sans doute là le but recherché, créer un sentiment d’angoisse, de peur, terroriser des milliers de manifestants pacifiques dans le but que, plus jamais, ils n’oseront manifester contre leurs maîtres. Puisqu’avancer est désormais impossible et inutile, je vais essayer de retourner à la fin du boulevard, près du cordon de gendarmes, avec l’espoir qu’ils ne chargent pas et ne nous noient pas sous les lacrymogènes et les grenades de désencerclement, peut-être leurs ordres auront évolué depuis tout à l’heure. La lente remontée est un parcours sinistre. Des gens allongés contre les murs, de la rue, on demande aux habitants aux fenêtres des immeubles d’ouvrir les portes pour se mettre à l’abri, d’ailleurs elles le sont pour la plupart. Depuis un premier étage, des habitants font descendre un panier de bouteilles d’eau au bout d’une corde. Et chaque entrée d'immeuble offre le même spectacle. Des gens assis ou allongés au sol, un vieil homme, le visage en sang soigné par des street medics, d’autres qui irriguent de nombreux yeux de sérum physiologique, des bouteilles d’eau qui circulent, d’autres blessés encore, des gens qui vomissent... Mais surtout, partout, la solidarité est là. On essaie d’aider, de secourir ceux qui sont en détresse. Enfin arrivé au cordon de gendarmes, je vois qu’une brèche a été ouverte et qu’ils laissent sortir quelques personnes au compte-goutte. Je me glisse dans la file. Ils me laissent passer...

À présent de l’autre côté des lignes, je vois que des CRS sont également présents ainsi que des voltigeurs. Je me demande ce qu’ils préparent. Une colonne de plusieurs ambulances des Pompiers de Paris arrive pour aller récupérer des blessés de l’autre côté, mais les CRS et les gendarmes refusent de leur ouvrir le passage. Le chef de bord des pompiers essaie de négocier mais rien n’y fait. Aussitôt, une clameur immense s’élève pour huer les « forces de l’ordre » qui répliquent immédiatement par un tir massif de gaz lacrymogène et font mine de charger. Les pompiers font demi-tour et sur leur passage, ce ne sont pas des huées mais des applaudissements chaleureux qui les accompagnent. Les manifestants savent faire la différence entre les uniformes qui sauvent et ceux qui blessent, maltraitent, humilient. Dans leurs camions, les pompiers répondent par de discrets signes de remerciement. Arrivé Gare d’Austerlitz, le trafic est interrompu sur la ligne 5 du métro, je vais donc marcher jusqu’à Bastille. Quai d’Austerlitz, le trafic automobile est semblable à ce qu’il est toujours :  dense. Un peloton de voltigeurs vient se garer sur le trottoir. Quelques minutes plus tard, sans qu’il ne se soit passé quoi que ce soit de visible, ils envoient une salve de grenades lacrymogènes au milieu des voitures à l’arrêt au feu rouge !  Paniqués, les automobilistes démarrent au rouge, au milieu du nuage... et des piétons qui traversent en courant pour éviter les gaz. Je traverse la Seine par le Pont d’Austerlitz, en courant pour échapper aux gaz. J’arrive enfin à Bastille au milieu de sirènes incessantes, de mouvements incompréhensibles de CRS qui bloquent une rue, puis une autre, pour finalement revenir à la première.

Quelques heures plus tard, je passe une belle soirée chez des amis dont certains ont également été pris au piège cet après-midi. J’ai eu de la chance. Je n’ai pas été blessé, je n’ai pas eu de main ou de pied arraché, d’œil explosé, de crâne fracassé, de cage thoracique enfoncée, je n’ai pas été tabassé, arrêté ou placé en garde à vue, je ne suis pas mort d’une « crise cardiaque » derrière les murs opaques d’un commissariat. J’ai encore les yeux et la gorge légèrement irrités, mais tout va bien. Beaucoup de tristesse cependant. Le 1er Mai devait être une manifestation paisible, peut-être même une fête sous un beau soleil printanier, mais pour des milliers de femmes, d’hommes, d’enfants et de vieillards, il s’est transformé en cauchemar par la seule volonté d’un pouvoir autoritaire, d’une indignité et d’une indécence totales. Mais de cela, la presse, dans son ensemble, ne parlera pas, ou tellement peu. L’information de ce soir sera réservée à la pseudo « attaque » de l’Hôpital de la Pitié-Sapétrière et celle de demain aux mensonges grossiers de Castaner, fusible servile et exécuteur en chef des œuvres de basse police de la Macronie.

Que penser d’un Président et d’un Gouvernement agissant ainsi ?  Il faut s’abstenir de voir uniquement dans ces pièges, ces nasses oppressantes régulièrement mises en place par les forces de l’ordre une simple technique de maintien de l’ordre, mais comprendre qu’il s’agit de la traduction policière d’une gouvernance politique dont le seul but est de brutaliser, mater, humilier, terroriser un peuple en lui faisant subir des traitements dégradants afin d’imposer par la force une politique sociale d’une extrême violence, puisque ce petit peuple est incapable d’en comprendre le bien-fondé. Les grandes fortunes du pays ont fabriqué de toutes pièces un produit financier nommé Macron et ils ont massivement investi dans ce produit sans humanité ni conscience politique. Il paraît logique qu’ils veuillent maintenant se gaver des dividendes colossaux de leur retour sur investissement grâce à la réduction ou à la suppression de leurs impôts et taxes, à l’augmentation de ceux des autres, à l’appauvrissement des services publics et à la privatisation des plus rentables d’entre eux qui leur seront bradés à bas coût afin de leur permettre de se gaver encore un peu plus. Face à ce peuple stupide de fainéants assistés, arriérés, incultes, empêcheur de construire la grande start-up nation France 2.0 rêvée par ces pouvoirs politiques et financiers obsédés par leur puissance, le recours à la violence des forces de l’ordre semble désormais la seule méthode de gouvernance politique envisageable. Mais c’est dans cette fuite en avant irresponsable que pourrait peut-être apparaître la faiblesse du pouvoir.

Depuis des mois, les réseaux sociaux nous abreuvent quotidiennement d’images de violences policières scandaleuses causant un nombre jamais égalé de blessés, pour certains handicapés à vie, de gardes à vue, d’arrestations « préventives » en dehors de tout cadre légal, sans parler des contrôles abusifs et des humiliations systématiques. Pourtant, policiers et gendarmes ne sont ni d’abominables SS, ni des hordes barbares assoiffées de sang, mais des fonctionnaires, femmes et hommes auxquels leur hiérarchie a simplement dit « Allez-y, vous êtes couverts » et qu'on n’a eu de cesse de déshumaniser, de laver le cerveau en les convaincant que leur violence était légitime face à ces déferlements sauvages de manifestants forcément hostiles. Mais il existe aussi une conscience et une dignité individuelles et on peut se demander comment il leur est encore possible de se regarder dans un miroir après avoir commis ces exactions, même sur ordre. Combien de temps tiendront-ils encore ?  Dans son Article 28, la Loi du 13 Juillet 1983 dite Le Pors « Portant droits et obligations des fonctionnaires » il est précisé que « Tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions données par son supérieur hiérarchique sauf dans le cas où un ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Or, ces ordres de répression violente, pleinement assumée et même revendiquée par le Gouvernement et la hiérarchie policière, ne sont-ils pas manifestement illégaux ?  Si ce n’était pas le cas, alors nous aurions réellement basculé dans un état policier. Nous avons aujourd’hui affaire à une organisation systémique des violences policières. Quand policiers et gendarmes cesseront ils d’obéir aveuglément à des ordres contraires à leur déontologie, aux valeurs de la République et à l’idée que l’on se fait d’un État de Droit ?  Quand leurs syndicats corporatistes et dont la plupart sont très proches de l’extrême-droite cesseront-ils de défendre systématiquement l’indéfendable ?  Il serait temps pour ces femmes et ces hommes de reprendre possession de leur humanité, de leur dignité, qu’on leur a volées, de comprendre qu’ils ne sont que les pauvres marionnettes manipulées par un pouvoir autocratique qui ne les respecte pas mais fait appel à ce qu’il y a de plus sombre en l’Homme pour maltraiter ses semblables.

Plus nous avançons dans ce quinquennat sordide qui n’en est même pas à mi-parcours et plus nous voyons la Démocratie, ombre fragile et furtive, s’éloigner lentement, mais inexorablement.

 « Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. »           Maurice Grimaux, Préfet de Police de Paris en Mai 1968.

Les temps ont incontestablement changé. Quelle sera la prochaine étape ?

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