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Billet de blog 17 septembre 2025

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Sur la spécificité du génocide en cours à Gaza

C’est parce que le génocide à Gaza ne présente pas, pour le grand public, des caractéristiques d’évidence comme, par exemple, dans le cas des « travaux » accomplis par les milices hutus, que le génocide peut avoir lieu.

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On commence à bien cerner la spécificité du mode opératoire mis en œuvre par les génocidaires sionistes.

A l’évidence le génocide en cours n’a pas la « pureté » technologique du judéocide nazi ni celle, plus artisanale, du génocide hutu. Et cela permet à de grands esprits comme R. Enthoven de répéter à l’envie : « Il n’y a pas de génocide à Gaza ».

Il aurait cette netteté comme par exemple, l’exécution systématique de foules rassemblées – sur le modèle de Babi Yar – ou, encore mieux, l’utilisation à grande échelle d’armes de destruction massive que cela même aurait plongé les soutiens d’Israël dans une impossibilité.  

D’où ce qui ressemble à un paradoxe : c’est parce que le génocide à Gaza ne présente pas, pour le grand public, des caractéristiques d’évidence comme,  par exemple, dans le cas des « travaux » accomplis par les milices hutus, que le génocide peut avoir lieu.

Netanyahou s’obstine, car il ne faut surtout pas avouer, à recourir au narratif de la guerre contre les nazis du Hamas. Si celui-ci utilise effectivement la population comme bouclier humain Israël utile la guerre contre le Hamas comme bouclier à l’abri duquel elle opère le génocide. D’où la  tactique de Tsahal consistant à voir du bouclier humain partout et tout le temps. De ce point de vue les « dégâts collatéraux » sont devenus un « but de guerre ». Il faudrait plutôt dire : « un but d’extermination ».

Il est vrai que si Israël  - celle de Bibi bien sûr – pouvait se passer de l’extermination cela aurait de nombreux avantages politiques. Mais il n’y a pas de baguette magique pour faire partir les gazaouis c'est-à-dire pour purifier le Grand Israël. D’où cette situation intermédiaire du génocide en cours entre un « grand génocide » et  un nettoyage ethnique sur le modèle de la nakba.

Ces considérations font apparaître combien le 7 octobre fut un attentat de rêve pour l’extrême-droite d’inspiration jabotinskienne. On n’a pas besoin de complot pour penser cela. La stratégie, ne l’oublions pas, consiste aussi à amener l’ennemi à faire ce qu’on a envie qu’il fasse. Et les massacres du 7 octobre, qui ne font que puiser leur « vocabulaire » dans les très anciennes techniques de guerre contre les populations – qu’on songe par exemple à la Saint Barthélémy – ont été propres à faire coaguler des angoisses profondes et certaines représentations : shoah bis, barbarie, nazisme… Et comme les Palestiniens n’avaient toujours pas d’Etat, et donc n’étaient  pas un partenaire reconnu dans le concert des nations, et donc assimilés à des terroristes barbares – sur le modèle des Amérindiens et des rebelles algériens – la fenêtre s’ouvrait pour un génocide déguisé, mais  c’est traditionnel, en guerre défensive existentielle.

Notons que le génocide en cours a comme deux sortes de mâchoires. Une des mâchoires tue des corps ; l’autre détruit systématiquement les conditions de vie. Et cela même permet de créer un spectacle de guerre contre le Hamas. Dans l’état actuel des choses c’est  un génocide qui se dissimule sous des images de violence comme, par exemple, la destruction d’immeubles. Auschwitz c’était « nuit et brouillard ». A Gaza c’est le « brouillard de la guerre ». De moins en moins de personnes sont dupes. Mais ce narratif est commode pour maintenir le soutien complice à Israël.

Dans l’état actuel des choses Netanyahou, trop heureux d’être ainsi le vrai « héritier » du 7 octobre, ne stoppera pas le génocide. Il veut être le démiurge du Grand Israël.

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