Après Auschwitz, qui demeure pour l’extrême-droite antisémite un chef-d’œuvre, la création d’Israël pouvait-elle être aidée et soutenue par amour des Juifs ?
B-H Lévy parle de la « solitude d’Israël ». Cette solitude n’est toutefois pas l’effet de la composition de l’antisémitisme et de l’antisionisme. Le sionisme, tel qu’il est devenu, n’est absolument pas l’expression d’une souveraineté juive.
Je vais le dire dans des mots quelque peu rugueux : si l’extrême-droite jouit encore de ce que fut Auschwitz – un grand moment de libération et de purification – elle jouit aujourd’hui d’avoir pu instrumentaliser une partie importante du monde juif en vue de le compromettre dans une croisade génocidaire, « judéo-chrétienne », contre les « arabo-palestiniens ».
Ce n’est au reste pas la première fois dans l’histoire qu’une population persécutée se trouve, par une sorte de chantage, impliquée elle-même dans une persécution.
La thèse serait que, du côté de l’extrême-droite antisémite, nous serions passés d’un antisémitisme d’extermination à un antisémitisme d’instrumentalisation. Le « bon juif » est celui qui fait le coup de feu au nom de ce machin qui s’appelle « judéo-christianisme », et dont le nom même porte par absence l’idée d’une négation du leg civilisationnel islamique.
C’est d’autant plus fou et tragique qu’on voit mal les limites qu’une telle entreprise pourrait se donner. Sauf à imaginer qu’à la longue les Israéliens pourraient disparaître dans le maelström d’un « éternel » conflit de civilisation.
Par de multiples aspects la « guerre » contre Gaza – Gaza n’est pas un état et ne possède pas d’armée nationale – est une guerre antisémite. Elle a surgi là où une partie du monde juif, croyant trouver refuge en Israël, s’est trouvé prise entre deux feux : la résistance antisioniste y compris quand elle prend des formes antisémites d’un côté et, de l’autre, exerçant un chantage antisémite, l’utopie d’origine chrétienne d’une reconquête d’une terre sainte en tant que lieu symbolique, bien sûr fantasmé, d’une puissance d’ « hégémonisation ».
Le nazisme était doctrinalement autant antisémite qu’anti-chrétien. Mais ce n’était pas toute l’extrême-droite. Il y a une extrême-droite chrétienne (catholique, réformée, orthodoxe) pour laquelle les Juifs doivent disparaître sous la forme d’une «absorption-instrumentalisation ».
Si on entend « Israël » comme patrie spirituelle des Juifs, et non comme nommant un projet messianique et expansionniste, sa solitude est en effet abyssale.
Ne l’oublions pas : si le pilote est israélien, et sans doute juif, la bombe est chrétienne. Pour autant que l’Etat israélien ne pouvait être absolument auto-suffisant les aides qu’on lui apporte sont des leviers de chantage et d’instrumentalisation. La souveraineté politique juive n’est donc pas diplomatiquement inconditionnée. Elle relève du mythe. Et cela a des conséquences tragiques.
Le sionisme « judéo-chrétien », et Netanyahou s’en réclame, est un piège mortel.
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