J’analyse certains extraits d’une fiche pédagogique que j’ai reçue en provenance de la LICRA. (Le texte de la fiche figure en entier à la fin du billet).
Bien que j’ai quitté cette association il y a quelques mois, pour cause de désaccord profond à propos de Gaza, j’aimerais cependant que cela soit un faux tant c’est consternant. Evidemment on croirait pouvoir régler la chose en disant : la LICRA est un des porte-voix de l’ambassade israélienne version Netanyahou et Smotrich.
Mais le document que j’ai reçu est une des pièces significatives du négationnisme répandu par de nombreuses institutions. Si j’étais encore enseignant je serais assailli de honte et de colère à me voir ainsi sollicité pour distiller dans la jeunesse un tel négationnisme ! Et puis, quand on pense à la montée de la violence, une telle fiche ne serait-elle pas, en plus, propre à mettre en danger certains enseignants ? Et pas uniquement parce que les adolescents seraient portés à trop s’émouvoir de la mort d’enfants.
Voyons d’un plus près ce qu’elle dit. « L’actualité a mis en avant ce terme au regard de la guerre qui a lieu au Moyen-Orient entre Israël et le Hamas. Bien que le terme soit utilisé depuis longtemps déjà par certains, en particulier par des élèves, la réalité d’un génocide des Palestiniens fait actuellement l’objet d’un débat entre spécialistes du droit et historiens mais surtout d’une argumentation politique probablement antisémite ». Incroyable : le texte ne semble pas tout d’abord fermer totalement la porte à l’hypothèse du génocide. Il reconnaît qu’il y a un débat entre historiens et juristes. S’agissant d’une fiche pédagogique, qui pourrait être diversement documentée en fonction de l’âge des élèves, pourquoi ne pas faire droit à certains arguments du débat ? Pourquoi ne pas préciser qu’on delà des calomnies antisémites habituelles des historiens israéliens, parfois spécialisés dans l’histoire de la Shoah en sont venus à diagnostiquer qu’un génocide était en cours à Gaza ?
Le ratage pédagogique est total car c’était l’occasion de montrer que le « plus jamais ça » si fréquemment proclamé après la seconde guerre mondiale était plus que jamais d’actualité et devait avoir une valeur universelle. A le comprendre comme ne concernant que les seuls juifs c’était consentir d’avance à d’autres génocides.
Au lieu de faire œuvre d’une véritable pédagogie universalisante le texte instrumentalise la thématique de l’antisémitisme pour, quoique de manière insidieuse – « probablement » - mettre au compte de l’antisémitisme l’accusation de génocide. Il y a eu, et il y aura toujours, des antisémites pour dire des choses semblables. Mais cela ne signifie pas que, magiquement, un génocide soit inenvisageable à Gaza. « Les juifs sont des voleurs » est un immondice antisémite. Dire que les voleurs ne comptent parmi eux aucun juif est une pure sottise.
Nous voilà bien. L’accent est mis sur le fait que ce serait surtout des adolescents qui parlent de génocide. Et le débat sérieux est enterré parce que, « probablement », l’accusation de génocide est antisémite. Bravo pour le rédacteur ! Quelle habileté !
Le texte poursuit en toute rationalité (apparente) : « L’intentionnalité de destruction du peuple palestinien doit être démontrée ».
Nous croyons effectivement savoir que les génocidaires ne proclament pas sur tous les toits leurs intentions. Et pourtant, très tôt, Hitler et son premier cercle avaient annoncé la couleur. Pour prendre ainsi le risque d’être empêchés ? Certainement pas. Bien au contraire les primo-nazis savaient que leur haine antisémite allait avoir beaucoup d’échos et qu’ils seraient soutenus et aidés par beaucoup de gens dans l’exercice de leur « mission historique » !
Je laisse clairement entendre, et je l’assume, que les paroles appelant à la destruction des Palestiniens furent tenues, et sont toujours tenues, par des personnages qui comptent sur un mélange de mobilisation vengeresse et sécuritaire, d’indifférence mais aussi et surtout de haine islamophobe pour tâcher de parvenir à leur fin. Beaucoup de personnes, si je peux m’exprimer ainsi, y compris dans les extrêmes droites traditionnelles, jouent les juifs contre les arabes, les « judéo-chrétiens » contre les musulmans. Cette « disposition » les suprémacistes juifs l’ont très bien soupesée. Et savent parfaitement en jouer.
Mais voilà, grâce à la fiche « pédagogique » on apprend ceci : « or si la présence de certains ministres nationalistes au sein de l’actuel gouvernement israélien ainsi que la politique d’installation dans des territoires cisjordaniens mettent l’accent sur une situation condamnable, elles ne démontrent pas de volonté de destruction du groupe palestinien. Seuls les propos de certains ministres pourraient nourrir l’argumentaire de ceux qui dénoncent un génocide ».
Sur quelle planète vit le rédacteur ? Il est vrai que, compte tenu que l’Etat israélien interdit toute pratique journalistique autonome, on peut avoir envie de croire que rien d’une destruction massive systématique de la bande de Gaza n’a lieu ! Le rédacteur se livre à une opération habituelle chez les négationnistes : la disjonction : «Seuls les propos de certains ministres pourraient nourrir l’argumentaire de ceux qui dénoncent un génocide ». De graves propos sont tenus mais ils sont tenus « en l’air » et ne renvoient à rien de tangible. Villes bombardées ; enfants pulvérisés ou estropiés ; hôpitaux détruits ; famines organisées etc. Tout cela ne relèverait que de la juste mission, en traquant le Hamas, en quoi consiste de parvenir à la libération des otages. On ne voit pas que, en procédant de cette manière, c’est le meilleur moyen de sacrifier les otages ! De nombreux manifestants, en Israël, le savent et le font savoir.
Il y a donc les faits. On verra comment l’auteur les recouvre d’un voile négationniste. Mais le texte ne dit rien sur les liens contextuels qui existent entre les génocidaires proclamés, les actions de terrain et l’opinion publique.
Cette absence frappe de nullité, s’il fallait cet argument supplémentaire, la fiche pédagogique. Beaucoup, par exemple, clament dans les groupes d’extrême-droite mais aussi au-delà : « Ils doivent mourir ou partir ». Au mieux il ne s’agirait, mais cette restriction est en soi terrifiante, que d’un nettoyage ethnique. Et comme ce n’est pas demain que des pays d’accueil ouvriront largement leur bras aux Palestiniens ni, non plus, que les Palestiniens eux-mêmes accepteront d’abandonner leurs terres, le nombre des victimes risque de s’accroître considérablement.
La thèse est que des actions génocidaires sont en cours en tant qu’elles vivent à rendre Gaza impossible aux Palestiniens. Plus ils resteront plus ils mourront. Ces actions génocidaires constituent une sorte de « génocide de terreur » destiné à rendre inéluctable un « départ volontaire ». C’est donc un génocide en cours et qu’il est possible d’arrêter avant qu’il ne devienne un « objet » d’histoire muni de son étiquette du nombre monstrueux de morts. L’assassinat d’un très grand nombre d’enfants fonctionne effectivement comme un « génocide de terreur ». C’est intentionnellement effectué dans le but, on l’a vu, de répandre terreur et désespoir.
Nous nous retrouvons en plein cauchemar en relisant la dernière phrase du paragraphe : Seuls les propos de certains ministres pourraient nourrir l’argumentaire de ceux qui dénoncent un génocide. Bref les déclarations d’intention seraient sans effet. En condamnant Israël pour génocide on prendrait sottement la carte pour le territoire. Ces déclarations sont au contraire à prendre très au sérieux car elles permettent de mettre en perspective le chapelet des événements : d’une réaction légitime au 7 octobre à la mise en œuvre, par destruction des conditions de vie descentes, d’un plan de nettoyage ethnique – la fameuse Riviera de Trump reprise en chœur par de nombreux israéliens – ayant pour « aiguillon » la menace de passer sous les fourches caudines de la violence génocidaire.
L’ignominie du texte se poursuit : « Il est ici important de regarder les faits afin d’essayer d’apporter une réponse objective ». C’est précisément en tenant compte des faits que d’éminents historiens israéliens _ Omer Bartov et Amos Goldberg entre autres – ont pu affirmer qu’ils satisfaisaient aux conditions posée par la définition ratifiée le 30 octobre 2024 notamment au regard de la troisième entrée selon laquelle il y a génocide par « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».
Voici, effectivement, la manière dont Omer Bartov qualifie la situation :
Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer qu’un génocide se déroule à Gaza?
Il y a un lien évident entre les déclarations des dirigeants politiques et militaires israéliens après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et leurs actions à Gaza. Dès octobre 2023, ils parlaient d’éradiquer Gaza, de la raser, de la détruire. Depuis, l’armée israélienne a rendu Gaza invivable. Ils ont détruit tout ce qui fait des Palestiniens un peuple: hôpitaux, universités, écoles, mosquées, musées, tout ce qui pourrait aider à surmonter cette opération militaire. Et cela a été fait sciemment.
L’armée israélienne cherche maintenant à concentrer la population dans le sud-ouest de Gaza et à détruire le reste de l’entité. L’intention est claire: effacer les Palestiniens de Gaza. C’est confirmé par le fait que non seulement plus de 53.000 personnes ont déjà péri, principalement des civils et des enfants, mais aussi qu’il y a plus de 120.000 blessés et des milliers de personnes encore sous les décombres. À cela s’ajoutent des milliers de morts indirects dus à la destruction des hôpitaux. Les gens n’ont ni nourriture ni eau potable. Difficile de qualifier cela autrement que de génocide.
Pour le moins la fiche aurait pu souligner la diversité des modes opératoires génocidaires et, en toute objectivité, examiner les arguments d’historiens qui, experts en la matière, ont décidé de ne pas attendre le décompte final pour déclarer le génocide. Le déclarer quand il est en cours est en effet la seule manière de se donner quelques moyens pour l’arrêter ; pour ne pas le laisser advenir tel un « monstre nazi ». Il faut dire « génocide » pour qu’il n’y ait pas de génocide ! Des faits, articulés effectivement à des intentions – la famine ou la destruction des écoles et hôpitaux par exemple – justifient pleinement l’alerte.
Au lieu de cela que préconise le « prêt à ne pas penser » de la Licra ?
On atteint ici un sommet de perfidie : «Dans ce conflit, la destruction de nombreux sites habités par des populations civiles provoque chez les élèves des questionnements sur la caractérisation des faits. Émus par la mort des enfants, les adolescents ne comprennent pas que la qualification de « génocide » ne soit pas correcte. Face à eux, nous devons nous en tenir aux définitions, tout en comprenant leur émotion ». Chers ados vos émotions vous égarent. Vous ne comprenez pas que ces morts civiles sont les dégâts collatéraux d’une guerre menée contre un groupe terroriste qui a pour objectif la destruction d’Israël et des Israéliens. De même les déclarations génocidaires de certains politiques, même soutenues par une partie importante de la population, de même vous égarent. C’est une guerre, terrible, mais ce n’est pas un génocide. Israël, pour se défendre légitimement, est contraint de détruire le bouclier humain qui sert de protection au Hamas.
Mais, précisément, il faut renverser le schéma. Le Hamas qui, jadis, fut aidé par Netanyahou et le Likoud, fournit le prétexte idéal pour opérer un « nettoyage » permettant la construction, après annexion, du Grand Israël. En prenant appui sur la cruauté du Hamas pour déshumaniser les Palestiniens l’extrême-droite sioniste a trouvé l’argument décisif pour refuser l’idée d’un Etat Palestinien. C’était, bien avant la réponse au 7 octobre, désigner les Palestiniens comme « candidats » à l’extermination/expulsion. Le 7 octobre a ouvert une « fenêtre de tir » aux génocidaires et ils se sont engouffrés dans la brèche d’une opinion traumatisée et inquiète.
Les racines du génocide en cours sont anciennes et puisent dans le terreau d’un racisme et d’un suprémacisme anciens.
Il existerait ainsi un point commun entre le génocide nazi des juifs et le génocide en cours contre des sémites essentiellement musulmans : la guerre sert de brouillard pour perpétrer le « crime des crimes ». J’avais écrit pour ma part, dès le 8 octobre, que l’attentat du 7 octobre, avec toutes ses horreurs et sa charge de menace, était un « attentat de rêve » pour l’extrême-droite.
Au lieu donc, surtout dans les grandes classes, d’enseigner comment peut se produire un génocide – et comment on peut s’y prendre pour le stopper – la fiche s’en tient à quelques éléments de langage propres à conforter le « négationnisme au présent » nécessaire aux génocidaires.
Mais n’en déplaise au rédacteur : ce sont les définitions mêmes qui ont permis à Omer Bartov, Amos Goldberg et tant d’autres de déclarer le génocide. C’est moralement et politiquement qu’ils l’ont fait et pas seulement en vertu de leurs compétences d’historiens et de juristes.
Les précisions apportées sur la dangerosité du Hamas, si elles sont justes comme telles, rentrent dans le discours de la « guerre juste ». Cette « guerre juste » dont l’extrême-droite sioniste se sert pour réaliser le vieux rêve d’un Grand Israël purement juif et nettoyé des « mauvais sémites ».
Ce mot de conclusion : Israël n’est pas pour autant « nazi ». Le nazisme reposait sur la détestation destructrice de la civilisation « judéo-chrétienne ». L’Israël actuel est un élément d’avant-garde d’un suprémacisme judéo-chrétien et où le lourd passé antisémite et judéophobe du christianisme se transforme en antisémitisme islamophobe.
Je parle quant à moi d’un national-judéo-christianisme. Le génocide en cours à Gaza est sa plus horrible signature.
La fiche proposée, à cet égard, ne vise qu’à former une « jeunesse judéo-chrétienne ».
Elle demande aux enseignants de parler comme C News. Pauvres adolescents qui ont tort de s’émouvoir du fait que Tsahal, notamment avec des bombes chrétiennes, détruit des milliers d’enfant-boucliers.
Ma conclusion sera avec Politis :

Agrandissement : Illustration 1

Jean-Pierre Marchand
Supplément : le texte de la fiche en son entier >
GÉNOCIDE, CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, CRIME DE GUERRE
- GÉNOCIDE
1/Étymologie et signification :
Le mot est issu d’une part du grec genos, genre ou race et du latin cide, tuer. Ce mot a été créé en 1944 par Raphaël Lemkin, réfugié juif d’origine polonaise. Marqué antérieurement par les crimes perpétrés contre les Arméniens, il a voulu signifier l’horreur des crimes nazis. Ce terme sera utilisé au procès de Nuremberg et entrera dans le vocabulaire de l’ONU en 1948. Il est défini aujourd’hui par l’article 6 du statut de la cour pénale internationale.
Actuellement, trois génocides sont reconnus par l’ONU :
- 1915-16 : génocide des Arméniens commis par l’empire Ottoman
- 1941-45 : génocide des Juifs commis par les nazis
- 1994 : génocide des Tutsis commis par le pouvoir Hutu
Les violences contre les Héréros et les Namas par les Allemands, le massacre des Tziganes par les nazis et celui des Cambodgiens par les Khmers rouges font l’objet de discussions.
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, New York 9 décembre 1948
Cette convention déclare que le génocide constitue un crime commis contre le droit des gens. Il est condamné, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre. Les peines sont imprescriptibles.
Selon la convention, le génocide s’entend d’un certain nombre d’actes dans l’intention de détruire, intégralement ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux tels que :
- le meurtre de membres du groupe ;
- l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
- la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle ;
- l’application de mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
- le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Le 30 octobre 2024, 153 pays l’ont ratifiée ou y ont adhéré.
2/interprétations possibles :
La preuve de l’intentionnalité semble être la principale difficulté pour accuser de génocide un État.
- Le génocide des juifs: durant la Shoah, les textes écrits, les discours des nazis, l’existence des camps de concentration et d’extermination ont facilement permis la caractérisation de l’action génocidaire des nazis et de certains de leurs alliés.
- Le génocide des Tziganes: avant 1933, à une époque où l‘eugénisme se répandait dans certains pays, les Tziganes furent soumis à des protocoles de stérilisation, actes qui répondent à la définition du génocide car il s’agit bien d’un groupe dont on entrave les naissances. Durant la période nazie, le classement racial posa question car les tziganes sont originaires de pays d’où viendraient les aryens. Il fut donc décidé que le métissage avec des peuples racialement inférieurs autorisait l’extermination. Mais en 1942, Himmler décida l’extermination par le travail forcé de toute la population. L’Allemagne reconnut en1982 le génocide, en France il y eut un refoulement de ces actes, d’autant que les Roms furent classés comme déportés politiques. La non-reconnaissance de ce génocide provoque encore aujourd’hui un ressentiment.
- le génocide des Arméniens : reconnu par l’ONU mais non par la Turquie, ce qui provoque actuellement des situations et alliances géopolitiques critiquables
Comme cela a été dit précédemment, d’autres génocides font l’objet de débats au sein des institutions internationales et d’autres encore sont absents, alors qu’ils répondent à la définition :
- génocide des indiens d’Amérique ;
- génocide des Ouïghours en Chine par stérilisation des femmes ;
- génocide des Ukrainiens par enlèvement des enfants.
3/Les questions suscitées et notre réponse :
L’actualité a mis en avant ce terme au regard de la guerre qui a lieu au Moyen-Orient entre Israël et le Hamas.
Bien que le terme soit utilisé depuis longtemps déjà par certains, en particulier par des élèves, la réalité d’un génocide des Palestiniens fait actuellement l’objet d’un débat entre spécialistes du droit et historiens mais surtout d’une argumentation politique probablement antisémite.
L’intentionnalité de destruction du peuple palestinien doit être démontrée ; or si la présence de certains ministres nationalistes au sein de l’actuel gouvernement israélien ainsi que la politique d’installation dans des territoires cisjordaniens mettent l’accent sur une situation condamnable, elles ne démontrent pas de volonté de destruction du groupe palestinien. Seuls les propos de certains ministres pourraient nourrir l’argumentaire de ceux qui dénoncent un génocide.
Il est ici très important de regarder les faits afin d’essayer d’apporter une réponse objective. Dans ce conflit, la destruction de nombreux sites habités par des populations civiles provoque chez les élèves des questionnements sur la caractérisation des faits. Émus par la mort des enfants, les adolescents ne comprennent pas que la qualification de « génocide » ne soit pas correcte. Face à eux, nous devons nous en tenir aux définitions, tout en comprenant leur émotion.
Chez une majorité de personnes, le génocide apparaît comme le crime le plus grave, le plus inadmissible parmi tous ceux qui existent. À l’intérieur de certains partis et mouvements, la dénomination de génocide permet de nazifier la population israélienne et ainsi de légitimer la destruction d’Israël. Essentialiser Israéliens et juifs autorise le passage à l’acte antisémite.
Le Hamas dirige la bande de Gaza à partir de tunnels (environ 500 à 700 kilomètres). Mouvement islamiste il n’applique aucun principe démocratique, pas d’élections, interdiction d’une liberté religieuse, de toute orientation sexuelle dite déviante. Vivant dans ces tunnels il utilise les palestiniens habitant Gaza comme boucliers et leur mort comme argument contre Israël.
La Charte du Hamas appelle clairement à la destruction de l’État d’Israël, volonté qui se propage et qui, liée à l’essentialisation citée précédemment, justifie les manifestations et les actes antisémites. Il serait ici intéressant de qualifier cette détermination destructrice, ,d’analyser sa propagande, sa diffusion d’images et la bataille de chiffres. Sa charte qui appelle, malgré une modification en 2017, à la suppression d’Israël n’induit il pas une désignation de génocide et après le 7 octobre d’être un mouvement terroriste ?
Pour les élèves qui ont un grand nombre de guerres inscrites à leur programme comme par exemple la deuxième guerre mondiale, les bombardements des alliés (Hiroshima, Brest…) se pose la question du qualificatif « génocide ». Il nous revient alors d’expliquer la notion d’état de guerre (voir chapitre sur crime de guerre)
- CRIME CONTRE L’HUMANITÉ
1/Étymologie et signification :
Crime contre l’ensemble des êtres humains , il a été défini le 8 août 1945 dans les statuts du tribunal de Nuremberg chargé de juger les chefs nazis.
Les crimes contre l’humanité sont des crimes commis dans le cadre d’une attaque généralisée contre toute population civile. Ils peuvent se produire en temps de paix et doivent comprendre trois éléments :
-. matériel : meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement, torture, formes graves de violences sexuelles, disparitions forcées, crime d’apartheid, persécution ou autres actes inhumains ;
-. contextuel : l’acte doit être commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile ;
-.- psychologique :implication d’une violence méthodique ou systématique.
À l’inverse du génocide, les crimes contre l’humanité ne visent pas obligatoirement un groupe de population particulier.
Exemples de crimes contre l’humanité jugés depuis 1945 :
- Ex Yougoslavie ;
- En France : Klaus Barbie (nazi), Paul Touvier (milicien), Maurice Papon (fonctionnaire dans un État hégémonique)
- Inculpations les plus récentes : Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant ; Hamas
2/interprétations possibles :
La notion de crime contre l’humanité a évolué depuis son origine. Le statut de crime varie en fonction des situations. Les crimes poursuivis ne renvoient pas forcément à une discrimination. C’est l’utilisation systématique de ce terme pour viser un État qui est important car elle amène actuellement certains systèmes de pensée, racialistes, essentialistes etc. à désigner des États comme criminels. Ils apportent comme preuves un passé qui serait toujours présent par essence. Sont ainsi présentées comme actuelles victimes certaines populations : arabes, musulmanes, noires. Ce qui exprime une concurrence victimaire largement utilisée contre les juifs.
3/les questions suscitées et notre réponse :
Les interprétations citées précédemment, formulées auprès des élèves provoquent chez eux - mêmes si le mot crime contre l’humanité n’est pas prononcé- un rejet de l’État et une haine de ses représentants.
Sur le plan international on note une faible dénonciation des crimes notoirement catégorisés car ils se produisent souvent dans des pays où existe une religion d’État que certains élèves ne s’autorisent pas à critiquer, l’action criminelle de ces États étant perçue comme protectrice pour ses croyants.
C’est la notion de liberté de pensée et d’expression qui doit alors être défendue.
Les exemples majeurs qui peuvent être présentés - et peut être provoquer des réactions positives - sont :
-. les femmes afghanes : leur persécution en tant que femmes constitue un crime contre l’humanité. Il en est de même en Iran ;
-. le Soudan où des assassinats se produisent lors d’ une guerre de prise de pouvoirs ou une famine particulièrement grave, comme au Yémen ;
Il est aussi important de faire remarquer que dans le contexte actuel de la guerre au Proche-Orient, ces situations, parmi d’autres, n’entraînent pas de protestations mais donnent lieu au contraire à des alliances géopolitiques dangereuses.
Autre sujet non dénoncé dans ce cadre : l’utilisation des civils comme boucliers humains par le Hamas inculpé de crimes contre l’humanité.
Cas particulier : l’apartheid
C’est un système d’oppression et de domination d’un groupe racial sur un autre, institutionnalisé à travers des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires. Par ailleurs, le crime d’apartheid suppose des actes inhumains dans l’intention de maintenir cette domination.
À l’origine, le terme apartheid a été utilisé pour désigner le régime politique de l’Afrique du Sud de 1948 à 1991. L’apartheid est toujours une réalité :
- Les Rohyngas au Myanmar ;
- En Israël ? L’assimilation de l’État d’Israël et du sionisme à un régime d’apartheid joue sur certains rapprochements historiques avec les bantoustans, qui n’est pas une comparaison correcte. Israël est une démocratie, par opposition au régime totalitaire des Afrikaners. On peut dénoncer les discriminations qui touchent les arabes mais elles ne relèvent pas jusqu’à la constitution du gouvernement actuel, d’un statut d’infériorité qui limiterait les droits essentiels. En Afrique du Sud, il n’y avait pas de volonté de conquêtes territoriales mais d’établissement de zones de ségrégation raciale, ce qui est l’inverse en Israël-Palestine. Cependant il y a l’idéologie du Grand Israël mais caractérise-t-elle Israël ou certaines personnalités, ministres actuels ?
Depuis, en particulier la qualification d’apartheid comme crime contre l’humanité par le Statut de Rome(1998), Israël se voit donc accuser de ce crime à l’encontre des Palestiniens .
(collectif dont E. Debono: « histoire politique de l’antisémitisme en France : de 1967 à nos jours », ed Robert Laffont)
- CRIMES DE GUERRE
1/ Étymologie et définition :
La guerre est définie comme une lutte armée entre États. C’est un phénomène historique et social. Elle est régie par des règles nommées « droit international humanitaire » (DIH) qui entend limiter les effets de la guerre, en particulier à l’égard des populations et des installations civiles et des personnes qui ne participent plus au combat (prisonniers, réfugiés) et limiter également les objectifs, les moyens et les armes de guerre.
Les conventions de Genève (quatre conventions entre 1864 et 2005) constituent les principaux traités applicables aux conflits armés internationaux.
Un crime de guerre est caractérisé comme le non-respect du DIH . Les troubles associés aux temps de guerre entrainent souvent l’impunité, toutes les violences ne sont pas considérées comme des crimes de guerre. Elles doivent répondre aux principes fondamentaux : humanité, distinction, précaution, proportionnalité, interdiction des maux et des souffrances inutiles.
2/interprétations possibles :
Les guerres déclarées ou non se présentent souvent comme des actions préventives à une éventuelle attaque d’un ennemi désigné par le pays attaquant.
Une analyse - tronquée ou juste – d’un passé présenté comme permanent peut être un argument justificatif. De même le refus de voir en une guerre une réponse à une agression.
3/ Réponses possibles :
Outre le rappel des définitions des institutions internationales, l’utilisation d’exemples actuels peut permettre d’apporter des éléments de réflexion.
- guerre en Ukraine : le qualificatif de « nazi » employé par la Russie à l’égard de ce pays pour justifier l’invasion est lié au comportement effectif de la population lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit d’une réalité dont la population actuelle n’est pas responsable et qui ne justifie donc ni l’invasion ni les actes contre les civils tels que l’attaque d’une maternité.
- -guerre au Moyen-Orient : deux sujets peuvent être évoqués :
a/ la situation des populations palestiniennes
b/ le déclenchement de la guerre par Israël après le 7 octobre.
a/ cette situation condamnable qui est à placer dans une histoire longue est utilisée par le Hamas, un mouvement terroriste, prônant une religion d’État et dont l’objectif de ses dirigeants est d’anéantir l’État d’Israël. La guerre qui lui est faite est une réponse à cette volonté destructrice. Les Palestiniens sont des sujets de l’Histoire. Leur situation ne semble pas être la préoccupation du Hamas, puisque les habitants sont utilisés comme boucliers humains par les membres de cette organisation, qui eux, sont à l’abri dans des tunnels ou vivent à l’étranger. Ce comportement justifie l’accusation de crimes contre l’humanité.
Cela ne dispense pas de s’interroger sur l’importance des actes de guerre qui aboutit à une accusation d’Israël pour non-respect des principes fondamentaux du DIH à condition de s’interroger avec l’aide de spécialistes sur la question des sources qui est essentielle. Ëtre tributaire des images et informations du Hamas pose problème.
b/ Le déclenchement de la guerre par Israël après le 7 octobre est une situation spécifique qui autorise une utilisation de la force en contradiction au principe d’interdiction de ce recours. En effet la force peut être utilisée en cas de légitime défense pour réagir à une agression extérieure, sans nécessité d’une autorisation du Conseil de sécurité.
La reconnaissance en tant que crime contre l’humanité des actes ayant eu lieu en Israël durant cette journée justifie la notion de légitime défense.
Un cas particulier : le terme de pogrom
Ce terme est utilisé par certains pour qualifier les actes du 7 octobre contre la population israélienne.
Il s’agit d’un mot russe signifiant dévaster, démolir qui historiquement définit des attaques violentes commises en Europe de l’Est contre les juifs par des populations locales non juives.
Actuellement le mot est utilisé pour désigner la violence exercée contre des minorités au sein d’un pays. Il n’a pas de définition juridique.