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Billet de blog 9 janvier 2025

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Daniel Payot et le négationnisme pro-heideggérien

En faisant du terme heideggérien de Dasein un homonyme de "homme" l'auteur de 'La statue de Heidegger' fait obstacle à l'analyse critique du discours heideggérien en tant que porteur d'une ontologie raciste et génocidaire.

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Daniel Payot et le négationnisme pro-heideggérien

J’entends par négationnisme pro-heideggérien l’attitude consistant à minimiser et même à nier le nazisme de Heidegger, négationnisme autorisant la production de discours se présentant comme influencés par la pensée de Heidegger mais faisant obstacle, parfois intentionnellement,  à la production d’un savoir critique quant à la teneur réelle d’une des œuvres les plus célébrées et les plus traduites du XXème siècle.

En 1998 Daniel Payot, philosophe de l’art,  publiait chez Circé un opuscule intitulé La statue de Heidegger – Art, vérité, souveraineté. Dans ce billet je vais me borner à analyser cette bévue aux effets négationnistes consistant à « traduire » le terme allemand de Dasein par « homme » ou par « réalité humaine ». Lorsque Heidegger parle de Dasein il parlerait de l’ « homme ». Cela même permet à l’écrivain heideggérien de s’adresser à son public en l’incluant dans un « nous », ce « nous » correspondant à ce que l’auteur et le lecteur sont considérés comme concernés au premier chef par les descriptions heideggériennes du Dasein. Sur la quatrième de couverture D. Payot explicite ainsi son propre projet : « L’enjeu est important, si l’art, comme l’écrit Heidegger lui-même, engage la question de ce qui « décide conjointement de qui nous sommes », s’il révèle le type de relations qui nous entretenons avec une « vérité » qui nous figure, qui dessine ou sculpte les contours de notre propre apparaître, et donc aussi, sans doute, de ce qui constitue notre être-ensemble ».

La thèse centrale de la note est que Dasein n’est absolument pas réductible à un homonyme de « homme ». C’est même absolument le contraire : « Dasein » n’existe que pour refuser toute référence à une humanité universelle. Heidegger est raciste et antisémite : il y a donc « homme » et « homme ». C’est notamment ce que veut dire « Dasein ». Heidegger lui-même a dit clairement qu’il valait mieux traduire Dasein par être-là, ou être-le-là, plutôt que de le traduire par homme ou réalité humaine. Il savait pertinemment qu’il pouvait être mal compris et qu’il s’exposait à ce que son racisme profond soit ainsi gommé. Heidegger a soigné son Œuvre complète en tant que système de justifications et de légitimation d’un suprémacisme germanique, lui-même « tête pensante » d’un suprémacisme occidental. Et comme cette Œuvre complète est nécessairement également une justification de pratiques génocidaires Heidegger a particulièrement soigné la manière dont il a codé nombre de ses propos. Heidegger refusait qu’on parle de « philosophie heideggérienne ». Il craignait là aussi qu’on finisse par enterrer son racisme génocidaire. Heidegger fut un équilibriste : éviter d’un côté qu’on le comprenne comme un « universaliste » et, de l’autre, qu’on voit trop clair dans ses intentions criminelles. Mais c’était en même temps reconnaître qu’avec lui la philosophie était convoquée pour justifier l’injustifiable tout en  permettant de dissimuler le plus possible l’opération.  Et  cela ne serait-ce que pour échapper aux interdictions et aux poursuites. Aujourd’hui encore Heidegger figure parmi  les auteurs du Bac. Opération réussie !

Nous allons, pour fonder notre position, analyser pas à pas un texte de Heidegger que D. Payot commente dans la perspective signalée. Il s’agit d’un passage extrait de la conférence intitulée L’origine de l’œuvre d’art. Elle figure dans le recueil titré Chemins qui ne mènent nulle part. Elle est ainsi datée de 1935. Il semble qu’il existe plusieurs versions du texte préparatoire. Nous n’aurons ici recours qu’à la traduction du texte publié dans le volume 5 de l’ Œuvre complète. La traduction de ce passage semble par ailleurs être de D. Payot.

Le projet poématique de la vérité, qui s’institue comme stature dans l’œuvre, ne s’accomplit jamais dans, et vers le vide et l’indéterminé.

Que  veut dire poématique ? Poématique peut se comprendre comme désignant l’art. Mais, bien entendu, ce mot existe pour soustraire l’art aux catégories traditionnelles de l’esthétique. C’est qu’il existe un « projet [heideggérien] poématique de la vérité ». Qu’est-ce à dire ? Vingt ans plus tard, dans sa conférence sur La question de la technique, Heidegger rappellera que techné, anciennement, désignait l’art. Or si la technique, et d’autant plus le techno-scientifique, n’est pas étranger à la vérité il s’agit d’une vérité d’étant et non d’une vérité d’être.

Pour le dire simplement : une vérité d’étant est une vérité accessible à tout le monde. Si je dis : « cette pièce d’acier résiste à une traction de 5 tonnes » cela est reçu dans le monde entier que l’usine ou le chantier soit allemand, italien, chinois ou congolais. La technique dévoile l’être d’une certaine manière, et d’une manière qui rend disponible à tout le monde, énergie et matériaux. Heidegger est persuadé que la technique moderne a ainsi pour effet de dissoudre les spiritualités singulières autant celles des individus que celles des peuples et, surtout, de ces peuples qui ont précisément une vraie stature. Comme c’est le cas du peuple allemand.

La « techné artistique » est susceptible de permettre, pour Heidegger, l’accès à un autre ordre de vérité à savoir la vérité d’être. Une vérité d’étant, par exemple telle composition chimique d’un minéral, est toujours susceptible de permettre de requérir l’étant en vue d’une production et d’une consommation. Une vérité d’être est au contraire une vérité où apparaît l’être de l’étant en lui-même indépendamment  de l’utilité de celui-ci. Avec le temple en tant qu’œuvre, pense Heidegger, le roc, la mer, le ciel adviennent à eux-mêmes et ne sont pas seulement représentés. Précisément le temple, en tant qu’œuvre, ne représente rien. Alors même que, du côté de la vérité d’étant, il y a nécessairement toujours de la représentation. 

C’est que, dit Heidegger,  l’œuvre d’art ouvre un monde, et un monde ce n’est pas la nature mise à notre disposition. L’œuvre d’art – le poématique – ouvre un monde mais, dans le même temps, met en œuvre  la vérité. (La vérité d’être non la vérité d’étant).

Le projet poématique est donc ce projet en vertu duquel une vérité d’être advient à l’œuvre et par l’œuvre. Et cela même caractérise ce que Heidegger nomme la stature de l’œuvre.  Dans le mot stature on entend « être ». La stature c’est la teneur d’être ou, plutôt, la teneur de vérité d’être d’une œuvre.

Revenons aux 2 exemples de « vérité d’étant » cités plus haut :  la résistance à la traction d’une pièce d’acier et la composition chimique. Un laboratoire peut tenir des fiches correspondantes à la disposition de toute personne intéressée. Or cela ne peut être le cas d’une « vérité d’être ». Le projet poématique, écrit Heidegger,  « ne s’accomplit jamais dans, et vers le vide et l’indéterminé ». Que l’œuvre d’art selon Heidegger se doit d’avoir une stature, c’est-à-dire, se doit de mettre en œuvre une vérité d’être, interdit qu’il puisse chercher à s’adresser à un public « indéterminé ». Cela serait contradictoire car cela reviendrait à projeter les critères de la vérité d’étant sur les vérités d’être. Tout le monde, aujourd’hui, peut reconnaître qu’une peinture représente par exemple des pommes dans une corbeille. Mais le dire n’atteste en rien qu’on soit parvenu à une compréhension de l’œuvre en tant qu’œuvre. Le regard, et la parole, s’arrêtent ici à l’étant et ne parvienne pas à l’être.

La problématique du passage est donc celle de la recherche des conditions fondamentales d’une réception permettant à l’œuvre d’art d’exister en tant que telle. Mais, à ce point, il est nécessaire d’évoquer une des affirmations de Heidegger les plus explicitement racistes à savoir que les Allemands sont les seuls, après les anciens Grecs, à disposer et à parler une langue de l’être, la langue de l’être. Et c’est aussi pourquoi Heidegger parle de Dasein et  non d’homme : il est dans le Dasein des Allemands de parler une telle langue ! A l’inverse, dira-t-il, les Juifs, quelle que soit leur langue d’adoption, et quand bien même il s’agit de l’Allemand, ne sont capables que de la langue de l’étant : ils calculent, complotent, marchandent etc.

Heidegger, une fois de plus, se révèle être un « nazi profond ». Sa problématique de la vérité poématique est celle d’une conception de l’art destinée à cultiver et à entretenir les Allemands dans un espace spirituel entièrement séparé du reste de l’humanité. Il construit ici une « serre d’aryanité ».

Revenons au texte.

La vérité dans l’œuvre se projette bien plutôt en se destinant aux gardiens à venir, c’est-à-dire à une humanité historiale.

En 1935, date de la prononciation de la conférence à Fribourg, Heidegger a démissionné – a été démissionné… - du rectorat de l’Université de cette ville, rectorat qu’il avait accepté sur fond d’un assentiment enthousiaste à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. La légende « dorée » a longtemps été que c’est Heidegger qui aurait démissionné suite à une prise de conscience du caractère totalitaire du régime nazi. La réalité était beaucoup plus sombre. Le régime étant encore jeune l’enthousiasme « révolutionnaire » de Heidegger, qui s’exprimait de manière tout à fait non conventionnelle, était une gêne sur le chemin de la pleine conquête du champ universitaire par les nazis. Le parti tenait à ménager, car il avait besoin de l’Université, les adhérents les plus conventionnels. Heidegger constituait une sorte de repoussoir. On l’ « invita » à démissionner. Mais jamais cela n’a signifié une rupture avec le nazisme. Au contraire il dit clairement dans Les Cahiers Noirs combien il s’opposait au caractère traditionnel de beaucoup de nazis, caractère qui, selon lui, compromettait à terme le succès de la « révolution » hitlérienne. D’une certaine manière il alla jusqu’à rompre, en secret, avec la terminologie nazie elle-même car il pensait qu’elle s’était ajustée à un enlisement bureaucratique.

Au reste la phrase qu’il s’agit maintenant de commenter est absolument terrifiante. Je vais au fait : elle dit que la « vérité de l’œuvre » est destinée à une « humanité historiale » c’est-à-dire à une humanité qui devra précisément sa pleine humanité au fait qu’elle saura exterminer l’ennemi juif. En 1935, 7 ans avant la conférence de Wannsee, Heidegger recommande en sous-texte la mise en œuvre de la « solution finale » de la question juive.

Je dois justifier ces propos. Et cela tout en soulignant que le discours heideggérien est tel qu’il est toujours possible de « noyer le poisson » dans les méandres de la mythologie qu’il propage.

Il faut, pour comprendre l’ « heideggérien », reconnaître qu’il partage avec Hitler la conviction que les Juifs constituent l’ennemi existentiel numéro 1 de l’Allemagne. Et son adhésion à l’hitlérisme ne relève pas d’une illusion mais de l’accord profond qu’il éprouve à l’encontre des engagements d’Hitler d’en finir avec le « pouvoir juif ». Les « gardiens à venir » sont ceux qui, précisément, sauront mettre en œuvre la « solution finale ».

La « question de l’Etre », qui demeure encore fameuse dans l’histoire de la philosophie jusqu’ici enseignée, est ici pleinement mise au service de la préméditation d’un génocide.

1 – Les Allemands – les vrais, les purs – parlent la langue de l’Etre, c’est-à-dire la langue de la souveraineté, c’est-à-dire la langue de ceux qui, par essence, ne peuvent ni doivent être d’une manière quelconque assignés à une position servile. Heidegger dira même, dans Les Cahier Noirs, qu’il y a un risque à devenir servile en faisant de la maîtrise d’esclave une obsession. Quand on parle une telle langue il y a à prendre garde de ne pas devenir esclave des esclaves ! C’est du Heidegger. Et cela justifie, de la part des Allemands au sens heideggérien, l’usage des violences les plus extrêmes et les plus expéditives.

2 – L’œuvre d’art, et pour autant qu’elle relève du « projet poématique de la vérité », est destiné à ceux qui, précisément, sauront être « historiaux », c’est-à-dire sauront, par la solution finale, sauver l’Allemagne de la « servitude ». Tels sont les « gardiens à venir ». Ils ne sont jamais réductibles aux poétes, aux artistes, aux penseurs. Plutôt ceux-ci, qui comptent parmi les gardiens, s’adresseront à ceux qui, parmi eux, auront l’héroïsme de mettre en œuvre la « solution finale ». C’est dire que, pour Heidegger, le monde artistique est appelé à être complice du génocide. C’est, au plus haut de l’expression à caractère philosophique, un parent sophistiqué de la doctrine de Goebbels.

3 – La conséquence immédiate est que le « projet poématique », dont on attend qu’il puisse sublimer, héroïser mais aussi euphémiser, est comme mobilisé en vue  de soutenir la « guerre secrète » contre le « pouvoir juif ».

Heidegger se révèle ainsi comme le grand doctrinaire d’une « révolution culturelle » d’inspiration hitlérienne et dont le mot d’ordre structurant est celui de la solution finale de la question juive.

Je reviens pour clore le paragraphe sur l’idée d’ « humanité historiale ». Heidegger ne nomme pas par-là cette humanité en tant qu’elle est appelée à commettre un génocide en tant que crime contre l’humanité. Cela n’aurait pas de sens. Et cela reviendrait à admettre le caractère criminel de l’opération. « Humanité historiale » désigne la communauté allemande en ce que, en mettant en œuvre la solution finale, elle se constitue, ou se reconstitue comme humanité authentique et essentielle. Elle sauve la possibilité d’une vraie humanité et, par conséquent, ne perpètre pas de crime en commettant  le génocide. CQFD !

Pour soutenir mon propos voici, en annexe, la liste des « dits antisémites » de Heidegger telle qu’elle a été établie par Joseph Cohen et Raphaël Zagury-Orly dans leur ouvrage L’adversaire privilégié.

Illustration 1
Déclarations antisémites de Heidegger

Ces propos antisémites de Heidegger, outre qu’ils sont choquants de la part d’un supposé grand philosophe, ne sont toutefois pas à mesurer de manière seulement quantitatives. J’ai entendu dire que ce ne sont que quelques lignes sur des milliers de pages de haute pensée ! Mais si la plupart de ces pages sont des développements de ces « axiomes » antisémites alors toute l’œuvre de Heidegger est à analyser comme un cas d’ontologie raciste. Heidegger a conçu son œuvre comme « constitution » fondamentale d’un Etat raciste, antisémite et génocidaire. Le projet s’est formé bien avant Être et temps et s’est poursuivi au-delà de la mort de Heidegger en l’espèce du testament posthume publié en 1976 par le Spiegel et où Heidegger rappelle qu’il avait été convaincu que le mouvement nazi avait été dans la bonne direction quant au rapport de l’homme moderne et de la technique !

Très tôt tous les éléments existaient qui auraient permis non pas de censurer Heidegger mais de soumettre son œuvre à une critique décisive. Il a été admis qu’une édition critique de Mein Kampf s’imposait. La même chose devrait être entreprise à propos de Heidegger : ne pas le laisser aux seules mains de ceux qui, parmi ses lecteurs, sont devenus habiles à le décoder dans un sens favorable à une renaissance du nazisme.

Cependant, ce qui est ainsi envoyé en direction des gardiens futurs n’est précisément jamais une quelconque exigence arbitraire. Le projet vraiment poématique est l’ouverture de ce en quoi le Dasein est, en tant qu’historial, déjà embarqué. Cela, c’est la terre, et pour un peuple historial, sa terre, le fonds qui se réserve, sur lequel il repose avec tout ce que, à lui-même encore secret, il est déjà. Mais c’est son monde qui déploie son ordre à partir du rapport du Dasein à l’ouvert de l’ouvert de l’être.

Ce qui est au cœur de ce passage c’est l’idée heideggérienne de terre. Elle est chargée principalement de deux significations par ailleurs parfaitement complémentaires. Tout d’abord elle signifie que le Dasein – qui est  le nom heideggérien du seul « vrai homme » : l’Allemand – n’est pas « cosmopolite » mais a de profondes racines paysagères. Le « Da » de Dasein, le « là », signifie quelque chose comme « souche ». Il est menacé par tous ceux qui, et notamment les Juifs, ne sont de nulle part et sont privés de sol. Mais, concomitamment, « terre » signifie également « race », « sang ». Il y a quelque chose chez Heidegger qui ressemble à une popularisation de l’aristocratisme. Le peuple allemand est d’une race excellente dont la langue, don naturel propre à autoriser à « penser l’être », est inséparable de racines profondes. La langue allemande n’est absolument pas une messagère du Dieu monothéiste mais agit comme un philtre extrayant le meilleur d’une terre, de cette terre dont le « Da » de Dasein porte témoignage au sein même de la conception heideggéro-nazie de la pleine humanité.

C’est ce que rappelle Heidegger en écrivant que le Dasein est « déjà embarqué ». La voie cartésienne et husserlienne d’une pensée procédant de l’expérience d’un cogito transcendant toute empiricité est une voie sans issue et même destructrice. « Déjà embarqué » : il est d’un sol ou d’une terre ; il a un sang, une race, une langue qui lui permet d’atteindre à des sommets d’une spiritualité non métaphysique.

Ce que doivent les « gardiens à venir » c’est précisément de préserver, y compris par une extrême violence – elle est légitime – le lien essentiel du Dasein avec « sa terre ». L’heideggérisme interdit ici de réduire le « gardiennage » à une activité « culturelle ». Les « gardiens à venir » auront la tâche de purifier la terre des « éléments » qui la corrompent et détruisent les racines qui la relient à la génialité spirituelle allemande.  

Contre tous les programmes de type « sociaux-démocrates » Heidegger souligne que les possibles qui peuvent s’ouvrir à nouveau à l’ « humanité historiale » sont encore dans le « secret ». Parlant la « langue de l’être » le Dasein, l’Allemand « nazifié », saura se surprendre par son propre génie à la condition de sauver le « fonds » des corruptions destructrices que lui infligent déjà les « cosmopolites ». Seul le Dasein – le « Dasein allemand » - est à même de témoigner de la véritable humanité.

Le poète Hölderlin, qui vient du passé, est pour un Heidegger un « gardien à venir ». Pour peu, bien sûr, qu’on sache le lire « poématiquement ». Mais les « gardiens à venir » compteront parmi eux ceux qui, à leur façon avec héroïsme, sauront « anéantir totalement » l’ennemi qui corrompt et détruit la terre. En 1935 Heidegger s’impatientait : à quand la solution finale ?

Mais alors à quelle opération s’est livrée Daniel Payot en intégrant son lecteur, et lui-même, dans le « nous » de « l’humanité historiale » ?

Au moment de l’écriture de son ouvrage Heidegger était encore largement un auteur « au-dessus de tout soupçon ». On disait alors que sa démission du rectorat de 1934 signifiait un reniement. De nombreux travaux, combinant histoire et analyse critique, permettent d’affirmer que Heidegger était profondément nazi et même, car en révolte intérieure contre la « mollesse » de ses « coreligionnaires », un sur-nazi.

Sa pensée est génocidaire.

Dans son ouvrage D. Payot estime trouver chez Heidegger une requalification du penseur et de l’artiste « occidental ». Il semble admettre qu’ils  doivent se penser heideggériennement  comme « gardien(s) à venir ». Mais cette opération se fait au prix exorbitant d’un « négationnisme ». Pour le moins le pari fait sur la pensée de Heidegger ne plaçait pas l’auteur en situation d’exercer un « droit d’inventaire ».

Ce que Heidegger nommait pensée c’était cela même qui devait et pouvait être transmis par l’Université d’un Etat raciste et génocidaire. Quoique, selon cette transmission, non criminel!

Redisons-le : Dasein est un équivalent heideggérien de ce que la mythologie nazie nommait « Aryen ».

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