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Chercheur en philosophie. Parmi les axes de recherche : les rapports entre la philosophie de Martin Heidegger et le national-socialisme.

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Billet de blog 17 mai 2025

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Un président devrait dire ça : « Un génocide est en cours à Gaza. Agissons »

Bref l’extrême-droite a changé le nom des sémites. Ils ne sont plus juifs (dominateurs, comploteurs, matérialistes, séparatistes et sans racine) mais arabes (islamistes, terroristes, néo-nazis, antisémites). Il est vrai que ce que j’appelle « national-judéo-christianisme" hérite d’une longue tradition d’islamophobie et de racisme anti-arabe.

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Imaginons qu’Emmanuel Macron, l’autre soir sur TF1, ait déclaré : « Incontestablement un génocide est en cours à Gaza. Je ferai tout pour le stopper. N’attendons pas les historiens pour nous dire ce que nous aurions dû faire : faisons le maintenant. Tant pis si les historiens auront moins de travail».


Le paysage français aurait été alors profondément bouleversé. « Antisémitisme d’Etat », «folle calomnie », « cas évident « d’impeachment », « scandale d’Etat », « le Hamas est à l’Elysée » etc. On imagine les manifestations avec, peut-être, le RN et le CRIF à leur tête ! Des violences pourraient éclatées opposant parfois juifs antisionistes et juifs pro-israéliens. 


E. Macron pense peut-être pour lui-même qu’on a à faire à un génocide. Nous serions alors dans le cas où le pouvoir ne se trouverait pas en situation de dire le vrai. Il l’aurait dit toutefois par le biais de subterfuges : intolérable, inacceptable, crimes de guerre etc. 
Certaines personnes, liées au judaïsme, utilisent de même des quasi-synonymes réputés moins choquants : « annihilation d’un peuple », « guerre d’extermination ».


On part du principe que le peuple victime « privilégiée » du nazisme ne saurait commettre un génocide et que, si pourtant on l’affirme, cela ne peut être qu’en vertu d’un antisémitisme structurel déguisé en antisionisme.

 
Une autre approche est possible. Et il s’agit tout d’abord de distinguer entre « risque de génocide » et « génocide ». Le risque de génocide est indubitable et c’est en le reconnaissant qu’on peut espérer qu’il n’advienne pas de manière monstrueuse. Le génocide n’est pas encore – au sens d’objet historique – mais est possible, cette possibilité se matérialisant par des actions génocidaires.  Il y a suffisamment de déclarations, côté intention, et d’actions génocidaires – rendre la vie impossible, affamer etc – pour que soit avérée la possibilité  qu’une sorte de mixte de nettoyage ethnique et de génocide effectif ait lieu. 


En ce sens la prudente timidité de Macron pourrait bien apparaître comme faisant partie de toutes ces « demi-mesures » qui, finalement, créent un climat qui conduit à ce qu’un jour on puisse dire, repentant : on a laissé faire un génocide !
L’hypothèse actuelle selon laquelle un génocide est en cours et pourrait devenir « historique » nous met en situation de pouvoir observer comment, aux marches du monde occidental, un génocide peut être commis. L’usage du terme est pris dans des polémiques verbalement violentes. Et cela même est une manière d’interdire l’examen sérieux de la situation. 


L’extrême-droite, dont les « chefs d’œuvre » sont de « parfaits génocides » (Arménie, Shoah, Rwanda…) est en train de réussir un coup qui est autant d’une grande audace que d’une rare perversité : au nom de la lutte contre l’antisémitisme terroriste on enrôle des sémites juifs pour écraser des sémites arabes ! Pour faire du Grand Israël une terre purement « judéo-chrétienne ». 


Bref l’extrême-droite a changé le nom des sémites. Ils ne sont plus juifs (dominateurs, comploteurs, matérialistes, séparatistes et sans racine) mais arabes (islamistes, terroristes, néo-nazis, antisémites). Il est vrai que ce que j’appelle "national-judéo-christianisme" hérite d’une vieille tradition d’islamophobie et de racisme anti-arabe.


Oui, décidément, le président aurait dû dire : « génocide » ! Et de faire ce qu’il faut pour hâter la venue d’un cessez-le-feu à propos d’une guerre qui, sous l’apparence d’une guerre juste, est en réalité une « opération spéciale » de nettoyage par la mort et l’exil. 

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