Un lapsus est, dans le langage, un fait de retour du refoulé. Quelqu’un qui a profondément haï une personne de son entourage peut se surprendre, à la mort de celle-ci, et en contrevenant involontairement aux conventions sociales, à dire par exemple : « J’ai le plaisir de vous annoncer… ».
Mais le lapsus peut être plus caché et de ce fait faire irruption avec encore plus de facilité que dans le cas d’une déformation linguistique. Le « sale boulot » ça fait partie d’un langage militaire. Le chancelier Friedrich Merz, en disant « sale boulot » ne semble pas avoir vu que, dans le contexte où l’expression était utilisée, elle pouvait manifester quelque refoulé d’antisémitisme.
Beaucoup de juifs allemands sont morts dans les centres de mise à mort nazis ainsi que de nombreux juifs d’Europe. Le monde juif de 2025 serait-il ainsi appréhendable comme composé de la mémoire de plusieurs millions de personnes assassinées d’un côté et, de l’autre, de descendants de survivants regroupés en tant qu’israéliens mais, quant à eux, engagés dans un conflit qui les mènerait à faire , « pour nous tous », le « sale boulot » ?
Bref du juif parasite à éliminer au juif utile parce que devenu mercenaire d’une croisade se disant anti-islamiste ?
C’est peu dire que de constater combien l’espace médiatique actuel regorge de « lapsus » mais aussi de déclarations dites « décomplexées » ! Cela donne le tournis sinon la nausée. L'antisémitisme à visage philosémite!
A nouveau, à l’antipode des espoirs de certains courants des Lumières, le religieux est à l’œuvre dans son versant le plus ténébreux : droit de tuer, droit d’exterminer en masse. Des Evangélistes défilent ainsi à Jérusalem pour dire leur amour du juif ! Sombre folie de justification d’un génocide dont la menace iranienne, qui a quelque chose à voir avec le Hamas, renforcerait la légitimité.
Nous condamnons, souvent a posteriori, le génocide. Mais n’oublions pas que les génocides se produisent parce que de nombreux acteurs trouvent absolument légitime, car fondé en « droit transcendantal », d’éliminer en tout ou en partie des groupes humains privés ainsi du droit humain le plus élémentaire.
J’appelle « droit transcendantal », avec je l’espère une pointe d’ironie, l’association élective d’un groupe humain à des qualités qu’il est le seul à posséder et qui justifient qu’il puisse réduire à néant des corps considérés comme monstrueusement non-humains.
J’appelle « national-judéo-christianisme » - le « pour nous tous » de Merz ? - une formation qui, oublieuse de la tragédie chrétienne de la judéophobie, désigne précisément son autre, le barbare musulman, comme ne relevant pas, par essence, de sa vision des « droits de l’homme ».
Nous sommes en train de plonger dans une tragédie civilisationnelle sans fond.