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Billet de blog 30 juin 2011

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pour saluer la nomination de madame Lagarde

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Lointaines séquelles du plan Marshall (1)

Dans le cas de l’entreprise France Télécom, laréussite technique commerciale, financière, et d’emploi a été le fait, audépart, d’une simple direction ministérielle. Elle ne disposait en propred’aucune autonomie juridique, d'aucune personnalité morale. Elle était pourtantdotée d’un outil de R&D puissant et autonome. Elle était gérée par desimples fonctionnaires dans un système de gestion contraignant fixé par la Loi.

Dans ce secteur, la supériorité du systèmeménageriel d’économie publique, même perfectible en certains domaines, a étéainsi établie dans les faits.

Il en a été de même dans bien d’autresdomaines économiques tels que l’énergie nucléaire civile avec EDF, la SNCF avecle TGV, Ariane Espace, Airbus et sa stratégie coopératrice, etc…) Dans cemodèle la poursuite, sur le long terme, de l’objet social de l’entreprise,intéressant l’ensemble de la collectivité (nationale, régionale, etc…)l’emportait sur la poursuite à court terme de l’intérêt exclusif d’actionnairesdéconnectés de l’objet social des entreprises et de l’intérêt du plus grandnombre.

Les décideurs politiques et économiques américainsne pouvaient pas ignorer les succès de l’économie mixte en Europe.

Onpeut comprendre qu’ils aient voulu de toutes leurs forces, dès la fin de laguerre du Viêt-Nam, neutraliser cet avantage organisationnel distinctif qui seconfirmait en Europe impliquant un système de décisions économiques mieuxcontrôlé d’un point de vue démocratique et, par là, plus efficace que le leur,vis-à-vis des besoins concrets des populations concernées.

Dès 1973 avec la créationde la Trilatérale ,les décideurs d’inspiration anglo-saxonne, au lieu deconsidérer le modèle européen, ont choisi d’exclure toute démarche dedémocratisation des décisions économiques.

Pour neutraliser la supériorité à terme del’économie mixte européenne, ils ont pu utiliser l’avantage de la complicité depensée et de la communauté d’intérêts des ultra-libéraux européens pourcontribuer depuis Bruxelles à généraliser l’application de programmes deprivatisation/dérégulation en, et hors d’Europe.

Ceci leur permettait d’utiliser leur force defrappe financière née des guerres européennes pour acquérir des positions clésde décision économique au sein même des entreprises européennes privatisées . idem dans le reste du monde. (C.F . rapport “ mondialisationet recomposition du capital des entreprises européennes ” du Commissariatau Plan du 2 mars 2004) ainsi 40% de la capitalisation boursière desentreprises français est aujourd'hui entre les mains de ressortissantsaméricains

Ils ont aussi subtilement utilisé l’avantagedistinctif , qu’ils croient décisif encore aujourd’hui, de leur leadershipmilitaire grandissant pour peser, à temps et à contretemps, sur les orientations économiques desresponsables politiques européens et dont ils usent et abusent un peu partouten toutes occasions depuis la chute du mur de Berlin. Une colonisation financièremondiale sur fond d’interventions armées. (voir encore Howard Zinn, unehistoire populaire des États Unis, éditions Agone)

Fausse réforme économique mais vraiecontre-réforme politique préventive et massive, ses effets dévastateurs sont,aujourd’hui, patents sur les équilibres culturels, sociaux, économiques,écologiques, à travers la planète entière.

Aujourd’hui le déclin accéléré des moyensd’intervention démocratique sur les grandes entreprises privatisées et lesfirmes transnationales largement défiscalisées débouche sur une concentrationirrésistible des pouvoirs de décision économique, au détriment des acteursprincipaux que sont les salariés et les consommateurs. Partout dans le monde. Des décisionséconomiques d’impact mondial sont prises par très peu d’hommes. Des décisionsde plus en plus lourdes de conséquences, de plus en plus unilatérales, de plusen plus déconnectées du terrain, irraisonnées, voire loufoques. (voir l’ouvragede J. Stiglitz : quand le capitalisme perd la tête)

. Cette concentration des pouvoirs économiques estassortie de pressions permanentes à la décentralisation, et même à la dilutiondes pouvoirs des Etats démocratiques –hormis les USA bien sûr-. La survie mêmede la démocratie se joue au travers de cet effet ciseau qui mettrait toute lasphère économique, fondamentale dans la vie des gens, durablement hors deportée de tout contrôle démocratique.

D’une certaine façon par bonheur( !) cettecentralisation hors démocratie débouche de plus en plus souvent sur des accidentséconomiques ou politico-économiques de plus en plus lourds au niveau desentreprises (d’Enron au Crédit Lyonnais de Vivendi à World Com, Rank Xerox, Alcatel ouAndersen, Parmalat, Adecco, Manesman) aussi bien qu’au niveau de pays entiers,(de la Russie à l’Argentine, et tant d’autres).

D’abord une résistance sociale quis’internationalise depuis Seattle. Ensuite la guerre en Irak qui, médiatisée, asoulevé une opposition populaire mondiale. Maintenant les suites en formed’impasse, les défections, les crimes de guerre. Se dévoile ainsi, tout à lafois, la stratégie économique de conquête violente menée par ce wasp ou ce yankou cet hyper capitalisme, et la faiblesse de cet impérialisme privé quis’appuie…sur l’Etat, fut-il le plus puissant du moment, et la prétendueexpertise économique de fonctionnaires internationaux, fussent-ils de gauche etlogés à Bruxelles.

Stratégiquement, on pourrait dire aujourd’hui quele wasp (ou ce yank, ou cet hyper) capitalisme présente son flanc.

Comme Von Klück et Von Bülow, voici moins d’unsiècle sur la Marne…

Les conditions paraissent techniquementréunies pour contre-attaquer en engageant une refondation économique durable,internationaliste et post-capitaliste. Une refondation, axée sur une démarcheécologique et libératrice plutôt que libéra(lisa)trice et financière.

Inspirée d’un droit coopératif, qui, lui seul, surterrain, a résisté à la logique ambiante depuis nettement plus longtemps que lecommunisme d'État,.

Les conditions sont-elles réunies sociologiquement ?Les gauches syndicales et politiques en Europe sont-elles prêtes à la concevoiret la réaliser ?

Disons qu’il est plus raisonnable de rêver enbleu et de parier sur l’improbable plutôt qu'accepter de finir gelés sur uneplanète blanche ou cuits sur une planète rouge.

Défoulons nous donc un peu :

En 1997 France Télécom , a fêté sa privatisation par unshow médiatique organisé à Wall Street avec Champagne et pom-pom girls.

650 ans plus tôt, certains Bourgeois de Calais s'étaientrendus à l’Anglois (2), la corde au cou pour la honte d’avoir conduit leurpopulation à la défaite… times, they are changing dirait le poète…

Et ce n'est pasparce qu'il y eut, dit-on, une bergère pour sauver l'affaire à elle touteseule, cinquante ans après la perte de Calais, qu'il y en auraitobligatoirement une autre aujourd'hui, même à moustache, pour sauver l'Europe :comme les fourmis de 18 mètres, les bergères à moustache, ça n'existe pas!

Et demandons donc pardon par avance au bon ni Dieu, ni MaîtreLéo Ferré de pasticher son psaume 151 pour nous payer un p’tit quatrain final :

Les soumissions civiles circulent enavion,

La Souveraineté s’est faitefinancière,

Et l’Honneur s’avilit aux coins desboutonnières,

Miserere Seigneur du fond de nosNations.

Notes

(1) Ce texte a fait l’objetd’une première publication dans recherche socialiste n° 27 de juin 2004

(2) pendant la guerre de 100ans les troupes anglaises étaientsurnommés les godons (God damn) par la population de Normandie. Bien plus queses élites, elle joua un rôle majeur dans la libération finale du pays en1453 ( notamment, bataille deFormigny Calvados 15 avril 1450)

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