Depuis déjà de nombreuses années beaucoup de médias font état d’une politique, initiée par Marine Le Pen, de dédiabolisation de l’ancien Front National. Il serait même devenu plus républicain que LFI. Ce dernier est périodiquement accusé d’antisémitisme. Il est vrai qu’il aide à cela grâce à d’incompréhensibles « maladresses ». Un des résultats est que cela permet d’autant plus au Rassemblement National de gagner en respectabilité. Il se présente désormais, parfois en opposition frontale à LFI, le parti des « quartiers », comme étant le grand protecteur des juifs de France.
Pour un peu, et même sans voter pour le RN, on y croirait.
Pourtant il y a des raisons d’apercevoir, au lieu d’une rupture quelque peu surprenante, une sourde continuité.
Je pose qu’en l’état il est impossible de prêter au RN une solidarité inconditionnelle, inspirée par humanisme, envers les juifs. L’antisémitisme est trop profondément lié à l’histoire occidentale pour qu’on puisse y croire ou, pour le moins, pour qu’on ne soit pas quelque peu circonspect.
Mais alors que se passe-t-il ? La thèse serait que l’existence d’Israël, qui ne doit lui-même rien à l’humanisme et à la solidarité, permet une profonde inflexion de l’antisémitisme traditionnel.
Disons-le de cette manière : au-delà du mythe du retour des juifs dans leur foyer historique, ce qui suppose par ailleurs qu’un juif non israélien demeure une sorte d’aberration et d’une certaine manière un mauvais patriote, Israël permet de se représenter l’existence juive comme n’étant plus vouée à être le parasite des nations !
Pour certains antisémites Israël est une bénédiction : la place des juifs est « là-bas ». Plus besoin, théoriquement, d’aller jusqu’à les exterminer. Un peu d’antisémitisme peut simplement les pousser à hâter leur Aliya. Herzl lui-même comptait sur cette « pression ».
Mais ce n’est pas tout. Pour d’autres antisémites, encore plus pervers, Israël est une pièce majeure dans une géopolitique commandée par une théologie politique chrétienne ou, plus précisément, « judéo-chrétienne ». Le monde juif n’a rien à voir avec l’Islam mais tout avec le Christianisme. Et compte tenu des violences antisémites dont s’est rendu capable ce christianisme certaines personnes auraient tout intérêt à croire en la fable « judéo-chrétienne » !
Même si l’idée perdure d’une légitimité de l’antisémitisme d’extermination nos théologiens géopoliticiens, soucieux par ailleurs de se démarquer de l’horrible imagerie nazie, ont depuis développé un antisémitisme d’instrumentalisation. De même qu’un esclave est à l’évidence plus utile vivant que mort, le juif instrumentalisé est plus présentable qu’un juif exterminé. Herzl, encore lui, l’a bien vu qui a préconisé aux futurs israéliens de se faire les champions de la lutte contre la barbarie.
L’invitation de Bardella par Israël est en ce sens effrayante et n’a rien à voir avec une « dédiabolisation » ! C’est même tout le contraire ! Le plan diabolique de l’extrême-droite, notamment en ses branches israéliennes, a bien fonctionné. En empêchant la création d’un état palestinien, l’extrême-droite a ouvert la voie vers le 7 octobre et, par le 7 octobre – il ne s’agit pas d’un complot mais d’une très habile manipulation – à la guerre génocidaire contre les Palestiniens.
Jordan Bardella, de manière hideuse et effrayante, va ainsi recevoir en Israël sous contrôle extrême-droitier, le baiser du génocide ! Combien serons-t-ils à parler alors de « normalisation » et de « dédiabolisation » ?